L’IGAS au chevet de la protection sociale de la jeunesse

La semaine dernière, l’Inspection Générale des Affaires Sociales a remis au Président de la République son rapport 2015. Consacré à la protection sociale des jeunes de 16 à 29 ans, il pose notamment la question de la manière d’assurer sa continuité et son individualisation dans le cadre de cheminements de plus en plus difficiles vers une vie professionnelle stabilisée. 

Saisir les problèmes propres à la jeunesse

Les auteurs du rapport 2015 de l’IGAS partent d’un constat plutôt banal : sur les 11 millions de jeunes âgés de 16 à 29 ans que compte la France, beaucoup “connaissent des parcours professionnels et personnels heurtés”, c’est-à-dire une entrée dans la vie active et une accession à l’autonomie retardées. L’allongement de la durée des études, la multiplication des stages ou des contrats précaires, voire l’extension d’un “chômage d’insertion” expliquent notamment cette situation. Les membres de l’IGAS posent alors la question des “conséquences” de la non linéarité des trajectoires de vie sur la protection sociale des jeunes. Fondé sur les appartenances familiales et professionnelles, notre système de protection sociale est-il adapté à la jeunesse actuelle ? 

Afin de répondre à cette question, les inspecteurs ont classiquement réalisé des entretiens avec des acteurs directement concernés par la question : responsables d’administration, d’organismes de protection sociale et d’organisations de jeunesse. Ils se félicitent également d’avoir pu recourir à toute une batterie de données statistiques établies spécialement pour l’occasion. Enfin, le rapport est rendu vivant par la mise en scène d’une dizaine de “parcours types” de jeunes, “emblématiques de la diversité des trajectoires professionnelles et personnelles”. Après s’être employé à démontrer que le système actuel de protection sociale est inadapté à la jeunesse, le rapport propose quelques pistes de réforme pour une continuité et une individualisation accrues. 

Une protection sociale inadaptée pour la jeunesse ?

Dans le système français actuel de protection sociale, créé alors qu’il y avait peu de chômage, l’acquisition de droits est fondée sur l’appartenance professionnelle ou, à défaut, sur le rattachement familial. En ce qui concerne plus spécifiquement les jeunes, aussi longtemps que leur passage de “la prise en charge par la famille (y compris la prise en charge des études) à l’autonomie professionnelle” s’est déroulée rapidement, ce système n’a posé aucun problème. Or, depuis plusieurs décennies, l’occupation d’un emploi “stable, rémunérateur et de qualité”, “première des protections sociales”, est régulièrement retardée. La couverture sociale et, plus généralement, “les aspirations à la responsabilité et à l’autonomie personnelle” des jeunes en pâtissent alors. 

Des mesures ont, certes, été prises afin d’alléger les conditions d’activité professionnelle préalables à l’ouverture de droits et afin de permettre l’accès à des droits invidualisés à partir de 16 ans et surtout de 25 ans, mais elles sont jugées “partielles, inéquitables et complexes” par les auteurs du rapport. Elles n’ont en effet pas remis en cause l’architecture professionnelle et familiale du système. De plus, les périodes de transition contraignent les jeunes à “des démarches administratives personnelles ardues”, potentiellement à l’origine de ruptures de droits. Le rapport pointe régulièrement du doigt l’étage complémentaire de la protection sociale, notamment en matière de santé, au motif qu’il renforce les inégalités, étant “plus contributif” que le régime de base. 

Au total, les auteurs du rapport s’inquiétent du risque de délégitimation dont pourrait être victime le système de protection sociale : “À ne pas comprendre le contenu et le sens de la sécurité sociale, les jeunes s’exposent à un risque de non-recours aux droits, ou critiquent vivement les procédures (cf. les jeunes entrepreneurs). Une telle situation est source de défiance à l’égard d’un système qui a pourtant besoin de leur adhésion pour pérenniser sa légitimité.” 

Quelques pistes de réforme

La dernière partie du rapport est consacrée à l’étude de pistes de réforme. L’IGAS estime qu’elles doivent suivre “deux grandes lignes directrices”. D’une part, celle “de simplicité, de complétude et de stabilité des couvertures sociales au profit des jeunes, quelles que soient les difficultés d’insertion qu’ils rencontrent et/ou la discontinuité de leur parcours professionnel.” D’autre part, celle de “l’individualisation des droits sociaux et d’accès à la couverture sociale de droit commun à partir de 18 ans dans le cadre d’une responsabilité partagée entre le jeune et la collectivité.” Les rapporteurs assurent que la mise en oeuvre de leurs recommandations obéirait au “principe de la neutralité financière” : des “redéploiements” auraient lieu. Reste à définir les perdants… 

Parmi les propositions déclinées risque par risque par les auteurs du rapport, quelques unes ont retenu notre attention. Tout d’abord, le fait qu’ils estiment qu’il “serait envisageable de confier la gestion du régime étudiant de sécurité sociale au régime général”. Ensuite, dans le cadre de la généralisation des complémentaires santé, ils appellent au développement de la solidarité : “des incitations supplémentaires pourraient être mises en œuvre pour que les branches développent à hauteur suffisante, en usant de leur faculté de recommandation, des mécanismes de solidarité ouvrant des droits non contributifs à certaines catégories de salariés”. Enfin, sous conditions, le RSA pourrait être ouvert aux moins de 25 ans plus largement qu’il ne l’est aujourd’hui. 

Avec de telles propositions, le rapport de l’IGAS promet de donner lieu à de vifs débats dans les rangs des responsables politiques et administratifs en charge des affaires sociales. Pour cette raison, il ne faut d’ailleurs pas exclure la possibilité qu’il soit sagement rangé sous la pile poussiéreuse des dossiers urgents. 

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