Les boulangers en risque URSSAF à cause de leur branche professionnelle

Comme nous l’indiquions la semaine dernière, le renouvellement totalement illégal de la désignation d’AG2R dans la branche de la boulangerie ne constitue pas seulement un déni de justice. Elle met en risque l’ensemble des boulangers de la branche, en les mettant dans une position socio-fiscale inextricable. 

Le régime de branche en équilibre instable

Sur le fond, les articles L 911 et 912 du Code de la Sécurité Sociale ont structurellement distingué le régime de branche et ses modalités de mutualisation. Concrètement, le Code a prévu qu’un régime pouvait être à durée indéterminée, mais ses modalités de mutualisation devaient être réexaminées tous les cinq ans. La rédaction du texte a toujours été sans ambiguïté sur ce point, et les argumentations fantaisistes lues de-ci de-là sur la possibilité d’une mutualisation à durée indéterminée ne peuvent rien contre ces évidences. 

Autrement dit, les partenaires sociaux de la branche ont la possibilité de ne pas modifier les garanties d’un régime au terme d’une période de cinq ans, mais ils ont l’obligation, et l’ont toujours eue, de réexaminer la désignation ou, depuis 2013, la recommandation, au bout d’une période de cinq ans. L’arrêt de la CJUE du 17 décembre 2015 précise même que ce réexamen doit être précédé d’une procédure transparente, avec, au minimum, publication d’un avis au Journal Officiel de l’Union. Tout manquement à cette procédure implique une nullité de la décision de la commission paritaire ou, en tout cas, une impossibilité pour le gouvernement de procéder à l’extension de l’accord. 

Dans le cas de la boulangerie, le fait que les partenaires sociaux n’aient pas modifié l’accord fixant les garanties en vigueur maintient donc cet accord en l’état, mais il est vrai que, pour la clarté des débats, une précision des partenaires sociaux sur ce point serait bienvenue. 

L’illégalité de la désignation pose d’importants problèmes

Les partenaires sociaux ne se sont pas penchés clairement sur le maintien des garanties actuelles. C’est dommage, car c’est le problème qui occupe les salariés de la branche. Les partenaires sociaux passent en revanche beaucoup de temps sur un sujet qui n’intéresse pas les salariés: celui de la désignation d’AG2R et de sa perpétuation contre vents et marées. 

En décidant de prolonger celle-ci contre la décision du Conseil Constitutionnel (et dans le silence complice d’un gouvernement manifestement dépassé par la situation), les partenaires sociaux ont pris l’ensemble des entrepreneurs de la branche en otage, et les mettent en de multiples difficultés. 

Premier point: les partenaires sociaux font croire aux boulangers que la liberté contractuelle n’existe pas dans la branche. Malheureusement, les faits sont têtus. Au 1er janvier 2017, tous les boulangers auront, quoiqu’en disent leurs “représentants” dans la branche (rappelons que les organisations syndicales de la boulangerie représentent moins de 10% des effectifs de cette branche), retrouvé leur liberté de choix. Ceux qui n’auront pas pris une décision unilatérale de l’employeur (DUE) ou négocié un accord déterminant les conditions de leur contrat collectif et obligatoire perdront le bénéfice du forfait social et seront refiscalisés. 

Mais… ce point-là est sans doute secondaire par rapport à la défense des intérêts d’AG2R et des grasses commissions que le régime de branche rapporte aux partenaires sociaux signataires de ces accords scélérats. Après tout, les boulangers qui seront mis à l’index par l’URSSAF ne sont probablement pas adhérents des organisations qui les mettent en difficulté par le hold-up hallucinant qu’elles pratiquent sur la branche professionnelle. 

Deuxième point: les garanties du régime de branche ne sont pas responsables, puisqu’elles prévoient un remboursement des frais optiques chaque année, quand le décret sur les contrats responsables les limite à un rythme biennal. Le décret avait prévu une période de transition qui s’achève le 31 décembre 2017, à condition que le “régime” ne change pas d’ici là. Le problème est que la fin de la désignation au 31 décembre 2016, comme nous l’indiquions la semaine dernière, constitue un changement dans le régime qui oblige tous les boulangers à prendre une DUE ou à négocier un accord. 

Aucun d’entre eux ne pourra prendre une DUE reprenant à son compte les garanties de la branche telles quelles, sans risquer, là encore, le redressement URSSAF. 

Les partenaires sociaux de la branche contre l’intérêt général

Tous ces grands donneurs de leçon de solidarité qui colonisent la branche de la boulangerie, et qui se fendent d’un courrier mensuel à la terre entière pour se draper dans leur vertu, feraient bien de s’occuper de leurs adhérents et singulièrement des plus petits d’entre eux. 

En effet, les décisions absurdes prises dans la boulangerie cette année mettent en danger fiscal tous les boulangers de la branche. Le bon sens consistait à appliquer la loi pour respecter l’intérêt général: la loi interdit désormais les désignations et fiscalise les régimes qui remboursent les frais d’optique chaque année. L’intérêt général recommandait de prendre acte de cette décision en fixant des garanties conformes à ces règles et reconnaissant clairement la liberté contractuelle des boulangers. 

En refusant cette prise d’acte, les partenaires sociaux ont rendu tout le régime non responsable et obligent donc tous les boulangers à ne pas le respecter pour éviter le redressement URSSAF. Le boulanger qui veut en effet bénéficier du forfait social au titre du contrat collectif, obligatoire et responsable, doit aujourd’hui prendre une DUE fixant des garanties distinctes du régime de branche. Rappelons que la conformité aux garanties de branche n’est pas contrôlée par l’URSSAF. 

Vers une mise en cause de la responsabilité de la branche?

Reste à savoir quelles seront les possibilités de réponse contentieuse pour les boulangers victimes d’un redressement URSSAF du fait des fautes commises par les partenaires sociaux de la branche. 

On attend avec impatience la jurisprudence. Intuitivement, le bon sens consisterait en effet en la mise en place jurisprudentielle d’une responsabilité des branches du fait d’accords illégaux. Cette responsabilité, à mettre en cause devant les tribunaux administratifs, permettrait à un boulanger victime d’un redressement du fait des textes conventionnels d’obtenir réparation auprès des signataires de ces accords manifestement illégaux. Dans le cas de la boulangerie, il serait logique que l’ensemble des organisations signataires doivent rembourser les sommes notifiées par l’URSSAF, accompagnée de dommages et intérêts. 

C’est probablement la meilleure façon de responsabiliser ces idéologues qui galvaudent l’autorité que la loi leur donne. 

 

 

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