Alors que fait rage le débat public sur l’élaboration du budget 2026, Tripalio propose à ses lecteurs de prendre du recul sur ce thème avec une série pré-estivale sur l’évolution, sur le long terme, des modalités et du niveau du financement des principaux régimes collectifs et obligatoires de protection sociale français – liés à la Sécurité sociale et au paritarisme.

Après avoir montré que la création de la Sécurité sociale en 1945 a impliqué une expansion maîtrisée du financement de la protection sociale, nous revenons aujourd’hui sur la forte croissance du financement de la protection sociale qui a lieu au cours des Trente Glorieuses – en insistant notamment sur le joué dans ce processus par les partenaires sociaux et le paritarisme.
Des cotisations sociales en grande forme
Comme nous l’avons expliqué hier, à la mise en place du plan de Sécurité sociale, entre la fin de l’année 1946 et le tout début de l’année 1947, le taux de cotisation sociale supporté par les entreprises et les salariés, hors couverture des accidents du travail, évolue autour de 28 % du salaire plafonné – dont 16 % pour les régimes maladie et vieillesse de base. Trente ans plus tard, à la fin des années 1970, et toujours hors mutualisation des accidents du travail, ce taux est nettement plus élevé. On constate d’abord qu’il ne porte alors plus seulement sur le salaire plafonné, mais sur une assiette bien plus large, allant jusqu’à la totalité du salaire. Il articule, en l’occurrence, un taux de 33,35 % du salaire plafonné, un taux de 4,4 % du salaire jusqu’à trois plafonds, un taux de 3,6 % du salaire jusqu’à quatre plafonds, un taux de 8,3 % du salaire entre un et quatre plafonds de Sécurité sociale et, enfin, une cotisation de 9 % sur la totalité du salaire au-delà du plafond.
On retient notamment de ces chiffres qu’à la fin des années 1970, la partie du salaire inférieure au plafond – soit la rémunération la plus commune au sein de la population – est chargée à plus de 41 %, soit une progression de près de 50 % par rapport à la situation qui prévalait au début de la Sécurité sociale. On en retient également que la partie du salaire située au-dessus du plafond, qui ne faisait l’objet d’aucune cotisation à la mise en place de la Sécurité sociale, fait l’objet de cotisations pour un taux global d’environ 25 %.
La Sécurité sociale, socle du financement de la protection sociale
Une analyse détaillée de la contribution des différents régimes de protection sociale à cette composition d’ensemble conduit d’abord à noter que la Sécurité sociale constitue, sur l’ensemble de la période concernée, le socle du financement de la protection sociale. A la fin de la décennie 1970, le taux de cotisation à la Sécurité sociale articule en effet une cotisation de 31,85 % du salaire plafonné à une cotisation de 9 % déplafonné, représentant donc respectivement près des trois quarts du taux total de cotisation sur le salaire plafonné et un peu moins d’un tiers du taux de cotisation au-delà du plafond.
La mise en œuvre, en 1967, de la “réforme Jeanneney” de la Sécurité sociale, du nom du ministre des Affaires Sociales Jean-Marcel Jeanneney qui l’a portée, et dont l’une des principales dispositions a été de distinguer en autant de branches spécifiques les différents risques couverts par la Sécurité sociale, permet d’objectiver quelque peu les cotisations afférentes, ainsi que leur évolution, à ces risques. Il apparaît alors que si la branche famille a vu sa cotisation augmenter de 12 % du salaire plafonné jusqu’à près de 17 % au cours des années 1950, elle l’a ensuite vu régresser progressivement à moins de 10 %. A l’inverse, la cotisation au risque vieillesse est passée de 8,5 % du salaire plafonné en 1967 à environ 13 % à la fin des années 1970. Enfin, la cotisation maladie a augmenté davantage encore, passant en 1967 de 12 % du salaire plafonné et 3 % du salaire total à 9,95 % du salaire plafonné mais 9 % du salaire total douze ans plus tard.
La dynamique sociale du paritarisme
S’il est vrai que c’est donc la Sécurité sociale qui, durant les Trente Glorieuses, a porté l’essentiel du financement de la protection sociale, il est tout aussi vrai que ce sont des régimes sociaux créés dans le cadre du paritarisme qui ont le plus contribué à la progression du niveau des cotisations assises sur le salaire. De fait, les cotisations finançant les régimes paritaires de protection sociale institués au cours des Trente Glorieuses : AGIRC (1947), Unédic (1958), ARRCO (1961) et Apec (1966), sont passées, entre 1947 et la fin de la décennie 1970, de 0 % à 9,5 % du salaire plafonné à de 0 % à 16,3 % des tranches de salaire entre 1 et 3 à 4 plafonds de Sécurité sociale. Autrement dit, ce sont les régimes sociaux initiés dans le cadre du paritarisme qui ont porté l’essentiel, environ les deux tiers de la hausse des taux des cotisations sociales – 9,5 points sur 13,35 s’agissant du salaire plafonné et 16,3 points sur 25,3 points s’agissant du salaire déplafonné.
Dans le détail, ce sont les régimes de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO – ainsi que la couverture de prévoyance obligatoire liée à l’accord AGIRC – qui participent le plus de cette dynamique. En comptant les taux d’appel supérieurs à 100 % pratiqués dès les années 1970 pour l’ARRCO et à la toute fin de cette décennie pour l’AGIRC, ils représentent en effet, à la fin des Trente Glorieuses, plus de la moitié des cotisations appliquées sur le salaire plafonné et les deux tiers des cotisations appliquées au salaire jusqu’à trois à quatre plafonds.