Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT
Lorsqu’un salarié est licencié pour faute lourde, à quelles indemnités a-t-il droit ? Peut-il être privé du versement de l’indemnité compensatrice de congés payés ? Non, nous répond la Cour de cassation, tout en nous rappelant la définition et les conséquences de la faute lourde. Cass.soc.28.03.18, n°16-26013.
- Faits et procédure
Lors d’un entretien disciplinaire, un salarié a, de manière volontaire, violemment agressé son employeur en lui portant un coup de tête entraînant un traumatisme crânien avec une incapacité totale de travail de 15 jours et 7 points de suture. Suite à cette agression, l’employeur licencia le salarié pour faute lourde.
Pour contester son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes en vue de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de faire condamner son employeur à lui verser diverses sommes au titre de : l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, son salaire de mise à pied, l’indemnité de préavis et l’indemnité de congés payés.
Débouté de ses demandes en appel, le salarié saisit la Cour de cassation. La question qui se pose alors vise à savoir si le salarié licencié pour faute lourde peut prétendre à l’ensemble de ses indemnités, et notamment l’indemnité compensatrice de congés payés.
- Comment se définit une faute lourde ?
Pour rappel, trois types de fautes graduées peuvent être sanctionnées par un licenciement :
– la faute simple,
– la faute grave,
– la faute lourde.
Dans l’échelle de gravité des fautes contractuelles ou disciplinaires, la faute lourde constitue l’échelon le plus élevé. Elle est caractérisée lorsqu’elle est exceptionnellement grave et qu’elle est commise par le salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou l’entreprise. Ce qui veut dire qu’une telle faute implique nécessairement la volonté du salarié de porter préjudice à l’employeur en commettant le fait fautif (1). Par conséquent, elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
C’est à l’employeur qu’il revient de prouver la gravité de la faute. C’est ensuite au juge de rechercher si les faits reprochés au salarié sont constitutifs d’une faute, puis d’apprécier si ces faits doivent être qualifiés de faute lourde. En pratique, l’intention de nuire du salarié n’est pas si évidente à prouver, ce qui rend rare ce type de licenciement.
En l’occurrence, pour prouver la faute lourde, l’employeur a versé au débat deux attestations de salariés qui affirment que « suite à un échange verbal houleux entre les deux protagonistes, [le salarié] a fait semblant de quitter l’entreprise pour faire demi-tour et assener par surprise un coup de tête » à l’employeur. En tenant compte du caractère violent de cette agression, commise dans le but de nuire à l’employeur, la faute lourde était sans nul doute caractérisée.
- La faute lourde ne prive pas le salarié de son indemnité de congés payés
Comme la faute grave, la faute lourde a pour conséquence de priver le salarié de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement. En revanche, l’indemnité compensatrice de congés payés prévue par le Code du travail lui est due.
Depuis une décision du Conseil constitutionnel de 2016 (2) la faute lourde n’est plus privative de l’indemnité compensatrice de congés payés. En effet, auparavant, l’alinéa 2 de l’article L.3141-26 du Code du travail excluait du bénéfice de l’indemnité compensatrice de congés payés les salariés licenciés pour faute lourde. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cette disposition, le Conseil constitutionnel l’a jugée non conforme à la Constitution car elle méconnaissait le principe d’égalité devant la loi. En effet, le législateur traitait différemment des personnes se trouvant dans la même situation dans la mesure où « un salarié ayant travaillé pour un employeur affilié à une caisse de congés conserve son droit à indemnité compensatrice de congés payés en cas de licenciement pour faute lourde, alors que tout autre salarié licencié pour faute lourde est privé de ce droit ».
S’appuyant sur la rédaction de l’article L.3141-26 du Code du travail dans sa rédaction, qui résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016, la Cour de cassation a justement annulé l’arrêt de la Cour d’appel de 2015 – mais seulement pour ce qui concerne la demande du salarié au versement de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Une telle solution est donc logique. D’ailleurs, il est intéressant de noter que même si la décision du Conseil constitutionnel a été rendue postérieurement à celle de la cour d’appel, elle s’applique à toutes les affaires en cours.
(1) Voir par exemple Cass.soc.22.10.15, n°14-11291.
(2) Cons.const. QPC, 02.03.16, n° 2015-523.