Licenciement du salarié protégé : jusqu’à quand court la protection ?

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Lorsqu’un employeur souhaite licencier un salarié dit protégé, il doit au préalable saisir l’inspection du travail d’une demande d’autorisation. La Cour de cassation vient confirmer que cette autorisation est requise dès lors que le salarié bénéficie de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement. 

En conséquence, lorsqu’un salarié est convoqué à un entretien préalable avant le terme de sa protection, sans engagement de la procédure d’autorisation administrative, son licenciement est nul. Et ce, même si l’employeur retient dans la lettre de licenciement des faits commis postérieurement à la période de protection. Cass.soc. 23.10.19, n° 18-16.057. 

  • Une convocation à l’entretien préalable pendant la période de protection

Afin de permettre aux représentants des salariés d’exercer en toute quiétude leur mandat et de les protéger contre d’éventuelles mesures de représailles ou d’intimidation, le législateur a institué une protection dite « exorbitante du droit commun ». Cette protection interdit à l’employeur de les licencier sans autorisation administrative de l’inspecteur du travail sous peine de voir déclarer le licenciement nul (cette protection vaut aussi pour d’autres mandats comme ceux du CE, du CSE ou encore des DS). La protection joue pendant toute la durée du mandat des délégués du personnel. À compter de la disparition de l’institution ou de l’expiration du mandat des intéressés, les anciens représentant continuent à bénéficier d’une protection pendant 6 mois (1). 

Un salarié a été élu délégué du personnel le 5 novembre 2009. Sa période de protection s’achevait donc le 5 mai 2014 (soit 4 ans et 6 mois après son élection). L’employeur a engagé une procédure disciplinaire à l’égard du salarié, encore protégé. Aussi, le 28 avril 2014, il l’a convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 9 mai 2014. Il l’a ensuite licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 15 mai 2014. A aucun moment dans la procédure disciplinaire, l’employeur n’a sollicité l’autorisation de l’inspecteur du travail. 

Dans la lettre de licenciement, l’employeur reprochait au salarié des faits commis tant pendant la période de protection que postérieurement. 

C’est ainsi que le salarié a saisi les juges de demandes d’annulation de son licenciement, de réintégration et de dommages et intérêts. Il estimait que l’employeur était tenu de solliciter l’autorisation administrative de le licencier et ce, peu important que celui-ci était justifié par des faits postérieurs à la période de protection. 

  • La date à prendre en compte est celle de la convocation à l’entretien préalable

Les juges du fond ont rejeté les demandes du salarié. Ils ont considéré que « si les faits commis pendant la période de protection sont soumis à l’autorisation de l’inspection du travail, il en va différemment de ceux constatés à l’issue de celle-ci ». Selon la cour d’appel, dès lors que le licenciement était justifié par des faits postérieurs à la période de protection, l’employeur pouvait licencier le salarié, sans être tenu de solliciter l’autorisation de l’inspection du travail. 

La Cour de cassation censure ce raisonnement. Elle rappelle que « l’autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement ». 

C’est donc à cette date uniquement qu’il faut se placer pour déterminer si la procédure d’autorisation administrative doit être mise en œuvre. Ainsi, en l’espèce, il importait peu que la lettre de licenciement retienne des faits commis postérieurement à l’expiration de la période de protection. Dans la mesure où le salarié bénéficiait de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien, l’employeur aurait dû appliquer la procédure. 

Cette solution n’est pas nouvelle. En effet, la Haute juridiction avait déjà pu affirmer que la protection des salariés jouait pleinement lorsqu’elle était toujours en vigueur au moment de l’enclenchement de la procédure de licenciement (matérialisée par la convocation à l’entretien préalable) (2). 

Mais cette solution avait notamment été posée dans le contexte d’une lettre de licenciement envoyée postérieurement à l’expiration de la période de protection. Elle a donc le mérite d’être rappelée. 

Notons que le Conseil d’Etat s’est aligné sur cette position dans un revirement opéré en 2016 (3). Avant cela en effet, lorsque le salarié ne bénéficiait plus de la protection au moment où l’inspecteur du travail rendait sa décision, celui-ci n’était plus compétent pour se prononcer sur le licenciement. La CFDT s’était d’ailleurs satisfaite que cette solution injuste et risquée juridiquement fût abandonnée. 

 

(1) Art. L.2411-5 C.trav dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017. La même protection s’applique aux membres et ancien membres de la délégation du personnel du CSE (même article). 

(2) Cass.soc. 18.11.09, n° 08-43451 et Cass.soc. 26.03.13, n°11-27.964 et 11-27.996 (peu important la date d’envoi de la lettre de licenciement). 

(3) CE, 23.11.16, n° 392059. 

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