L’anthraquinone : une molécule contenue dans plusieurs médicaments et produits cosmétiques classée cancérigène

Le 9,10-dioxoanthracène vient d’être classé par la Cour de Justice de l’Union Européenne comme étant un cancérigène de type 1B, c’est à dire avec un « potentiel cancérigène supposé chez l’homme. » Seulement, plusieurs études dont celles sur laquelle s’est basée la CJUE pour établir ce classement, montrent que c’est un cancérigène avéré chez les animaux. Le produit est contenu dans plusieurs médicaments, produits cosmétiques ou de nettoyage. 

Serait-ce un nouveau scandale sanitaire de grande envergure qui se profilerait à l’horizon ? Pas impossible. Alors que la polémique autour du glyphosate tend à se taire, et que dire de celle de la créosote qui a été plus que rapidement tuée dans l’oeuf, la Cour de Justice de l’Union Européenne vient de catégoriser un produit des plus commun comme ayant un potentiel cancérigène supposé. 

Cancérogène avéré chez les animaux

Dans son arrêt du 24 octobre 2018, la CJUE a officiellement catégorisé la molécule « 9,10-dioxoanthracène » surnommée « l’anthraquinone« , comme substance cancérigène de type 1B, c’est à dire avec un potentiel cancérigène supposé pour l’homme. 

* Le classement CMR européen harmonisé, dans lequel se trouve la catégorie cancérogénicité, propose trois niveaux de danger. La catégorie 2, la plus faible, pour les substances suspectées d’être cancérogènes pour l’homme. Puis la catégorie 1B pour les substances dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est supposé. Enfin, la catégorie 1A présuppose que le potentiel cancérigène des susbstances testées est avéré pour l’être humain. 

En juin 2015, la République fédérale d’Allemagne a soumis à l’Agence européenne des produits chimiques un dossier complet visant à catégoriser l’anthraquinone en tant que substance cancérogène de catégorie 1B. Un dossier qui se fonde sur deux études états-uniennes achevées en 1996 dont les résultats furent rendus en 2005.  

A cette époque, les tests avaient été réalisés sur des rats et des souris. Les conclusions étaient claires : le produit est un cancérogène avéré chez les animaux.  

Le 4 décembre 2015, le comité d’évaluation des risques de l’Agence européenne des produits chimiques confirmait les conclusions des rapports et considérait que les résultats des tests sur les animaux étaient suffisants pour classer l’anthraquinone comme un cancérogène 1B.  

Le 4 mai 2017, la Commission Européenne ordonne que le produit reçoive l’étiquetage de mentions de danger H350, à savoir « peut provoquer le cancer. » 

Un groupe puissant et proche du pouvoir

Il faut encore un an pour que le produit soit officiellement reconnu comme étant un cancérigène de type 1B. En cause l’entreprise Deza a.s. basée en République Tchèque et filiale du géant de l’agroalimentaire Agrofert, qui est l’un des principale producteur d’anthraquinone en Europe. 

Le groupe compte plus de 250 filiales dans le monde, aussi bien dans le domaine médical que l’agroalimentaire. Plus surprenant, par le biais de la société Mafra, le groupe dispose aussi de deux des plus grands journaux tchèques le Dnes et le Lidove Noviny, ainsi que de la radio Impuls. En 2017, le groupe réalisait 6,18 milliards d’euros de chiffre d’affaires. 

Il ne faut pas non plus oublier que le groupe avait des amis très haut-placés au gouvernement puisque le ministre tchèque des finances, Andrej Babis, contrôlait jusqu’en 2017, 100% du groupe Agrofert. 

Andrej Babis qui était reçu à l’Elysée par Emmanuel Macron en juin dernier. 

Suite aux considérations de la CJUE, le groupe a déposé plusieurs recours en juin 2017 pour contredire les conclusions des essais cliniques. Plusieurs arguments sont avancés : mauvaise conservation du produit qui aurait altéré les résultats des tests, absence de lien entre consommation d’anthraquinone et développement d’un cancer, erreur d’appréciation pour la classification ou encore incident avec les animaux testés. 

Des charges qui sont, unes à unes, réfutées par la Cour de Justice de l’Union Européenne. Deza,a.s. est condamnée à supporter « ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission Européenne.«  

Un produit commun

Avec un potentiel cancérigène supposé chez l’homme, l’anthraquinone est une molécule aux multiples vertus qui se retrouve dans de nombreux produits du quotidien. Elle permet entre autres la création de colorants artificiels, la couleur bleue qui colore des produits de nettoyage ou encore l’encre à papier et les peintures utilisées dans l’imprimerie.«  

Elle est aussi présente dans de nombreux produits de beauté censés ne rester qui brièvement en contact avec la peau. Enfin, elle est aussi utilisée dans la confection de plusieurs médicaments comme des antipaludiques, antinéoplasiques ou encore des laxatifs. 

En juillet 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail publiait un rapport dans lequel elle constatait des traces d’anthraquinone dans l’eau courante. Elle concluait qu’à faible dose, la menace était minime. Mais elle préconisait aussi de réaliser de nouveaux tests afin de mieux évaluer la dangerosité de la molécule en cas d’inhalation ou d’ingestion.  

Et comme pour le glyphosate, l’anthraquinone est aussi présente dans plusieurs produits destinés à la culture du sol de par leur pouvoir répulsif face aux oiseaux.  

Nous avons posé plusieurs questions au ministère de la Santé ainsi qu’à l’Institut National du cancer. Nous attendons actuellement leurs réponses.  

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