Cet article provient du site Village de la Justice et a été publié par Maître Aurélie Van Lindt.
Tout représentant du personnel bénéficie d’une protection qui se caractérise dans l’exécution de son contrat de travail mais surtout lors de la rupture de son contrat de travail.Durant le premier trimestre 2015, la Cour de cassation est venue rappeler qu’il ne fallait pas confondre protection avec immunité en autorisant les employeurs à faire valoir leur pouvoir disciplinaire à l’encontre de ces salariés « protégés » pour des faits commis durant leur mandat.
1. Protection des représentants du personnel dans la rupture de leur contrat
Dans tous les cas où la rupture du contrat de travail du salarié protégé est à l’initiative de l’employeur [1], ce dernier doit respecter une procédure spéciale comprenant la consultation du comité d’entreprise et une demande d’autorisation auprès de l’inspection du travail.
A l’issue de la période de protection, l’employeur retrouve sa pleine liberté dans la mesure où il ne doit soumettre sa décision de licencier ni à l’avis du Comité d’entreprise ni à l’autorisation de l’inspection du travail.
Toutefois, la Cour de cassation juge que l’employeur qui avait connaissance des faits fautifs commis par le salarié pendant la période de protection ne saurait attendre la fin de la période de protection pour licencier le salarié [2].
Un tel détournement de la procédure entraine la nullité de la rupture du contrat de travail.
Le salarié bénéficie ainsi d’une alternative : soit il demande sa réintégration, soit il renonce à être réintégré et sollicite une indemnité au titre de la méconnaissance de son statut protecteur laquelle s’ajoute à l’indemnisation pour nullité de la rupture. [3].
Cette indemnité est égale à la rémunération brute que le salarié aurait dû percevoir entre la date de la rupture et l’expiration de la période de protection [4]. Un avis de la Cour de cassation limite cette indemnité à 30 mois de salaire [5], sous réserve que le salarié présente sa demande avant l’expiration de la protection. A défaut, le montant de l’indemnité est fixé au vu du préjudice subi [6].
La question qui a été posée à la 2ème chambre civile de la Cour de cassation était de savoir si cette indemnité doit être soumise aux cotisations sociales.
Réponse positive de la Cour de cassation car l’indemnité en cause n’est pas évoquée au sein de l’article 80 duodecies du code général des impôts lequel liste les indemnités exclues de l’impôt sur le revenu (Cass.2ème civ., 12/02/15, n°14-10886).
Ainsi, malgré son caractère indemnitaire qui aurait pu lui permettre d’être exonérée de cotisations et d’impôt, la Cour de cassation entend apporter la primauté à l’article 80 duodecies du CGI.
2. Absence de toute immunité des représentants du personnel
Qui dit protection ne dit toutefois pas immunité du représentant du personnel.
Ainsi, le salarié protégé peut être sanctionné pour un fait commis dans le cadre de sa vie privée si celui-ci constitue un manquement à ses obligations contractuelles [7]. Tel n’est pas le cas d’une suspension d’un permis de conduire pour un chauffeur pour une infraction commise en dehors de son temps de travail [8].
La position du Conseil d’état était plus évolutive pour les faits fautifs commis par les représentants du personnel dans l’exercice de leur mandat.
En dernier lieu, le Conseil d’Etat estimait que la faute commise par le salarié dans le cadre de l’exercice de son mandat autorise la rupture du contrat si celle-ci cause un trouble dans l’entreprise [9]. Toutefois, il précisait que la rupture ne peut constituer un licenciement disciplinaire.
Modification de raisonnement dans deux arrêts du 27 mars 2015 [10].
Dans le premier arrêt, le salarié protégé avait asséné un violent coup de tête à l’un de ses collègues lors d’une suspension de séance du comité d’entreprise. Dans le second arrêt, le salarié protégé travaillait pour une société concurrente durant ses heures de délégation.
Les deux salariés avaient été licenciés pour faute après autorisation de l’inspection du travail. Autorisation qu’ils contestaient en faisant valoir que les faits reprochés n’étaient pas liés à leur travail et ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire en reprenant la position jurisprudence du Conseil d’état de 2005 précitée.
Dans ces deux arrêts, le Conseil d’Etat énonce que les fautes commises par un salarié protégé dans l’exerce de ses fonctions représentatives peuvent justifier un licenciement disciplinaire si elles traduisent un manquement du salarié à ses obligations contractuelles :
- Manquement à l’obligation de ne pas porter atteinte à la sécurité d’autres membres du personnel pour le premier arrêt,
- Manquement à l’obligation de loyauté pour le second salarié.
* * *
Ainsi, malgré leur statut de représentant du personnel, les salariés peuvent se voir sanctionnés pour des faits issus de leur vie privée et des faits fautifs commis durant leur mandat dès lors que ceux-ci constituent un manquement à leurs obligations contractuelles.
La protection a des limites que le Conseil d’Etat n’a pas manqué de rappeler.
Notes :
[1] Cass.soc., 12/07/06, n°04-48351.
[2] Cass.soc., 05/03/15, n°13-26667.
[3] Cass.soc., 21/10/09, n°08-41764.
[4] Cass.soc., 10/05/06, n°04-40901.
[5] Avis Cass., 15/12/14, n°15013.
[6] Cass.soc., 11/06/13, n°12-12738.
[7] CE 05/12/11, n°337359.
[8] CE 15/12/10, n°316856.
[9] CE 04/07/05, n°272193.
[10] CE 27/03/15, n°371174, n°368855.