Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT.
Après avoir admis la possibilité pour un salarié temporaire d’être membre du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) d’une entreprise de travail temporaire, la Cour de cassation vient par cet arrêt préciser les conditions d’une telle désignation. Il n’est notamment pas nécessaire que l’intérimaire soit lié à l’entreprise de travail temporaire par un contrat de mission au jour du scrutin. Cass. soc. 30.09.15, n° 14-25704.
Les faits
Au sein de la société Manpower (entreprise de travail temporaire ou ETT) trois travailleurs intérimaires ont été désignés en qualité de membres du CHSCT. Au motif que ces derniers n’étaient pas titulaires d’un contrat de mission au jour de la réunion des collèges désignatifs, la direction a saisi le tribunal d’instance afin de demander l’annulation des désignations. Le tribunal rejette la demande de la société qui saisi la Cour de cassation.
La question posée à la Haute cour était la suivante : les travailleurs temporaires doivent-ils être sous contrat de mission au jour de la désignation pour pouvoir être membre du CHSCT ?
Non, répond la Cour de cassation, pour laquelle sont éligibles aux CHSCT dans les entreprises de travail temporaire, les salariés intérimaires qui ont été liés à cette ETT pendant une durée totale d’au moins 3 mois au cours de la dernière année civile(1) , « peu important qu’ils ne soient pas titulaires d’un contrat de mission lors de la réunion du collège désignatif, dès lors qu’ils n’ont pas fait connaître à l’ETT qu’ils n’entendent plus bénéficier d’un nouveau contrat et que ce dernier ne leur a pas notifié sa décision de ne plus faire appel à eux pour de nouveaux contrats »
Une condition d’ancienneté : 3 mois de mission sur la dernière année
Contrairement aux membres du Comité d’entreprise et aux délégués du personnel, le Code du travail ne fixe aucune condition d’éligibilité des membres du CHSCT. L’unique condition posée par la jurisprudence pour qu’un travailleur temporaire puisse être désigné en cette qualité est que ce dernier fasse partie de l’effectif de l’entreprise. En application du Code du travail(4), cette fois, les intérimaires sont pris en compte dans le calcul de l’effectif de l’entreprise s’ils ont été liés à cette entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d’au moins 3 mois au cours de la dernière année civile. En l’espèce, les salariés désignés remplissaient cette condition d’ancienneté, ils faisaient donc partie de l’effectif et par conséquent étaient éligibles au CHSCT.
Pas de nécessité d’être titulaire d’un contrat de mission au jour du scrutin
L’argument principal avancé par la direction de l’ETT pour justifier la nullité des désignations était de dire qu’au jour de la réunion du collège désignatif, les salariés temporaires n’étaient pas titulaires d’un contrat de mission. Or, si cette condition est effectivement requise pour être électeur et éligible au comité d’entreprise(5) et à la délégation du personnel(6), à défaut de précision légale, la jurisprudence ne l’a en revanche pas retenue pour être membre du CHSCT. La Cour de cassation a donc justement considéré qu’il importait peu que les salariés temporaires soient titulaires d’un contrat de mission à la date du scrutinpour pouvoir être désignés au CHSCT, dès lors qu’ils remplissaient bien la condition d’ancienneté de 3 mois, ce qui était le cas en l’espèce.
Ne pas avoir manifesté son intention de ne plus travailler ensemble à l’avenir
Si les juges n’exigent pas que l’intérimaire soit sous contrat de mission au jour de la désignation, ils reprennent néanmoins une condition prévue initialement pour les membres du CE et les délégués du personnel. Outre la condition d’ancienneté, les salariés temporaires sont éligibles au CHSCT dès lors qu’ils n’ont pas fait connaître à l’entrepreneur de travail temporaire qu’ils n’entendent plus bénéficier d’un nouveau contrat et que ce dernier ne leur a pas notifié sa décision de ne plus faire appel à eux pour de nouveaux contrats.Pour résumer, à partir du moment où ni le salarié, ni l’entreprise de travail temporaire n’ont manifesté leur intention de ne plus « collaborer » avec l’autre, la légitimité à candidater au CHSCT existe.
Cette jurisprudence est cohérente avec les principes édictés par le Code du travail et va certainement faciliter l’accès des intérimaires aux fonctions de représentation au sein de leur entreprise de travail temporaire. Par ailleurs, compte tenu du statut des travailleurs temporaires qui alternent périodes travaillées et non travaillées, il serait inéquitable d’exiger d’eux qu’ils soient en mission au jour de la réunion du collège désignatif. Cela aurait pour effet d’exclure d’une possible désignation des intérimaires de façon aléatoire, voire arbitraire. En effet, en poussant un peu la réflexion, on peut imaginer que certains employeurs seraient tentés de ne pas (de façon tout à fait intentionnelle) confier de missions à ses salariés temporaires le jour de la désignation des membres du CHSCT.
(1) Art. L. 1251-54, 2° du Code du travail.
(2) Cass. soc. 06.12.2006, n°06-60008.
(3) Cass. soc. 22.09.2010, n°09-60454.
(4) Art. L. 1251-54 du Code du travail.
(5) Art. L. 2324-17 du Code du travail.
(6) Art. L. 2314-18 du Code du travail.