Le droit européen est-il trop laxiste avec la responsabilité sociétale des entreprises ? C’est ce que suppose la proposition de résolution que la députée écologiste Danielle Auroi a déposé en commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La discussion de la proposition, qui s’est tenue le 9 juin 2015, s’est déroulée dans le calme et les membres de la commission semblent tous d’accord sur le bien-fondé d’un tel texte.
La responsabilité sociétale encore trop diffuse
Pour introduire sa proposition de résolution relative à la responsabilité sociétale des entreprises au sein de l’Union européenne, Mme Auroi fait référence à plusieurs catastrophes écologiques et humaines qui ont déjà eu lieu : le naufrage de l’Erika en 1999, l’effondrement du Rana Plazza en 2013, l’incendie d’un atelier de production de chaussures à Manille en mai 2015. Elle dénonce ouvertement l’incompatibilité qui peut parfois exister entre les raisonnements économiques et le respect des droits humains, sociaux et environnementaux. Mme Auroi déplore le fait que les groupes de sociétés n’aient pas la personnalité morale, car lorsqu’un accident survient, c’est souvent une filiale qui engage seule sa propre responsabilité. Son argumentaire pointe directement du doigt l’impunité dont pourraient bénéficier les sociétés-mères ou les donneurs d’ordres dans ce genre de situation.
La responsabilité sociétale serait trop limitée en droit européen
Le texte est proposé afin de faire agir les parlements nationaux européens et les instances européennes en faveur d’une responsabilisation des sociétés de l’Union européenne. Actuellement, les entreprises doivent communiquer un “reporting extra-financier” pour informer sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité. Ce reporting est intégré dans le rapport annuel de gestion de la société. Cette mesure résulte d’une initiative de la France qui avait voté, dès 2001, cette obligation pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Cette loi française a permis l’adoption, le 22 octobre 2014, de la directive 2014/95/EU.
La députée espère créer le même mouvement avec cette proposition de résolution.
Hormis cette obligation, d’autres mesures plus limitées et spécifiques à certains secteurs existent au niveau européen. Une directive concerne les certifications dans le commerce de diamants bruts, une autre concerne les obligations à respecter pour les opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché. Mme Auroi considère que ces dispositions demeurent trop limitées surtout en ce qu’elles n’entrainent pas d’obligation de réparation des dommages occasionnés.
Une résolution favorable à plus de responsabilité sociétale des entreprises
L’objectif de la résolution est d’affirmer l’engagement de la France et de l’étendre au niveau européen. Le texte donne une définition de la responsabilité sociétale des entreprises : il s’agit de “concilier dans la perspective du développement durable et en conformité avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la croissance économique, la compétitivité des entreprises et le respect des droits humains, sociaux et environnementaux, ainsi qu’à protéger les données personnelles et lutter contre la fraude et la corruption”. Le texte rappelle aussi l’insuffisance des divers plans nationaux qui ont déjà été lancés malgré l’importance des enjeux.
Par cette résolution, Mme Auroi et les membres de la Commission souhaitent inscrire de manière contraignante dans le droit européen le principe de la responsabilité sociétale des entreprises. Cette responsabilité s’appliquerait à l’ensemble des entreprises ayant leur siège social dans un Etat-membre de l’UE. Les entreprises concernées seraient soumises à des obligations précises en matière de devoir de vigilance vis-à-vis de leurs relations d’affaires, de leurs filiales, de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs. Ces règles seraient assorties de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives voire proportionnelles aux dommages environnementaux, sociaux ou sanitaires.
La résolution propose enfin aux Parlements nationaux de soutenir cette résolution par une démarche commune auprès de la Commission européenne.