L’âge de la retraite : le retour à marche forcée aux 65 ans (années 2010-2020)

retraite

Afin d’accompagner ses lecteurs dans leur entrée progressive dans la pause estivale, Tripalio leur propose d’aborder en prenant un peu de recul historique le thème – qui revient épisodiquement au cœur de l’actualité sociale et qui, du fait de la recomposition des rapports de forces parlementaires, pourrait fort bien y revenir dans les prochains mois – de l’âge de la retraite.

Pro-BTP travaux publics

Après avoir montré, hier, que la retraite à 60 ans a constitué un totem de la politique des retraites durant les années 1990 et 2000, nous allons aujourd’hui, pour le dernier épisode de notre feuilleton sur le thème de l’âge de la retraite, revenir sur les conditions du retour à marche forcée à la retraite à 65 ans opéré depuis le début la décennie 2010.

La fin (budgétaire) de la retraite à 60 ans

En 2010, alors que, candidat à l’élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy n’avait évoqué l’éventualité d’une réforme des retraites qu’au sujet des régimes spéciaux, le même Nicolas Sarkozy, qui est désormais Président de la République, fait élaborer, promeut et parvient à faire adopter, en compagnie de son ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction Publique, Eric Woerth, une réforme des retraites qui, à l’horizon 2016, recule de 60 à 62 ans l’âge de la retraite. Fait encore impensable quelques années auparavant, la retraite à 60 ans se trouve alors remisée au rang de phénomène historique. De la même manière, en 2023, alors que le Président de la République Emmanuel Macron n’avait jamais fait état, y compris dans le cadre de son projet avorté de réforme des retraites de 2020, d’une volonté de reculer de nouveau l’âge de la retraite, il fait mener par son Premier ministre Elisabeth Borne une réforme des retraites repoussant à 64 ans, à l’horizon 2030, l’âge légal du départ à la retraite.

Afin de justifier leur action, les dirigeants de l’Etat concernés invoquent la nécessité de rehausser l’âge de la retraite afin qu’il évolue comme l’espérance de vie. De fait, et bien qu’elle s’accompagne de mesures d’aménagement destinées aux travailleurs à carrière longue, la fin de la retraite à 60 ans a largement contribué à remettre les salariés âgés sur le marché du travail, dans des mesures proches de celles qui pouvaient être observées dans les années 1970. Quoi qu’il en soit de cette argumentation, on relèvera en tout cas que ces deux réformes interviennent dans des configurations comparables, marquées par l’aggravation brutale des tensions pesant sur le budget de la nation – faisant suite, dans le premier cas, à la crise financière de 2009 et, dans le second, à la crise sanitaire du début de la décennie 2020. Cherchant à “rassurer les marchés” quant à la situation financière du pays à court et moyen termes, et misant sur l’état de sidération des Français, les dirigeants de l’Etat réforment les retraites d’une manière bien plus susceptible de susciter rapidement de conséquentes économies budgétaires que les réformes reposant sur l’augmentation de la durée de cotisation.

Graphique tiré de l’étude 2023 de la DARES sur la situation des travailleurs âgés sur le marché du travail.

Des débats politiques et sociaux toujours vifs

S’il est vrai que les Présidents Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont réussi à mener à bien leur projet de réforme, encore faut-il préciser qu’ils ont dû faire face à des mouvements sociaux de grande ampleur – bien plus grande, par exemple, que celui suscité par la réforme menée sous François Hollande en 2013, qui a porté la durée de cotisation pour prétendre au taux plein de 41,5 annuités à 43 annuités à l’horizon 2035. La perspective d’un retour à un âge légal de la retraite tel qu’il existait avant 1981 ne convainc guère les Français. Comme en témoigne le succès aux élections législatives anticipées de blocs politiques : le Rassemblement National (RN) et le Nouveau Front Populaire (NFP) ayant fait de l’abrogation de la réforme menée l’an passé par l’actuel chef de l’Etat l’un de leurs principaux arguments de campagne, cette réforme n’apparaît d’ailleurs toujours pas digérée par le corps social. L’hypothèse de sa remise en cause par une alliance parlementaire de circonstance entre ces deux blocs doit être prise au sérieux.

Posé, hélas, de manière essentiellement politicienne, comme marqueur de d’opposition au camp macroniste, le débat actuel sur l’âge de la retraite pourrait pourtant l’être dans des termes bien plus pertinents. Par exemple, il ne serait sans doute pas inopportun de s’interroger sur les ressemblances qui peuvent exister entre la transition écologique de l’appareil productif français dans laquelle nous nous engageons d’une part et les mutations structurelles que cet appareil a connues entre les années 1960 et les années 1990 – alors accompagnées par le rajeunissement de la main d’œuvre – d’autre part. La conduite d’une politique de maintien systématique des travailleurs âgés en poste est-elle ou non, dès lors, pleinement compatible avec cette transition économique ? Et, le cas échéant, dans quelles conditions : aménagement des fins de carrière, transition progressive vers la retraite, transmissions des savoirs et compétences aux salariés plus jeunes, entre autres. Mené uniquement pour des raisons budgétaires, le rehaussement de l’âge de la retraite ne donne pas lieu aux nécessaires débats de fond qu’il soulève.

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