Le licenciement annoncé avant l’entretien préalable est sans cause réelle et sérieuse

Cette publication est issue du site du syndicat de salariés CFDT.

L’annonce de l’employeur aux salariés de l’entreprise et à leurs élus de sa décision de rompre le contrat de travail d’un salarié est de nature à invalider le licenciement prononcé … dès lors que cette annonce a été faite avant même que le salarié ait eu l’occasion de faire entendre ses explications lors de l’entretien préalable. Cass. soc. 23. 10.19, n° 17-28.800.  

« Le père Noël est une ordure ». En ce 24 décembre 2008, voilà ce que le salarié, héros malgré lui de l’arrêt ici commenté, aurait été en droit de penser en réceptionnant, à quelques heures des huîtres et du foie gras, un pli recommandé de son employeur. A la lecture de son contenu, il constata en effet à ses propres dépens que « la magie de Noël » n’est décidemment pas toujours au rendez-vous. 

Car bien que justifiant à ce moment-là de 37 années d’ancienneté, il n’en fût pas moins convoqué à un entretien préalable au licenciement pour le 5 janvier suivant. 

  • L’annonce du licenciement du salarié et son contexte

La nouvelle de la mise en route d’une telle procédure à l’encontre d’un pilier de l’entreprise se répandit comme une trainée de poudre … et elle ne manqua pas de provoquer un très vif émoi au sein du collectif du travail. Courageusement, les salariés et les élus du personnel ont aussitôt fait part à la direction du soutien plein et entier qu’ils apportaient à leur collègue. Et pour le faire savoir, ils ont sollicité l’organisation d’une réunion avec la direction générale.  

Et la réunion a été finalement organisée … le 5 janvier 2009, quelques heures avant que l’entretien préalable ne se tienne … dans l’ambiance délétère que l’on peut assez facilement imaginer ! En scène, 2 membres de la direction. Face à eux de nombreux salariés de l’entreprise, dont un certain nombre de membres élus du comité d’entreprise. 

Et dans le feu de l’action, l’un des deux membres de la direction lâche devant son auditoire que « sa décision de licencier le salarié est irrévocable ».  

Cette annonce tonitruante fait son effet. Elle clôt toute forme de débat. 

In fine, elle est consignée au sein d’un compte-rendu qui sera paraphé par 14 salariés de l’entreprise parmi lesquels 4 membres du comité d’entreprise. 

  • Et à la fin, c’est un licenciement pour faute grave qui est prononcé

Dans la foulée de la réunion avec le personnel, le salarié est reçu en entretien préalable de licenciement. Puis les évènements s’enchaînent très rapidement. Le 8 janvier 2009, le licenciement du salarié est officiellement prononcé, pour faute grave. 

Mais se rendant compte du caillou dans sa chaussure que représentait le compte-rendu de la réunion du 5 janvier, le membre de la direction qui s’était à l’évidence montré trop loquace s’est très rapidement fendu d’un courriel corrigeant ce qu’il considérait être des « erreurs de retranscription du compte-rendu ». A l’en croire, ce qui avait été annoncé comme irrévocable, c’était « sa décision de poursuivre la procédure de licenciement engagée », ce qui en soi ne présageait nullement de la décision qui serait prise à son terme. 

  • Une défense qui ne convainc ni les juges du fond, ni les juges du droit

Du compte rendu dressé à la suite de la réunion avec le personnel, les juges du fond déduiront cependant que l’employeur avait bel et bien « annoncé publiquement, avant la tenue de l’entretien préalable, sa décision irrévocable de licencier » et qu’en conséquence, le salarié devait être considéré comme ayant été oralement licencié. Or, il est de jurisprudence constante que tout licenciement ainsi prononcé doit être jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse(1). 

La cour de cassation quant à elle considère que les juges du fond ont parfaitement bien interprété le compte-rendu du la réunion organisée avec le personnel et qu’elle a en « exactement déduit l’existence d’un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse »

Cet arrêt nous permet de rappeler, s’il en était besoin, l’importance de l’entretien préalable. Celui-ci ne doit en aucun cas être appréhendé comme une pure formalité mais, au contraire, comme un temps d’échange nécessaire au cours duquel « l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié »(2)

 

(1) Cf. notamment, cass. soc.09.02.99. 

(2) Art. L. 1232-3 C. trav. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

MGEN (groupe VYV) accueille le nouveau conseiller de son président

Ce communiqué a été diffusé par MGEN (groupe VYV). Après un Bafa et quelques années de pionnicat en parallèle de sa licence de lettres modernes, Alexandre Dimeck-Ghione exerce le métier de coordinateur d'assistance pour le compte de Mondial Assistance de 2012 à 2017. En 2017, il rejoint la direction qualité de AWP (Allianz Worldwide Partners) comme expert de la relation client. En janvier 2020, Alexandre rejoint le...

Représentativité syndicale en TPE : les dates du scrutin fixées par décret

Un décret dédié à la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de moins de 11 salariés vient de paraître au Journal officiel. Ce décret indique que le vote électronique se fera du lundi 25 novembre 2024 à 15h jusqu'au lundi 9 décembre à 17h. Quant au vote par correspondance il aura lieu du 25 novembre au 9 décembre inclus s'agissant de l'envoi des bulletins de vote. Retrouvez le ...

Avis d’extension d’un avenant santé et d’un accord de protection sociale dans l’assainissement et maintenance industrielle

La ministre du travail et de l’emploi envisage d’étendre, par avis publié le 21 novembre 2024, les dispositions de l’avenant n° 43 du 3 octobre 2024 relatif au régime de complémentaire frais de soins de santé et de l'accord du 3 octobre 2024 relatif à la constitution d'une catégorie objective de salaries pour le bénéfice d'une couverture de protection sociale complémentaire conformément au ...