Les Sages déclarent inconstitutionnelles les saisies administratives en période d’état d’urgence

Avec l’état d’urgence, de nombreuses perquisitions et saisies administratives sont effectuées dans des conditions particulières permettant notamment un processus accéléré. Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité le 18 janvier 2016, portant sur l’étendue des pouvoirs de la police administrative en situation d’état d’urgence et plus précisément sur la copie de données lors de la perquisition. Sur cette question épineuse, les sages ont rendu leur décision ce 19 février 2016 en déclarant inconstitutionnelle la saisie administrative dans certaines conditions. 

 

La question posée au Conseil constitutionnel et les arguments des demandeurs  

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 janvier 2016 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité posée pour l’association Ligue des droits de l’homme, par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. 

La question est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence « dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 ». Cet article dispose qu’il est possible, lorsque l’état d’urgence est déclaré, de procéder à une perquisition en présence d’un officier de police judiciaire, il peut être accédé, par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial. Les données auxquelles il aura été possible d’accéder dans les conditions prévues au présent article peuvent être copiées sur tout support

Les arguments avancés par les demandeurs sont qu’en permettant à l’autorité administrative de procéder à une perquisition dans un domicile dans le cadre de l’état d’urgence, il y a méconnaissance de l’exigence constitutionnelle de contrôle judiciaire des mesures affectant l’inviolabilité du domicile, laquelle est protégée au titre de la liberté individuelle et du droit au respect de la vie privée. 

Les auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité soutiennent également que cela porte une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle, au droit au respect de la vie privée et au droit à un recours juridictionnel effectif. Enfin, ils considèrent que le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et qu’une atteinte est portée à la séparation des pouvoirs dès lors qu’il est permis à l’autorité administrative d’effectuer des opérations de police judiciaire pouvant aboutir à des mesures répressives. 

La décision des sages en deux parties

Des dispositions contraires à la Constitution

Les dispositions permettent à l’autorité administrative de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d’accéder au cours de la perquisition sont déclarées inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel. Les Sages précisent que cette mesure est assimilable à une saisie et que ni cette saisie ni l’exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris en cas d’opposition de la personne perquisitionné et sans infraction. Il en ressort que législateur n’a pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée. Ces dispositions sont alors déclarées contraires à la Constitution. 

Des dispositions conformes à la Constitution

En ce qui concerne les libertés individuelles, dont l’autorité judiciaire est gardienne elles ne sont pas remises en question en l’espèce. 

Les sages considèrent qu’en ce qui concerne l’équilibre entre la nécessité de sauvegarde de l’ordre public et le respect des libertés individuelles ce dernier n’est pas remis en cause. Les mesures prises sont justifiées par l’état d’urgence qui est limité dans le temps et l’espace. Ainsi les perquisitions sont réalisables avec moins de contraintes qu’en temps normal mais doivent respecter un cadre minimum fixé par la loi, pour concilier le respect de la liberté, la propriété avec celui de la sauvegarde de l’ordre public sans méconnaitre la garantie de la séparation des pouvoirs. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Découvrez nos analyses et capsules vidéos
Lancer la vidéo

Webinaire Tripalio #3 : les CCN face à l'assurance obsèques de l'enfant de -12 ans

Lancer la vidéo

Webinaire Tripalio #2 : Le point sur les catégories objectives dans les CCN

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #3 : les enjeux de la rentrée de septembre 2025

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #1 : le régime santé de la CCN Syntec

You May Also Like
Lire plus

La double authentification arrive sur Tripalio le 5 janvier 2026 pour une sécurité renforcée

Pour protéger les données et sécuriser l'accès de tous nos utilisateurs à nos informations stratégiques, à notre base de données CCN et à nos outils de conformité juridique, nous faisons évoluer la connexion au site Tripalio à partir du 5 janvier 2026. Dès le début de l'année 2026, un mécanisme simple de double authentification par mail vous permettra de vous connecter à Tripalio. ...
Lire plus

Joyeuses fêtes avec Tripalio

L'ensemble de l’équipe Tripalio vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. Ces prochains jours, retrouvez notre sélection des articles publiés en 2025. ...

Malakoff Humanis et Kerialis vers un rapprochement

En fin de semaine dernière, par le moyen d'un communiqué commun, Malakoff Humanis, assureur paritaire généraliste, et Kerialis, assureur lui aussi paritaire mais davantage centré sur les professions "du droit et du chiffre", ont annoncé avoir signé "un protocole d'accord en vue de leur projet de rapprochement". Faisant état d'une réflexion entamée depuis le printemps dernier dans ce domaine, les deux groupes paritaires se félicitent d'avoir identifié une...

Avis d’extension d’un avenant à l’accord collectif de prévoyance interbranches dans les exploitations de polyculture élevage maraîchage CUMA de Loire-Atlantique

La ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, envisage d’étendre, par avis publié le 19 décembre 2025 les dispositions de l’avenant n° 8 du 25 juin 2025 à l'accord collectif de prévoyance interbranches concernant les salariés non-cadres des exploitations de polyculture, de viticulture, d'élevage, de maraîchage, d'horticulture, de pépinières, des entreprises des territoires et des coopératives d'utilisation de...

Avis d’extension d’un avenant à l’accord sur une protection sociale complémentaire en santé dans certains départements des Pays de la Loire et de l’ouest de la France

La ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire, envisage d’étendre, par avis publié le 19 décembre 2025, les dispositions de l’avenant n° 9 du 27 janvier 2025 à l'accord sur une protection sociale complémentaire en santé dans certains départements des Pays de la Loire et de l'ouest de la France. Les organisations professionnelles et toutes personnes...