Licenciement pour absences répétées : le licenciement est nul en cas de harcèlement

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

Lorsqu’une salariée est licenciée pour absences prolongées, mais que ses absences sont dues au harcèlement qu’elle a subi, son licenciement n’est pas simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est nul. Une solution juste et qui ouvre des perspectives intéressantes en temps de barémisation. Cass.soc.30.01.19, n°17-31473. 

Voilà une solution qui revêt les atours de l’évidence : si le licenciement trouve son origine dans des faits de harcèlement, il est frappé de nullité. A bien y réfléchir cependant, « ça va mieux en le disant », tant la technique juridique peut parfois conduire à des hérésies en termes d’équité. 

  • Faits, procédure, prétentions

Une salariée, gestionnaire de paie et en arrêt de travail depuis plusieurs mois, est licenciée en raison de son absence prolongée qui, selon l’employeur, perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessite son remplacement définitif. 

Licenciement et maladie – L’article L.1132-1 du Code du travail condamne le licenciement fondé sur l’état de santé du salarié au titre des discriminations prohibées. Toutefois, depuis longtemps, la jurisprudence a admis le licenciement motivé par les absences liées à cette maladie. En Assemblée plénière, la Cour de cassation a précisé que ce licenciement n’est justifié que si les perturbations générées par ces absences ont entraîné la nécessité de procéder à l’engagement définitif d’un autre salarié (1). Ainsi, sans être interdits, les licenciements fondés sur les absences liées à la maladie du salarié doivent-ils répondre à ces conditions précises. 

La salariée estimant que ses absences, et donc son licenciement, n’étaient que la résultante du harcèlement moral subi, saisit la juridiction prud’homale. 

Sa demande, rejetée en première instance, prospère devant la cour d’appel qui, en conséquence, annule le licenciement. Pour justifier leur décision, les juges retiennent que l’employeur n’établit pas que le licenciement pour absences répétées de la salariée liées à une maladie est justifié par des éléments étrangers à tout harcèlement. 

L’employeur forme donc un pourvoi en cassation. 

  • Le licenciement fondé sur l’absence prolongée due au harcèlement est nul

Devant la Cour de cassation, l’employeur fait valoir deux arguments principaux et connexes. 

L’employeur rappelle d’abord que si les perturbations engendrées par l’absence prolongée de la salariée n’apparaissent pas justifiées, cela ne peut engendrer qu’une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non la nullité du licenciement (dont les conséquences indemnitaires ne sont pas les mêmes, surtout depuis l’entrée en vigueur du barème). 

D’autant que, selon lui, il appartient au salarié (en l’occurrence à la salariée) de prouver que le licenciement a pour cause les agissements de harcèlement. C’est pourquoi la cour d’appel n’aurait pas dû faire reposer sur l’employeur la charge d’établir « que le licenciement pour absences répétées du salarié liées à une maladie est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ». 

Pourtant, la Haute juridiction suit un tout autre raisonnement. Pour elle, en retenant l’existence d’un harcèlement moral ayant eu des répercussions sur l’état de santé de la salariée, la cour d’appel a fait ressortir l’existence d’un lien de causalité entre le harcèlement moral à l’origine de son absence et le licenciement. Et il n’y a donc pas de renversement de la charge de la preuve. 

Aussi, la Cour de cassation donne-t-elle raison aux juges du fond qui ont prononcé la nullité du licenciement. 

Pour la Haute juridiction « lorsque l’absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l’absence prolongée du salarié a causée au fonctionnement de l’entreprise ». 

Une solution pleine de bon sens et qui ouvre des perspectives aux plaideurs… 

  • Perspectives

Cette solution est aussi une façon opportune de rappeler que, de manière générale, le juge prud’homal doit rechercher la cause exacte du licenciement en dépit des faux-semblants, sans s’arrêter à la cause alléguée par l’employeur (surtout lorsque celle-ci n’est pas démontrée !). 

Si la cause alléguée dissimule une autre raison (souvent beaucoup moins avouable et illicite), l’employeur doit être condamné en fonction. Autrement dit, si la véritable cause du licenciement est illicite, le licenciement sera nul, peu importe qu’une autre cause ait été invoquée par l’employeur ! 

Par exemple, les juges peuvent prononcer la nullité d’un licenciement motivé par des fautes effectivement commises par le salarié, mais dont ils constatent qu’il ne s’agit que de prétextes, la véritable cause du licenciement étant la participation du salarié à une grève licite (2). 

Ce petit rappel pourrait s’avérer fort utile dans certaines hypothèses pour obtenir une juste indemnisation des salariés, que le barème désormais en vigueur ne permet pas toujours de d’atteindre. 

(1) Ass.plén.22.04.11, Bull.civ. n°3. 

(2) Cass.soc.28.04.1994, Droit social 1994.719. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

Un premier avenant intéressant pour la PSC du ministère de l’Intérieur

Un an après la signature de l’accord ministériel du 16 mai 2024 sur la protection sociale complémentaire (PSC) des agents du ministère de l’Intérieur et des outre-mer, un premier avenant est venu, le 12 mars 2025, en corriger plusieurs aspects. Publié au Journal officiel d'aujourd'hui, ce texte modifie la structure des bénéficiaires, ajuste un article sur la gouvernance et corrige une rédaction ambiguë sur les ayants droit. La principale évolution porte sur...

Budget 2025 : plus de 33 milliards d’euros alloués aux établissements médico-sociaux par la CNSA

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, fixe pour l’année 2025 l’objectif de dépenses et le montant total annuel des financements alloués aux établissements et services médico-sociaux relevant de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). L’objectif de dépenses est établi à 33 248,30 Md€ pour l’ensemble du secteur. Ce montant se répartit entre 17 538,87 Md€ pour les établissements et services accueillant des personnes âgées...

Dotations médico-sociales 2025 : 32,55 Md€ répartis entre les régions par la CNSA

Par décision du 2 juin 2025, publiée au Journal officiel d'aujourd'hui, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a fixé les dotations régionales limitatives applicables aux établissements et services médico-sociaux pour l’année 2025. Ces dotations, réparties par Agence régionale de santé (ARS), concernent à la fois les structures accueillant des personnes âgées et celles destinées aux personnes en situation de handicap. Le montant total...