Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat FO.
FO a donné un avis négatif sur l’accord qui a été trouvé vendredi entre patronat et syndicats sur l’Agirc/Arrco. Pourquoi ?
Depuis le début nous avons affirmé que nous voulions un compromis, que nous étions attachés à ces régimes, que nous étions prêts à faire des efforts, mais nous avons aussi dit que ce ne serait pas à n’importe quel prix. La logique d’un abattement était une ligne rouge. Le Medef y tenait absolument. Dans les faits, l’introduction de ce système d’abattement revient à repousser l’âge du départ à la retraite.
Il fallait bien sauver financièrement ces régimes et regagner des marges budgétaires, non ?
Un ouvrier qui perçoit 1 300 euros de pension et qui part à 62 ans aura 50 euros de moins par mois. Pour les salariés c’est la double peine, entre critères de cotisation et critères d’âge que l’on durcit. Cela pénalise les femmes, ceux qui pouvaient partir en bénéficiant du dispositif des carrières longues… Et l’effort n’est pas équitable, il est porté à 90 % par les salariés et les retraités. Les entreprises s’en sortent bien, cela sera compensé par une baisse des cotisations de la branche accidents du travail. Manuel Valls a déjà dit que l’État accompagnerait l’accord. Il leur avait déjà fait le cadeau du pacte de responsabilité.
Ne craignez-vous pas d’apparaître comme un syndicat passéiste ?
Le progrès ce n’est pas de réduire les droits des salariés et des retraités. Au contraire, c’est un signe de modernité de refuser. Cela ne nous arrive pas souvent car FO est très attachée à l’Agirc et à l’Arrco. Mais nous ne voulions pas donner un signe politique à dix-huit mois d’une élection présidentielle. Signer c’est aussi renier ce pourquoi nous avions manifesté en 2010, lorsque nous nous étions opposés au report de l’âge.
Comment jugez-vous le climat social ?
Il n’est pas bon. Le gouvernement évoque toujours la conflictualité qui baisse. Certes, mais ce n’est pas le seul indicateur. Le climat social se mesure aussi par l’état de la concertation et de la négociation. Actuellement, on a un gouvernement qui consulte beaucoup les partenaires sociaux et puis qui ensuite passe outre. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé sur la négociation relative aux carrières des fonctionnaires. Le mécontentement social est là, latent, et je crains qu’il ne s’exprime dans les urnes. L’austérité est suicidaire socialement, économiquement et démocratiquement.
Extraits de l’interview de Jean-Claude Mailly à L’Opinion du 19 octobre 2015