La différence de traitement en raison de l’âge peut être une discrimination

Cet article est issu du site de la CFDT.

Constitue une discrimination la différence de traitement fondée sur l’âge lorsqu’elle n’est ni objectivement ni raisonnablement justifiée par un objectif légitime d’intérêt général. Telle est la solution retenue par la chambre sociale dans le cas d’une réduction d’activité des plus de 61 ans au profit des plus jeunes. Cass. soc. 17.03.15, n° 13-27.142 

 

  • Les faits

Lors de son congrès de novembre 2012, le syndicat national des moniteurs de ski français a adopté au sein de ses statuts une nouvelle disposition relative au « pacte intergénérationnel ». L’objectif était d’organiser la réduction d’activité des moniteurs de ski à partir de 62 ans, afin de favoriser l’embauche de moniteurs plus jeunes. 

18 moniteurs de ski adhérents au syndicat ont saisi le tribunal de grande instance d’une demande en nullité de la disposition. Les demandeurs avançaient en effet que cette nouvelle disposition contribuait à priver progressivement les moniteurs âgés de plus de 61 ans de la répartition des cours dans les écoles de ski français, ce qui constituait par conséquent une mesure discriminatoire liée à l’âge. 

La question se pose donc de savoir si une différence de traitement fondée sur l’âge peut être valable ? 

 

  • Les conditions de validité des différences de traitement liées à l’âge

Les demandeurs se fondent sur l’article 6 § 1 de la directive européenne n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 qui fixe un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Transposé au sein de l’article L. 1133-2 du code du travail, l’article 6 de la directive fixe les conditions de validité d’une différence de traitement liée à l’âge. 

Les États membres sont ainsi autorisés à « prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires » (1). 

Il ressort de cet article deux conditions pour valider une différence de traitement liée à l’âge : 

– La différence de traitement doit être justifiée objectivement et raisonnablement par un but légitime ; 

– Les moyens pour réaliser cet objectif doivent être appropriés et nécessaires. 

 

  • Une différence de traitement injustifiée en l’absence d’objectif légitime d’intérêt général

Si la cour d’appel admet la validité de la différence de traitement, la Cour de cassation l’estime injustifiée. 

Du côté de la cour d’appel, il est admis d’une part que l’embauche des jeunes diplômés au sein des écoles de ski français constitue un objectif légitime. Ce but est objectivement et raisonnablement justifié par le fait que l’insuffisance du nombre de jeunes moniteurs n’est pas adaptée à la diversité des enseignements nécessaire pour satisfaire la demande d’une clientèle « à la recherche de nouvelles techniques de glisse, mais également pour assurer l’enseignement à des petits enfants, toutes contraintes qui nécessitent de nouveaux apprentissages et une forme physique adaptée ». D’autre part, la cour d’appel estime que les moyens utilisés via le pacte intergénérationnel étaient proportionnés dans la mesure où les désavantages étaient compensés par la validation de deux trimestres pour chaque saison et par la possibilité pour eux de continuer à exercer librement avec leur clientèle personnelle. 

La Cour de cassation ne l’entend pas de cette oreille. Dans sa décision du 17 mars, elle estime que la cour d’appel n’a pas constaté que « la différence de traitement fondée sur l’âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime d’intérêt général, tenant notamment à la politique de l’emploi, au marché du travail ou à la formation professionnelle ». Il est intéressant de noter que la Cour de cassation vient préciser que l’objectif légitime doit être d’intérêt général, alors même que ce critère d’intérêt général ne figure ni dans la disposition de la directive européenne ni au sein du code du travail, textes auxquels la Cour de cassation fait référence dans son visa. Par conséquent, « la prise en compte d’un intérêt purement individuel et propre à la situation des écoles de ski désireuses de répondre à la demande de la clientèle ne peut être considérée comme légitime ». 

De plus, il est reproché à la cour d’appel de ne pas avoir constaté que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires il n’a pas été établi que « la redistribution d’activité des moniteurs âgés de plus de 61 ans bénéficiera exclusivement aux jeunes moniteurs ». Le pacte intergénérationnel aurait donc dû viser spécifiquement la catégorie de jeunes moniteurs pour être considéré comme moyen approprié et nécessaire. 

 

  • Une appréciation stricte de la justification de la différence de traitement

Dans cet arrêt, la chambre sociale fait preuve de rigueur en appréciant de manière stricte la justification d’une différence de traitement fondée sur l’âge. Elle précise que l’objectif légitime doit être d’intérêt général. La question se pose de savoir si l’exigence d’objectif d’intérêt général devra être requise pour justifier les différences de traitements fondées sur d’autres motifs, tels l’inaptitude et le handicap. 

Au regard de cette décision, les prochains statuts de syndicats ou accords d’entreprises adoptant une mesure favorisant l’embauche d’une certaine catégorie de salariés devront être scrupuleusement justifiés et proportionnés. 


(1) Art. 6 § 1, directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 fixant un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

François Bayrou agrée la convention sur l’assurance chômage

C'est le 15 novembre 2024 que les partenaires sociaux signaient leur nouvelle convention sur l'assurance chômage. Le texte vient d'être agréé par le Premier ministre François Bayrou avec quelques exclusions. Toutes les dispositions agréées s'appliqueront ainsi à compter du 1er janvier 2025. Retrouvez-en la teneur ci-dessous : ...