Les modalités d’examen d’une convention collective par la Cour de cassation

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat FO.

A l’occasion d’un arrêt rendu en Assemblée plénière le 23 octobre 2015, la Cour de cassation a eu l’occasion de donner son mode d’emploi s’agissant de l’interprétation d’une disposition d’une convention collective (Cass. ass. plén., 23-10-15, n°13-25279, PBRI). 

Dans la présente affaire, des salariés relevant de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne étaient informés de leur mutation de Rungis dans des locaux parisiens (Paris VIIIe). 

Les salariés ont refusé de rejoindre leur nouveau lieu de travail estimant qu’il s’agissait d’une modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail qui ne pouvait leur être imposée sans leur accord. Selon eux, la convention collective interdisait à leur employeur de leur imposer une telle modification. Les salariés, en raison de leurs refus réitérés de se rendre sur leur nouveau lieu de travail, ont été licenciés pour faute grave. 

La discussion portait sur l’interprétation qui devait être faite de la convention collective. Celle-ci prévoyait que toute modification de caractère individuel apportée à l’établissement dans lequel l’emploi est exercé devrait faire, préalablement, l’objet d’une notification écrite. Dans le cas où cette modification ne serait pas acceptée par le salarié, elle serait considérée comme une rupture du contrat de travail du fait de l’employeur et réglée comme telle. 

Cette disposition avait-elle pour effet de conférer au lieu de travail un caractère contractuel ou n’est-elle qu’une procédure à suivre en cas de non acceptation du nouveau lieu de travail ? 

Interprétant la convention collective, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation juge que le lieu de travail n’a pas un caractère contractuel : les dispositions conventionnelles signifient seulement qu’en cas de non-acceptation par le salarié de la modification envisagée du lieu de travail, l’employeur qui n’entend pas renoncer à la modification doit prendre l’initiative de la rupture du contrat de travail en engageant une procédure de licenciement. En énonçant cette solution, la Cour de cassation donne, au passage, un mode d’emploi pour interpréter la convention collective. 

Pour la Cour de cassation, la convention collective doit être interprétée comme la loi si elle manque de clarté, c’est-à-dire d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et en dernier recours en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte. La Cour de cassation précise qu’elle exerce un contrôle lourd de cette interprétation afin d’assurer une unité d’application. 

Pour la Cour en l’espèce, l’article ne dit pas que le lieu de travail est un élément substantiel du contrat de travail, ni que l’accord du salarié est obligatoire, ni que ce dernier a le droit de refuser le transfert de son lieu de travail, ni que la seule non acceptation par le salarié de la modification de son lieu de travail rend nécessairement l’employeur responsable de la rupture et débiteur de toutes les indemnités de rupture au profit du salarié. 

 

La Cour note que l’interprétation de la convention collective au moment de son application ne doit pas avoir pour effet d’en modifier la portée, ni de lui conférer une utilité en remplacement de celle qu’elle présentait lors de sa conclusion et qu’elle a pu perdre par suite de l’évolution jurisprudentielle ou législative. 

En 1979, date à laquelle la convention a été signée, la disposition avait pour objectif de permettre au salarié de percevoir les indemnités chômage en imposant d’engager une procédure de licenciement du salarié qui refusait de rejoindre son nouveau lieu de travail. Cet avantage est désormais accordé à tous les salariés du fait de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 8-10-87, n°84-41902 ; Cass. soc., 25-6-92, n°88-42498). Enfin, la Cour note que la solution qui veut que le lieu de travail ne soit pas contractualisé apparaît plus en harmonie avec l’évolution actuelle du droit, favorisant la mobilité géographique sans nuire au salarié qui peut toujours contester le bien-fondé du licenciement. 

Au final, la Cour de cassation conclut que la solution qui veut que le lieu de travail ne soit pas contractualisé respecte mieux, que celle de la contractualisation, la lettre du texte. En outre, si le refus d’un changement des conditions de travail (les salariés étant soumis à une clause de mobilité) ne constitue pas en soi une faute grave, le refus réitéré de se rendre sur le nouveau lieu de travail situé dans le périmètre de la clause de mobilité peut justifier un licenciement pour faute grave. 

La Cour d’appel a relevé que l’employeur avait respecté un délai de prévenance suffisant pour permettre aux salariés de s’organiser. Les salariés avaient persisté dans leur attitude d’obstruction consistant à se présenter systématiquement sur leur ancien lieu de travail. Pour la Cour de cassation (qui exerce un contrôle léger sur cette question), la Cour d’appel a pu décider qu’un tel refus, pour la justification duquel aucune raison légitime n’était avancée (comme des obligations familiales impérieuses), caractérisait bien une faute grave. 

 

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