Cette publication a été initialement publiée sur le site du syndicat de salariés CFDT.
Un licenciement en raison de l’état de santé du salarié, en dehors d’une inaptitude constatée par un médecin du travail, est discriminatoire. Mais la jurisprudence permet de licencier à certaines conditions les absences répétées ou prolongées perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise. Un arrêt récent de la Cour de cassation revient sur une de ces conditions à savoir la nécessité de remplacer le salarié licencié dans un délai proche ou raisonnable (Cass. soc., 24.03.21, n° 19-13188).
Le licenciement pour perturbation de l’entreprise est considéré comme un licenciement pour motif personnel non disciplinaire. La jurisprudence a ainsi tenté de concilier la protection du salarié absent en raison de son état de santé et les intérêts de l’entreprise. Le présent arrêt concerne une condition qui se vérifie après le licenciement et permet de contrôler la réalité de ce motif particulier.
Tout d’abord, le licenciement pour perturbation de l’entreprise suppose pour l’employeur de démontrer un lien de causalité entre l’absence et cette perturbation à l’appui de faits précis, objectivement vérifiables (par exception si l’absence du salarié est imputable à un manquement de l’employeur aux règles de santé/sécurité le licenciement sera infondé). Pour la Cour de cassation, cette perturbation ne peut être le fait que de salariés qui ont une qualification particulière (1) ou un poste à responsabilité et ne concerne pas ceux dont l’employeur peut remédier à l’absence en ayant recours à de l’intérim ou en réaffectant les tâches en interne (2). Cette condition limite donc le champ d’application de ce licenciement particulier.Ensuite, le licenciement ne sera fondé que si l’employeur est contraint de remplacer le salarié définitivement (3). Cette condition cumulative découle assez logiquement de la première condition et vient en quelque sorte apporter la démonstration que l’absence du salarié désorganisait l’entreprise.
Le caractère définitif du remplacement est rempli lorsque l’embauche est effectuée par l’employeur en CDI (4) et pour un même temps de travail (5). La jurisprudence permet un remplacement en cascade, c’est-à-dire une mutation en interne, à condition que le salarié muté soit lui-même remplacé (6).
Enfin, le remplacement doit intervenir dans un délai proche ou raisonnable par rapport à la date du licenciement. Cette condition est illustrée dans les lignes qui suivent…
Résumé des faits et procédure
Une salariée est engagée en 2009 comme directrice d’association. A partir de mai 2012, elle est placée en arrêt de travail pour maladie et sera finalement licenciée en mai 2013 au motif que son absence prolongée désorganise l’association.
Informée que son remplacement n’est intervenu que 6 mois après son licenciement, la salariée saisit la justice pour en demander la nullité et des indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail. La Cour d’appel déboute la salariée, qui se pourvoit en cassation.
L’appréciation du délai raisonnable pour le remplacement du salarié
Pour débouter la salariée, la Cour de cassation rappelle une solution constante (7) : l’appréciation du délai raisonnable est un élément de fait, il revient donc aux juges du fond de l’apprécier souverainement. Aucun délai précis n’est donc fixé à partir duquel l’absence de remplacement rendrait nécessairement le licenciement sans cause réelle sérieuse. La Cour donne seulement une ligne de conduite aux juges du fond : l’appréciation du délai raisonnable doit «tenir compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement. »
En l’espèce, la Cour de cassation approuve le raisonnement de la cour d’appel, selon lequel l’employeur avait engagé immédiatement des démarches en vue d’un recrutement, s’agissant de plus d’un poste « important » de directeur.
Ce délai a pu paraître légitimement long à la salariée, expliquant ainsi son action en justice. D’autant que la Cour a par le passé approuvé la décision d’une cour d’appel jugeant un licenciement sans cause et réelle et sérieuse en raison d’un remplacement 7 mois après (8). Mais il s’agissait dans l’espèce d’un contremaître, et non d’une directrice d’association…
(1) Cass.soc., 19.12.91, n° 91-40.966.
(2) Cass.soc.,13.03.01, n°99-40.110.
(3) Cass.soc., 13.03.01, n°99-40.110.
(4) Cass. soc., 26.09.07, n° 06-43.029.
(5) Cass. soc., 6.02.08, n° 06-44.389.
(6) Cass. soc., 26.09.07, n° 06-43.029.
(7) Voir not. Cass. soc., 10.11.04, n° 02-45.156.
(8) Cass.soc., 12.10.11, n° 10-15.101.