L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) poursuit son travail de contrôle s’agissant des règles de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT). Comme nous avons pu le lire dans le dernier rapport annuel de l’Autorité, ce sujet ne concerne pas que les organismes assureurs. Il vise aussi particulièrement les sociétés financières telles que les sociétés de location longue durée ou avec options d’achat de voitures.
La décision récemment publiée par l’ACPR (disponible en fin d’article) a ainsi été rendue le 16 mai 2023 à l’encontre de BMW Finance. Cette dernière ne propose pas que des services de crédit, elle propose aussi des assurances : elle possède donc la qualité de courtier d’assurance. La société a été contrôlée au cours de l’année 2021 puis une procédure disciplinaire a été ouverte à l’encontre de BMW Finance au milieu de l’année 2022. A l’issue de la procédure, la société écope finalement d’un blâme et d’une sanction pécuniaire de 500 000 € (tout cela assorti d’une publication de la décision sous forme nominative pendant 5 ans). Au total, 10 griefs sont formulés à l’égard de l’entreprise. Les sociétés qui pratiquent la même activité et/ou qui doivent respecter les dispositions de LCB-FT devraient s’y pencher pour vérifier qu’elles-mêmes répondent bien à tous les critères mis en lumière par l’ACPR.
Le manque de personnel : point d’entrée de la sanction ACPR
Le 1er grief fait à BWM Finance porte sur le manque de moyens humains suffisants déployés pour respecter les règles de LCB-FT. Lors du contrôle ACPR, seulement 2 personnes avaient pour mission de faire respecter le dispositif. Or, l’activité de l’entreprise est telle que 2 personnes ne peuvent pas suivre sérieusement l’ensemble des dossiers (plus de 100 000 contrats actifs fin 2020). Les conséquences de ce sous-effectif sont directes : toutes les alertes n’ont pas été traitées, les délais de réponse aux demandes Tracfin et aux réquisitions judiciaires étaient excessifs, les contrôles censés être permanents n’ont pas été réalisés selon le timing initialement défini. La LCB-FT passe donc nécessairement par l’allocation des moyens humains suffisants.
Une clientèle insuffisamment connue de BMW Finance
Lors de son contrôle, l’ACPR a constaté que la société a beaucoup tardé avant de mettre en place un système de vérification de l’identité de ses clients : il s’agit du 2e grief. En l’espèce, BMW Finance ne recueillait pas un extrait pertinent du registre des bénéficiaires effectifs (RBE) ce qui ne lui permettait pas raisonnablement de vérifier l’identité des bénéficiaires effectifs de ses clients lorsqu’ils étaient des personnes morales.
En outre, il est reproché à BMW Finance de ne pas actualiser sa base de connaissance clientèle (3e grief). C’est pourtant une obligation découlant de la LCB-FT. Or, dans le système mis en place dans l’entreprise, seuls les clients qui concluaient un nouveau contrat où qui étaient en risque élevé étaient actualisés. Etant donné que la quasi-totalité des clients était en risque standard ou faible, 99,5% des clients ne voyaient pas leurs informations mises à jour. De plus, les rares clients visés par la procédure de mise à jour des données n’étaient même pas sanctionnés s’ils ne répondaient pas à la requête de BMW Finance. Enfin, l’ACPR signale que malgré les décisions prises à l’encontre de certains clients pour escroquerie ou soupçon d’escroquerie, le score de leur risque est resté figé à “standard” alors qu’il aurait dû être réévalué.
Dans la continuité de ces reproches liés à la méconnaissance de la clientèle, l’ACPR constate que l’entreprise n’a pas su détecter certaines catégories de clients bien spécifiques :
- – En premier lieu, le 4e grief repose sur les défaillances du mécanisme censé permettre à BMW Finance de détecter ses clients politiquement exposés. L’Autorité rappelle que l’entreprise doit veiller à ce que les modalités de respect des exigences réglementaires soient efficaces. En l’occurrence, ce n’était pas le cas et 11 dossiers n’ont pas été détectés par le prestataire auquel fait appel BMW Finance alors qu’ils auraient dû l’être.
- – En second lieu, le 5e grief concerne l’incapacité de l’entreprise à respecter les obligations de détection des personnes et entités soumises à une mesure de gel des avoirs. Le prestataire n’était pas du tout assez réactif “ce qui ne permettait pas une mise en œuvre immédiate des mesures de gel des avoirs“.
L’appel a une société tierce pour les prestations de détection des clients politiquement exposés ou pour le gel des avoir fait aussi l’objet de 2 griefs supplémentaires (les n° 9 et 10). L’ACPR reproche à BMW Finance de ne pas avoir formalisé la prestation liée au gel des avoirs. Par exemple aucun délai de traitement des alertes n’était défini. Par ailleurs, BWM Finance aurait dû mettre en place un dispositif de contrôle interne qui lui permette de veiller à ce que le prestataire respecte ses obligations découlant de la LCB-FT.
Les autres obligations de LCB-FT omises par BMW Finance
L’Autorité fonde son grief n° 6 sur le fonctionnement inadapté du mécanisme de suivi et d’analyse des opérations des relations d’affaires de l’entreprise. Ce défaut l’a empêchée de détecter des opérations qui auraient dû faire l’objet d’une attention renforcée. En effet, le score de risque de la clientèle n’était pas renseigné pour 98% des contrats : difficile dans ce cas de détecter les clients à suivre. De plus, les caractéristiques telles que les revenus ou les remboursements anticipés n’étaient pas non plus assez pris en compte dans le mécanisme.
Le grief n° 7 vise le laxisme de BMW Finance dans l’examen de certains dossiers qui auraient dû faire l’objet d’un examen renforcé selon la LCB-FT. Ces dossiers portaient sur des montants élevés (des apports personnels très élevés en comparaison avec les revenus des clients notamment), ce qui aurait dû conduire l’entreprise à s’y intéresser de plus près.
Enfin, le grief n°8 porte sur la violation des obligations de déclaration à Tracfin. L’entreprise BMW Finance n’a pas transmis les informations relatives aux sommes ou opérations menées dans des cas bien précis. Or, la LCB-FT oblige les organismes assujettis à communiquer à Tracfin les informations nécessaires en cas de soupçons.
Tous ces griefs sont fondés. Toutefois, l’ACPR reconnaît que l’activité de BMW Finance conduit, la plupart du temps, à gérer des dossiers de clients à risque faible. De plus, l’entreprise a rapidement mis en place des mesures, fin 2020, pour remédier à ses nombreux manquements aux obligations de LCB-FT (3,7 M€ ont été dépensés pour renforcer les moyens humains et améliorer les systèmes informatiques). Cela explique la relative clémence de la sanction pécuniaire.