La question des désignations a mis sur le tapis le sujet des SSIG (services sociaux d’intérêt général). Les défenseurs des désignations soutiennent en effet que le droit communautaire permet des exceptions au droit de la concurrence pour ces services, méconnus en France, auxquels appartiendraient les institutions de prévoyance désignées dans une branche. Mais que sont au juste les SSIG?
Le terme européen « services sociaux d’intérêt général » (SSIG) désigne une sous-catégorie des services d’intérêt général (SIG). Le terme recouvre les services d’intérêt général à caractère social, qui peuvent être de nature non économique (SSNEIG) ou économique (SSIEG).
Toutefois, il n’existe pas, dans le droit de l’union, une définition précise des SSIG. La jurisprudence de la CJUE utilise la méthode du faisceau d’indices et pose les critères à remplir pour qu’une entreprise soit qualifiée de SSIG.
Des obligations de service public clairement définies par acte légal : la jurisprudence Altmark et BUPA
La CJUE a posé, dans le célèbre arrêt Altmark, le critère principal concernant la qualification d’un SSIG. En effet, pour qu’une entreprise soit considérée comme chargée de l’exécution d’obligations de service public, ces obligations doivent être clairement définies par acte légal.
La décision BUPA du tribunal de première instance des communautés européennes (TPICE) est venue confirmer et préciser l’arrêt Altmark. L’acte légal définissant les obligations de service public consiste en un acte de puissance publique portant création et définition d’une mission particulière qui consiste en la prestation du SSIEG.
La décision BUPA est l’occasion pour le tribunal de citer d’autres critères communs aux SSIG.
Les autres critères issus de la jurisprudence de la CJUE et des communications de la Commission européenne
Outre le critère portant sur l’existence d’un acte légal, la CJUE et la Commission européenne ont, à plusieurs reprises, cité des critères permettant de qualifier un SSIG. C’est ainsi, par exemple que dans la décision BUPA, les juges européens évoque le caractère universel et obligatoire de la mission de service public.
En effet, un SSIG peut avoir un caractère universel dans le sens où le service est fourni sur l’ensemble du territoire d’un pays à des prix abordables et à des condiions de qualité similaires, quelle que soit la rentabilité des opérations considérées individuellement.
Un SSIG doit également répondre à un souci de continuité du service, de qualité, d’accessibilité tarifaire et de protection de l’utilisateur et du consommateur. Cette dernière condition de protection de l’utilisateur est inscrite dans le livre vert de la Commission sur les SIG, en date du 21 mai 2003, COM (2003) 270 final, point 49.
Deux communications (2006 et 2007) de la Commission sur les SSIG listent, également, un certain nombre de critères communs aux SSIG. On peut citer notamment :
– un fonctionnement sur la base du principe de solidarité requis notamment par la non sélection des risques ou l’absence d’équivalence à titre individuel entre cotisations et prestations,– la participation de volontaires et de bénévoles, expression d’une capacité citoyenne,– une relation asymétrique entre prestataires et bénéficiaires ne pouvant être assimilée à une relation « normale » de type fournisseur-consommateur requérant ainsi la participation d’un tiers payant.
Une grande marge d’appréciation laissée aux États membres de l’UE
Le protocole n°26 au TFUE, l’article 14 du TFUE, ainsi qu’une jurisprudence constante de la Cour reconnaissent la grande marge d’appréciation laissée aux États membres dans la définition et la reconnaissance de ce qu’ils considèrent comme relevant de l’intérêt général.
Toutefois, un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation est réalisé par la Commission et la Cour.
Ce large pouvoir discrétionnaire laissé aux autorités nationales, régionales et locales s’explique par la diversité des services d’intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister entre États membres.
Institutions de prévoyance et SSIG : un lien possible ?
Les institutions de prévoyance sont régies par le Code de la sécurité sociale et principalement par les article L 931-1 et s. du Code. Cet article définit les IP comme étant « des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants ».
Le législateur français se garde bien de dire que les IP ont une quelconque mission d’intérêt général. Est-ce parce que les IP ne remplissent pas les conditions posées au niveau européen pour qualifier un SSIG ?
En faisant un parallèle entre les IP et le SSIG au sens européen on se rend compte que le critère principal issu de la jurisprudence Altmark et confirmé par l’affaire BUPA n’est pas rempli pour les IP. En effet, en France, aucun acte de puissance publique ne définit des missions de service public attachées aux IP.
La réponse pourrait être plus nuancée en ce qui concerne d’autres critères, tenant notamment à la continuité des services, leur caractère obligatoire ou encore universel.
Cependant, il semblerait que le critère principal soit celui de l’existence d’un acte légal définissant clairement des missions de service public. En effet, le considérant n° 89 de l’arrêt Altmark et le considérant 172 de la décision BUPA sont précis sur ce point.
Dans l’état actuel des choses, le pouvoir discrétionnaire du juge interne français pourrait se révéler très utile. En effet, une décision se positionnant clairement sur l’existence ou non d’un lien entre IP et SSIG serait la bienvenue.