La proposition de cadrage financier du régime chômage des intermittents du spectacle, avancée la semaine dernière par le Medef, n’en finit pas de crisper les partenaires sociaux du secteur culturel. A quelques semaines du retour des beaux jours et de son lot de festivals, le spectre du déclenchement d’un conflit social pointe à l’horizon.
Un cadrage paritaire, mais pas trop non plus
S’il a bien des difficultés à entrer pleinement dans la renégociation de la convention Unédic, le Medef est en revanche tout feu tout flamme dès qu’il est question des intermittents. La semaine dernière, il a en effet invité les négociateurs de leur régime chômage à réaliser une économie de 185 millions d’euros par an d’ici à 2018, soit près du quart du déficit total de la convention Unédic. Pour le Medef, l’effort de 185 millions d’euros pourrait être réparti entre les professionnels du spectacle, à hauteur de 105 millions, et l’Etat, à hauteur de 80 millions. Les esprits chagrins relèvent que le Medef défend à la fois un schéma au paritarisme très relatif et une aggravation des dépenses publiques.
La CFDT et la CFTC ont déjà fait savoir qu’elles acceptaient ce cadrage. Sur les ondes de France Inter, ce mercredi matin, Laurent Berger a justifié sa position en invoquant la nécessité d’améliorer l’équilibre du régime afin d’éviter sa disparition. Il estimait également normal, au nom du “soutien à la politique culturelle”, que l’Etat mette la main à la poche. Enfin, à ceux qui se sont agacés de voir la CFDT s’accorder une nouvelle fois avec le patronat, Laurent Berger a répondu que, jusqu’à présent, son organisation avait toujours signé les accords qui ont amélioré la condition des intermittents. Pas sûr que tout cela suffise à calmer les ardeurs des opposants au cadrage.
La société du spectacle en émoi
Il faut bien dire que le monde du spectacle est vent debout contre la lettre de cadrage rédigée par le Medef. Si l’on en juge la déclaration à l’AFP de Claire Guillemain, présidente de la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (Fesac) et chef de file patronale de la négociation chômage des intermittents, les employeurs du secteur considèrent ce cadrage comme un coup de poignard dans le dos : “On continue de travailler de façon déterminée avec la volonté d’aboutir à un accord en dépit de cette lettre de cadrage extrêmement difficile”. N’en doutons pas : la Fesac n’est pas membre du Medef.
Cette déclaration a dû mettre du baume au coeur de la CGT et de FO, qui refusent la lettre de cadrage. Dans un communiqué publié hier, FO a fait savoir qu’elle ne la signerait pas et en a profité pour déplorer l’attitude “pour le moins schizophrène” du Medef et de la CFDT, qui vantent le paritarisme tout en invitant l’Etat à la table des discussions. Plus virulente, la CGT, par la voix de Denis Gravouil, remet en cause la légimité même du cadrage : “On a tous convenu que ce cadrage était inacceptable. Il est en plus minoritaire : seules la CFDT et la CFTC au niveau confédéral vont le signer. Et l’idée de réclamer de l’argent à l’Etat fait l’unanimité contre elle.” En somme : le film est décidément mal cadré.
Une odeur diffuse de poudre
Dans ce contexte pas tout à fait réjouissant, ceux qui, parmi les intermittents du spectacle, sont partisans de la méthode dure, commencent à faire entendre leur voix. Samuel Churin, qui compte parmi les responsables de la coordination des intermittents et précaires et qui a largement contribué à la structuration de la lutte des intermittents de 2014, a appelé “à la résistance”, assurant que “la situation n’a jamais été aussi grave”. Loin de se laisser déborder par la coordination des intermittents et précaires, la CGT s’est jointe à elle pour organiser une assemblée générale le 4 avril au Théâtre de la Colline à Paris. La saison des festivals pourrait être mouvementée.