Les salaires de la fonction publique peuvent-ils être augmentés de la même façon qu’en Allemagne ?

Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO

 

Est-ce difficile pour les agents publics travaillant en Europe d’obtenir des augmentations de salaires ? Oui. Actuellement mobilisés, les fonctionnaires français en savent quelque chose. Venue d’outre Rhin en cette mi-avril, l’issue victorieuse d’une négociation salariale dans le secteur public a toutefois de quoi mettre du baume au cœur des personnels du secteur public français et des syndicats, dont FO, actuels initiateurs du combat contre l’austérité salariale qui sévit depuis des années dans la fonction publique. 

A Postdam près de Berlin, trois syndicats allemands du secteur public (Ver.di/syndicat unifié des services, GEW et DBB) ont signé en effet un accord salarial dans la nuit du 17 au 18 avril dernier avec les autorités fédérale et régionales. 

Les syndicats qui demandaient initialement une augmentation générale des salaires à hauteur de 6% ont décroché pour les 2,3 millions d’agents concernés une augmentation générale de 7,5% sur 3 ans (3,2% en 2018 avec effet rétroactif au 1er mars, +3,1% au 1er avril 2019, +1,1% au 1er mars 2020). 

L’accord prévoit aussi une prime ponctuelle de 250 euros pour les plus bas salaires, une revalorisation des salaires à l’embauche à hauteur de 10%, une augmentation de 100 euros pour les rémunérations des apprentis lesquels conquièrent par ailleurs un jour de congé supplémentaire. C’est le meilleur accord salarial depuis des années a souligné le secrétaire du syndicat Ver.di, Frank Bsirske. 

Près de vingt ans de réformes antisociales

La fonction publique allemande compte environ 4,8 millions d’agents publics travaillant à l’échelon fédéral, dans les Länder [les régions, NDLR] ou dans les communes. Un peu moins de deux millions sont des fonctionnaires dotés d’un statut spécifique lequel interdit notamment le droit de grève. Près de trois millions d’agents sont, eux, sous statut privé et disposent du droit de grève. 

L’accord signé en cette mi-avril avec les autorités fédérale et régionales a mis fin à un conflit qui est venu rappeler que le combat pour les droits sociaux et les salaires reste d’actualité en Allemagne… Contrairement à ce que voudraient faire croire depuis des années les différents gouvernements. Particulièrement depuis les années 2000, date du lancement de réformes (sous les gouvernements de M. Gerhard Schröder) qui ont dégradé les acquis sociaux. 

Les salariés allemands avaient alors subi de plein fouet une réforme des retraites, des prestations sociales, une mesure contraignant les chômeurs à accepter un emploi y compris à très bas salaires (lois Hartz) ou encore une disposition créant des contrats assortis de mini-salaires. 

Stop à la modération salariale !

Les revendications des salariés n’ont pas disparu pour autant. Ainsi depuis janvier dernier les fonctionnaires allemands ont réitéré leur demande d’une augmentation générale des salaires. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls. Différents secteurs professionnels demandent des augmentations. En début d’année, le secteur de la métallurgie était en grève. Le syndicat IG-Metal a signé en février un accord pour une augmentation des salaires de 4,3% sur deux ans. Désormais le secteur du bâtiment s’est mobilisé aussi pour les salaires. 

Le secteur public allemand s’est donc élevé contre la politique de modération salariale qui lui est infligé depuis des années. Une politique que nombre de dirigeants européens saluent pour sa vertu à doper la compétitivité du pays. En 2017 les comptes publics de l’Allemagne ont présenté un excédent de 38,4 milliards d’euros. Inscrit dans la constitution, le déficit structurel fédéral ne doit pas dépasser les 0,5% du PIB. 

C’est la doctrine du zéro déficit, le « schwarze null ». Par ailleurs, dès 2019, les Länder n’auront plus le droit quant à eux de contracter de nouveaux emprunts. Ce qui est loué comme « miracle allemand » a toutefois son revers. L’Allemagne place sa dépense publique sous contrainte drastique, ce qui implique notamment une politique d’austérité appliquée aux salaires des agents des services publics, qu’ils soient sous statut public ou privé. 

Comme en France en somme…

Différentes études européennes montrent qu’en Allemagne, 42% des salariés des services publics travaillent sur la base de contrats à durée déterminée. Autre singularité, pour le même travail, un agent peut percevoir un salaire inférieur de 30% à un autre. Cela s’explique par la pratique de plus en plus répandue de la sous-traitance, soit l’externalisation des missions publiques. Les sociétés privées qui obtiennent ces contrats respectent peu les accords tarifaires de branche (équivalent des conventions collectives) sans compter qu’elles usent à plaisir des nombreuses déréglementations qui affectent la législation du travail. 

Les agents du secteur public ont malgré tout décidé de faire voler en éclats et au grand jour l’austérité salariale. À la mi-avril, pendant une semaine, la mobilisation a pris la forme de grèves qualifiées « d’avertissement ». Ce mouvement de protestation a concerné nombre de secteurs : les personnels des transports locaux étaient dans l’action tout comme ceux des crèches, des aéroports, des gares, des hôpitaux, des services de ramassage des ordures ménagères… Au moins 220 000 agents du secteur des services ont par exemple effectué des débrayages de quelques heures. 800 vols de la compagnie Lufthansa ont dû être annulés… 

Comme quoi lorsque l’insatisfaction salariale est à son paroxysme, les salariés français –du privé comme du public– ne sont pas les seuls à s’engager dans la grève pour contraindre les pouvoirs publics ou les employeurs privés à répondre aux revendications… 

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