Rédigé par le député PS Michel Issindou, le rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » formule 27 recommandations pour réorganiser la médecine du travail. Ce rapport a été publié le mardi 26 mai 2015 par le Gouvernement. Ces propositions devraient être discutées dans le projet de loi sur le dialogue social.
La vérification de l’aptitude ne devient plus systématique pour certains salariés
Actuellement, le code du travail prévoit une visite médicale obligatoire pour tous les salariés avant l’embauche ou la fin de la période d’essai pour vérifier leur aptitude au poste de travail.
Néanmoins, les rapporteurs ont jugé qu’il était important de remodeler la visite médicale d’embauche au vu de certains élements. En effet, ils ont constaté qu’il existait un décalage important entre les visites d’embauche qui doivent être réalisées en théorie et celles qui le sont réellement. De plus, il a été jugé que la vérification systématique de l’aptitude d’un candidat à un poste de travail lors de son recrutement n’était pas pertinente en raison du très faible nombre d’inaptitude constaté à ce stade. Enfin, il est prévisible que les effectifs de la médecine du travail chuteront de 62% entre 2006 et 2030 (passant de plus de 6000 à moins de 2500 médecins).
Dans ce contexte, le rapport suggère de mettre fin à la vérification systématique de l’aptitude, afin de libérer plus de temps pour les médecins du travail. Ils pourront alors le consacrer aux visites sur site pour analyser les risques professionnels ainsi que proposer des adaptations du poste de travail. Ainsi, il entend réserver cette vérification de l’aptitude seulement à certains postes à risques.
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Pour les salariés occupant des postes à risque: la surveillance médicale serait renforcée
Le rapport propose de limiter le contrôle de l’aptitude aux salariés affectés à des postes de sécurité ou à risques, c’est-à-dire ceux qui comportent une activité susceptible de mettre gravement en danger leur santé ainsi que celle des autres travailleurs et des tiers. Cela concernera notamment les pilotes d’avion, des conducteurs de travail ou les grutiers. Le contrôle sera réalisé par un médecin différent du médecin du travail qui suit le salarié.
De plus, les rapporteurs ont proposé qu’en complément des textes réglementaires qui peuvent recenser les postes de sécurité dans certains secteurs d’activité, l’employeur puisse recenser les postes de sécurité conformément à l’avis du médecin du travail et du CHSCT. Ces postes pourront être énumérés dans le règlement intérieur.
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Pour les autres salariés: la visite médicale d’embauche serait remplacée par une visite d’information et de prévention
Or, le rapport préconise de substituer la visite d’embauche par une visite obligatoire d’information et de prévention. Elle serait réalisée par l’infirmier de santé au travail sous la responsabilité du médecin du travail” et donnerait lieu à une simple “attestation nominative de suivi de santé” adressée à l’employeur et au salarié.
Il a été précisé que la visite d’information et de prévention doit avoir lieu dans les 3 mois pour les salariés occupant un poste à risque et dans les 6 mois pour les autres salariés.
Quant aux salariés en CDD de moins de 3 mois et aux intérimaires, le rapport recommande la création d’un fichier régional qui doit permettre de réaliser une seule visite obligatoire d’information et de prévention. Celle-ci serait suivie d’une visite à 5 ans sauf cas particuliers et quelles que soient les interruptions du parcours professionnel du salarié entre temps.
La visite médicale périodique aurait lieu tous les 5 ans
Aujourd’hui, il est prévu qu’à la suite de leur embauche, les salariés bénéficient en principe d’une visite médicale tous les 2 ans en principe.
Or, le rapport recommande d’espacer la visite médicale périodique au minimum tous les 5 ans. Néanmoins, cette mesure n’inclut pas les postes de sécurité ou les situations justifiant une surveillance médicale renforcée. De plus, les salariés occupant un poste à risque bénéficieraient d’une visite infirmière au minimum tous les 2 ans.
Les efforts de reclassement de l’employeur seraient mieux pris en compte
Le rapport analysait que l’inaptitude conduisait généralement à la rupture du contrat de travail notamment en dénonçant que 95% des salariés déclarés inaptes étaient licenciés. De manière paradoxale, il émet deux mesures qui permettent de soulager l’obligation de reclassement de l’employeur et de justifier plus facilement le licenciement.
D’abord, le rapport ajoute que l’employeur sera dispensé d’une recherche de reclassement si le médecin du travail signale dans son avis d’inaptitude qu’un reclassement serait préjudiciable à la santé du salarié.
D’autre part, le refus du salarié d’une proposition d’adaptation du poste de travail ou de reclassement, conforme aux préconisations du médecin du travail sans modification du contrat de travail constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. L’employeur serait alors réputé avoir satisfait à son obligation de recherche si le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement à la suite d’un tel refus.
En revanche, le rapport justifie ces mesures en soutenant qu’elles permettraient de régler certaines situations de blocage actuelles rencontrées par les entreprises.
Conclusion: un rapport en demi-teinte
Le journal le Figaro indique que la CFE-CGC s’opposait à ce rapport. En effet, Martine Keryer secrétaire nationale santé au travail et handicap de la CFE-CGC dénonce que ce rapport donne « une image blessante du médecin du travail ». Pour elle, le médecin n’aura plus le lien avec le patient, puisque c’est l’infirmière qui fera la première attestation de suivi.
En revanche, les chefs d’entreprise seront sans doute soulager face à l’allégement d’une procédure qui servait généralement à leur mise en accusation.