La liberté d’expression d’un salarié sur internet est-elle limitée ?

Dans un précédent article, Branches Info & Tripalio abordait le sujet sensible des propos tenus par un salarié hors de son entreprise. 

 

La caractérisation de l’abus à la liberté d’expression du salarié

Par un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 6 mai 2015, il a été rappelé que l’exercice de la liberté d’expression des salariés en dehors de l’entreprise ne peut justifier un licenciement que s’il dégénère en abus. 

En l’espèce, le salarié s’était exprimé sur le site “Miroir social” à propos du licenciement de l’un de ses collègues. Le salarié affirmait que son collègue avait été licencié car il “avait osé revendiquer l’application du code du travail”, et précisait qu’en participant à une réunion de négociation qui s’était tenue avec le directeur régional, lui et ses collègues avaient subi « chantage et menaces déguisés”. C’est à la suite de la publication de ces propos que le salarié avait été licencié par son employeur. 

La Cour de cassation considère que l’abus n’est pas caractérisé car les propos tenus hors de l’entreprise doivent être injurieux ou vexatoires. La Cour retient également la nature quasiment confidentielle du site internet sur lequel le salarié s’est exprimé. Cette solution soulève quelques interrogations concernant l’expression du salarié sur internet. 

 

Les enjeux de la liberté d’expression du salarié sur internet

L’arrêt de la Cour de cassation précise d’abord que le caractère injurieux ou vexatoire des propos tenus par le salarié est à prendre en compte. Ainsi, lorsqu’un salarié s’exprime en rapportant des faits qui se seraient passés dans l’entreprise, il n’outrepasse pas sa liberté d’expression, que ses propos soient vrais ou mensongers. En effet, la Cour de cassation ne prend pas en compte la véracité des propos du salarié mais bien leur teneur vexatoire ou injurieuse. 

Ensuite, la question du site internet sur lequel s’exprime le salarié est soulevée. La Cour fait référence au caractère quasiment confidentiel du site sur lequel le salarié a publié ses propos. Ainsi, l’expression d’un salarié sur un site internet plus ouvert, plus public, pourrait peut-être mener à la caractérisation d’un abus. L’expression des salariés sur certains réseaux sociaux massivement utilisés est ainsi au cœur des réflexions : la Cour d’appel de Rouen considérait en 2011 que Facebook pouvait revêtir la qualité d’espace privé ou d’espace public, selon les paramètres de confidentialité des publications définis par l’utilisateur. Mais la Cour de cassation n’a pas encore eu l’occasion de trancher la question. Ainsi, si l’employeur qui peut accéder librement à des propos tenus par ses salariés sur des sites internet assimilés à des espaces d’expression publique, pourrait les prendre en compte pour les sanctionner dès lors qu’il prouve l’existence d’un abus à la liberté d’expression. 

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