La surtaxation des grandes entreprises ou le triomphe du capitalisme court-termiste

La surtaxation des grandes entreprises ne manque pas de piquant: elle pénalise les entreprises qui ont distribué peu de dividendes, et en particulier les entreprises de l’économie sociale et solidaire, sont frappées de plein fouet. Les entreprises qui ont beaucoup distribué devraient en revanche bénéficier d’une opération neutre.

Le Conseil Constitutionnel a annulé la taxe de 3% sur les dividendes versés en octobre, provoquant une obligation de remboursement de 10 milliards € sur les caisses de l’État. Cette taxe frappait fortement (et c’était sa justification initiale) les entreprises qui distribuaient des dividendes importants. On connaît désormais très bien le refrain dominant à gauche sur la France championne du monde des dividendes versés aux actionnaires. 

Le gouvernement a décidé de remplacer cette taxe inconstitutionnelle par une majoration exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés payés par les entreprises réalisant plus d’un milliard€ de chiffre d’affaires. Ce faisant, la taxe ne tient plus compte d’un éventuel versement de dividendes. Elle frappe selon le chiffre d’affaires, indépendamment de la politique de distribution de l’entreprise.  

Les économes et les prudents pénalisés

On lira dans le Figaro l’interview du président de Pomona, Philippe Barbier, qui découvre le coup de massue imposé par l’État sur la tête de cette entreprise de taille intermédiaire qui investit fortement: 

Nous avons choisi de verser des dividendes raisonnables, à hauteur de 20% de nos résultats. Nous privilégions l’investissement et la croissance. Du coup, nous n’avons pas payé beaucoup de taxe sur les dividendes par le passé. Nous devrions toucher environ 1,5 million d’euros de remboursement par l’État, suite à l’invalidation de cette taxe par le Conseil Constitutionnel. Mais comme nous réalisons un chiffre d’affaires important, de 3,8 milliards d’euros cette année, nous allons devoir payer les deux surtaxes prévues par le gouvernement pour compenser en partie la censure. La facture devrait être de 7,2 millions d’euros pour Pomona. Soit plus 4,5 fois plus que le remboursement! 

 

Tout est dit! tous ceux qui ont évité de verser trop de dividendes pour privilégier l’investissement sont les grandes victimes de cette taxe. Dans la pratique, seuls ceux qui pratiquent un capitalisme débridé et court-termiste, qui distribue beaucoup de dividendes et épargnent peu, seront récompensés par l’invention fiscale de Bercy. 

La finance frappée de plein fouet

L’effet le plus douloureux concerne toutefois l’industrie financière et tout particulièrement les grandes banques frappées par la crise de 2008… et les fleurons mutualistes.  

Ceux-là, par principe, ne distribuent pas de dividendes, puisqu’ils n’ont pas d’actionnaires. Ils paieront donc une part importante de la facture. Par chance pour eux, les années concernées par la taxe étaient aussi des temps de vaches maigres pour les banques capitalistes: aucune d’entre elles n’a pu distribuer d’importants bénéfices durant la période.  

Selon le président de la MAIF, Pascal Demurger, le surcoût pour les seuls assureurs mutualistes devrait avoisiner les 200 millions €. Il faudra attendre 2018 pour voir si cette saignée décidée brutalement et peu anticipée se solde par des hausses de tarifs.  

Dans la sphère bancaire, le surcoût sera beaucoup plus lourd. La BNP contribuerait à elle seule à plus d’un milliard €. La Société Générale et le Crédit Agricole contribueraient chacun à hauteur d’environ 600 millions.  

Bruno Le Maire, défenseur du capitalisme de court terme

Bruno Le Maire n’en est pas, au bout de ses six premiers mois à Bercy, à son coup d’essai en matière de soutien inattendu au capitalisme de court-terme. Après avoir proposé de supprimer les abattements pour durée de détention d’actions, le ministre des Finances donnent un sacré coup de bambou à ceux qui ont limité la distribution de la plus-value aux actionnaires.  

Ce n’est pas le moindre des paradoxes économiques que de voir l’équipe Macron aligner les mesures favorables au capitalisme de court-terme, et pénaliser l’investissement à long terme.  

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

L’EIOPA accueille son nouveau directeur exécutif

Le conseil d'administration de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP ou EIOPA en anglais) vient de nommer son nouveau directeur exécutif. C'est Damian Jaworski qui est nommé à ce poste. Il doit encore être confirmé par le Parlement européen avant de prendre ses fonctions le 1er avril 2026. D'après le ...
Lire plus

L’Insee nous dit tout sur les seniors en perte d’autonomie à l’horizon 2070

La courbe démographique en France ne cesse de marquer le vieillissement de la population, entrainant par la même occasion l'augmentation du nombre de seniors en situation de perte d'autonomie. L'Insee et la Drees publient une étude commune qui montre que cette croissance sera forte jusqu'aux années 2045-2050 avant une stagnation à l'horizon des années 2070. ...

L’examen du PLFSS 2026 reporté au lundi 27 octobre

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (PLFSS 2026) devait être examiné en commission des affaires sociales à partir du jeudi 23 octobre 2025. Mais une lettre rectificative concernant l'insertion de la suspension de la réforme des retraites dans le texte impose de revenir à zéro. Le tout nouveau PLFSS 2026 doit donc être réexaminé en conseil des ministres et redéposé à l'Assemblée nationale. Conséquence directe : tout le processus est à...