Cet article provient du site du syndicat FO.
Un arrêt rendu le 27 avril par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et portant sur l’emploi de salariés détachés vient souligner que la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale entre pays au sein même de l’Europe est loin d’être gagnée.
Dire que les règles encadrant l’emploi de travailleurs détachés mériteraient d’être améliorés est un doux euphémisme.
Le 27 avril la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt en faveur du croisiériste allemand A-Rosa qui -via sa succursale suisse- employait de 2005 à 2007 quelques quatre-vingt-dix salariés saisonniers sous contrat suisse sur deux navires exploités sur des fleuves français.
Ces salariés n’étaient donc pas rattachés à la Sécurité sociale française ainsi que le permet le règlement européen n°1408/71 non remis en cause par la directive détachement de 1996 remaniée l’an dernier.
Or en 2007, à l’issue d’un contrôle sur ces bateaux, l’Urssaf d’Alsace avait contesté le bienfondé de l’application du régime de travailleurs détachés à ces salariés cependant pourvus des certificats de détachement (E 101) ad doc. L’institution avait alors infligé à l’employeur pour deux millions d’euros de redressement de cotisations sociales portant sur une période de deux ans.
Le certificat à effet contraignant
Celui-ci avait contesté la sanction devant la justice et avait été condamné. Il avait toutefois porté l’affaire devant la Cour de cassation laquelle avait réservé son jugement sur le fond et interrogé la CJUE sur une question préjudicielle.
En substance, le pays d’accueil des contrats de travail, ici en l’occurrence la France, doit-il respecter la force contraignante du certificat de détachement quand il estime que l’affiliation du salarié au régime des travailleurs détachés (286000 personnes en France l’an dernier) n’est pas légitime ?
Pour la Cour de justice de l’Union européenne, tant qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide par l’institution émettrice -sur la base d’une procédure pour l’instant non contraignante initiée par le pays d’accueil du contrat de travail- le certificat de détachement atteste l’affiliation du salarié au régime social du pays de l’institution émettrice et à ce seul régime.
Ce certificat a un effet contraignant. La CJUE ne revient donc pas sur cette jurisprudence constante.
Concrètement, selon le principe de coopération loyale entre les États, principe inhérent au règlement n°1408/71, la France -au motif d’une lutte contre la concurrence déloyale et le dumping social- ne peut pas décider de faire fi de la présomption de régularité de l’affiliation du salarié au régime Suisse. Cela même si elle constate que les conditions de l’activité dudit salarié « n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel » de la disposition précise la cour.
Ryanair réclame quinze millions
L’avocat général de la CJUE indique quant à lui qu’une « amélioration des procédures » de recours (le dialogue entre les institutions des états membres puis le recours à une commission administrative) « pourrait être opportune ». Un tel changement relève toutefois « de la compétence du législateur européen » rappelle-t-il subtilement.
Se saisissant de cette affaire qui participe à illustrer les imperfections du système européen de réglementation appliqué aux travailleurs détachés temporairement la compagnie aérienne irlandaise low-cost Ryanair a sauté de joie.
Condamnée à payer 10 millions d’euros à l’Urssaf pour le non-paiement entre 2006 et 2010 de cotisations sociales dans le cadre de l’emploi à l’aéroport de Marseille (sa base permanente fermée depuis) d’une centaine de salariés embauchés sous contrats irlandais… Condamnée encore cette année à une amende de plus de cinq millions pour travail dissimulé (non-paiement de cotisations sociales pour ses salariés pilotes et navigants commerciaux sous contrat irlandais) sur sa base d’été à Marseille de 2011 à 2014, la compagnie avançant son préjudice de double taxation (paiement de cotisations irlandaises et françaises) a annoncé dès le 27 avril qu’elle demandait un remboursement total de quinze millions d’euros. Sans compter les intérêts.