Selon nos informations, le MEDEF pourrait, dans le cadre des prochaines négociations sur la retraite complémentaire, proposer une baisse de la valeur nominale des pensions versées. Cette proposition est en ligne avec la préconisation de la Cour des Comptes de ne pas appliquer la “clause plancher” en 2015.
Une situation financière de plus en plus compliquée
Dans le cadre du rapport que nous avons évoqué hier, la Cour des Comptes a relevé la situation financière de plus en plus périlleuse des régimes complémentaires – situation d’ailleurs bien connue des partenaires sociaux. Si ceux-ci sont parvenus à préserver à ce stade les 60 milliards€ de réserves qu’ils ont constituées dans la décennie 90 et 2000 (notamment à la faveur d’une forte majoration des cotisations), ils doivent beaucoup à des éléments circonstanciels très aléatoires.
Par exemple, l’évolution des marchés boursiers en 2012 et 2013 a permis de constituer 13 milliards de plus-values providentielles (mais latentes) qui évitent le pire. Dans cette stratégie de préservation, une mesure conservatoire adoptée à l’occasion de l’accord de 2013 joue un rôle clé: la sous-indexation des pensions de 1 point par rapport à l’inflation. Autrement dit, les retraites complémentaires ne sont revalorisées que du montant de l’inflation minoré d’un point.
Cette mesure qui consiste concrètement à dégrader le montant des pensions dont en maintenant une augmentation (ou une stagnation faciale) a le mérite d’être à peu près indolore à court terme.
La question de la clause plancher
Dans leur sagacité, les partenaires sociaux ont ajouté à ce dispositif de sous-indexation une clause dite “plancher” qui prévoit qu’en 2014 et en 2015, la mesure ne peut conduire à baisser nominalement les pensions. En cas d’inflation inférieure à 1 point… la sous-indexation devrait en effet conduire à réduire le montant nominal des retraites versées aux bénéficiaires du régime. On mesure évidemment le risque “politique” qu’une mesure de ce genre entraîne.
En 2014, les partenaires sociaux ont appliqué la clause plancher. La Cour considère que cette application a coûté 350 millions de plus au régime. Or la Cour rappelle qu’il y a urgence à agir, car à l’horizon 2018 pour l’AGIRC et 2025 pour l’ensemble du système, les réserves devraient être épuisées. Cette possibilité pose évidemment un petit problème dans le cadre de la maîtrise des déficits publics prévus par le traité de Maastricht. C’est d’ailleurs un argument massue des services de l’Etat: si l’AGIRC et l’ARRCO sont à la main des partenaires sociaux, la loi de généralisation de 1972, puis la loi de 1994, ont fait entrer les fédérations dans la sphère des comptes publics.
Pour parer tout risque de dégradation nouvelle des déficits publics, la Cour encourage donc les partenaires sociaux à prendre plusieurs mesures dès le mois de mars 2015: augmentation des taux d’appel, retard dans l’âge de départ à la retraite et… abandon de la clause plancher.
Le MEDEF pris dans la nasse
L’abandon de la clause plancher présente évidemment une petite particularité. Avec une inflation proche de 0,7%… elle signifierait une baisse nominale de 0,3% du montant des pensions. Cette mesure explosive parviendra probablement à faire passer au second plan l’autre mesure proposée par la Cour: le report de l’âge moyen de départ à la retraite, qui deviendrait moins favorable que le régime général.
Le MEDEF proposera-t-il cette mesure compréhensible au regard des règles définies pour juguler les dépenses publiques?
On se doute bien que, avenue Bosquet, plus d’un interlocuteur sent mal une proposition de cette type, qui constituera un électrochoc pour l’opinion française. Après des décennies d’augmentation ininterrompues, les prestations sociales françaises se mettent à baisser. Dans ce cas précis, la mesure aura un effet direct sur les retraités, qui sont des électeurs assidus. Le MEDEF devrait donc, s’il soutenait cette proposition, vivr eun grand moment de solitude.
Mais le MEDEF a-t-il le choix? Après avoir exigé du gouvernement qu’il prenne des mesures impopulaires, il est difficile pour le MEDEF de se dérober à ses choix. Cette dérobade est d’autant moins possible que l’Etat est le garant financier des régimes. En cas de fléchissement dans l’effort, le gouvernement aurait beau jeu de rendre au MEDEF le chien de sa chienne et de préconiser illico la nationalisation du régime.
Le printemps devrait être très chaud en France!