Cet article provient du site Décider et Entreprendre.
La CJUE a rendu le 2 mars 2017, un arrêt préjudiciel portant sur une affaire de double imposition concernant un travailleur frontalier assujetti à l’impôt sur le revenu de l’Etat membre de résidence et non de l’Etat membre d’emploi.
La CJUE s’est prononcée sur la question de savoir si une indemnité versée par l’Etat d’emploi en cas d’insolvabilité de l’employeur doit être assujettie à l’impôt sur le revenu de l’Etat d’emploi.
Le cas franco-allemand soumis à la CJUE
La décision de la CJUE intervient dans le cadre d’une affaire opposant M. Eschenbrenner, un ressortissant français, habitant à Rahling (France) près de la frontière allemande et travaillant à Pirmasens (Allemagne) à l’Agence fédérale pour l’emploi (Allemagne).
Son employeur allemand étant en procédure d’insolvabilité, M. Eschenbrenner a sollicité, au titre de ses créances salariales impayées (5 571,88 euros), le versement d’une indemnité d’insolvabilité.
Pour calculer le montant de cette indemnité, l’Agence fédérale pour l’emploi a déduit de la rémunération brute de M. Eschenbrenner la somme de 3 550,24 euros octroyée par le syndic provisoire au titre du préfinancement, ainsi qu’un montant correspondant aux cotisations sociales et une avance, à titre de note de frais.
En outre, l’Agence a, en vertu de la loi fiscale allemande, déduit de cette rémunération un montant correspondant à l’impôt sur le revenu calculé conformément au droit allemand, s’élevant pour les trois mois concernés, respectivement, à 185 euros, à 175 euros et à 173 euros.
En conséquence, par décision du 18 juillet 2012, un montant total de 356,77 euros a été octroyé à M. Eschenbrenner au titre de ladite indemnité.
Dans sa réclamation contre cette décision, M. Eschenbrenner a soutenu, en substance, que la prise en compte de l’impôt au taux d’imposition applicable en Allemagne, lors du calcul de l’indemnité d’insolvabilité, était discriminatoire et, partant, contraire au droit de l’Union, car il n’était pas assujetti à l’impôt en Allemagne.
L’Agence a rejeté cette réclamation.
L’affaire est arrivée devant le tribunal supérieur du contentieux social (Allemagne) qui a décidé de surseoir à statuer afin de poser des questions préjudicielles à la CJUE.
Pour la CJUE, la différence de traitement en cas d’indemnisation des travailleurs frontaliers n’est pas discriminatoire
Le tribunal supérieur du contentieux social souhaite savoir si le droit de l’UE s’oppose à ce que le montant de l’indemnité d’insolvabilité, accordée par un Etat membre à un travailleur frontalier qui n’est ni assujetti à l’impôt sur le revenu dans cet État ni redevable de l’impôt au titre de cette indemnité, soit établi en déduisant de la rémunération servant de base au calcul de ladite indemnité l’impôt sur le revenu, tel qu’il est applicable dans ledit État, avec pour conséquence que ce travailleur frontalier ne reçoive pas, contrairement aux personnes résidant et travaillant dans ce même État, une indemnité correspondant à sa rémunération nette antérieure.
La CJUE commence par rappeler que le principe d’égalité de traitement inscrit tant à l’article 45 TFUE qu’à l’article 7 du règlement n° 492/2011 prohibe non seulement les discriminations directes, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes indirectes de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat.
Cependant, la CJUE souligne que le pouvoir d’assujettir l’indemnité d’insolvabilité à l’impôt appartient, en application de la convention fiscale franco‑allemande, à la République fédérale d’Allemagne.
Par conséquent, la CJUE en déduit qu’il revient au droit national des États membres de préciser le traitement fiscal des rémunérations impayées lorsque celles‑ci sont prises en charge par des institutions de garantie en application de la directive 2008/94.
Eu égard à ces considérations, la CJUE juge que le droit de l’UE ne s’oppose pas à ce que le montant de l’indemnité d’insolvabilité, accordée par un État membre à un travailleur frontalier qui n’est ni assujetti à l’impôt sur le revenu dans cet État ni redevable de l’impôt au titre de cette indemnité, soit établi en déduisant de la rémunération servant de base au calcul de ladite indemnité l’impôt sur le revenu, tel qu’il est applicable dans ledit État, avec pour conséquence que ce travailleur frontalier ne reçoive pas, contrairement aux personnes résidant et travaillant dans ce même État, une indemnité correspondant à sa rémunération nette antérieure.
Ainsi, les travailleurs frontaliers peuvent se voir appliquer une réglementation nationale qui aboutit à une rupture d’égalité de traitement sans que la CJUE ne considère cela comme discriminatoire !
Le texte de l’arrêt
On retrouvera, ci-dessous, le texte de l’arrêt.