La barémisation du licenciement: encore une idée illibérale du MEDEF!

Dans le débat qui agite les partenaires sociaux et le gouvernement sur la réforme du droit du travail, la question de la barémisation des indemnités de licenciement illustre une fois de plus la logique illibérale du MEDEF, voire son appétit étatiste et réglementariste permanent.  

Le paradoxe du MEDEF

C’est probablement le paradoxe le plus étrange que personne ne soulève. 

D’un côté, le MEDEF peste contre la complexité du droit du travail et prône (à juste titre!) une mise en application du choc de simplification imprudemment promis par le chef de l’Etat comme une solution miracle. A la manière de la Vierge à Lourdes, le choc tant attendu ne s’est toujours pas manifesté aux profanes chefs d’entreprise, même si François Hollande, campé en Bernadette Soubirou, soutient qu’il s’est bien produit.  

D’un autre côté, le MEDEF ajoute sa voix à l’appel collectif permanent en faveur de l’inflation réglementaire et de l’expansion administrative constante. En demandant au gouvernement de barémiser les indemnités de licenciement, le MEDEF propose en effet qu’une nouvelle couche de règles soit posée sur le contrat de travail, sur son exécution et sur dénouement. On peut en comprendre les raisons, mais il n’empêche que cette logique procède bel et bien d’une manie qui se situe aux antipodes de la logique libérale. 

Le patronat n’aime pas la concurrence sur la main-d’oeuvre

Sur le fond, la revendication du MEDEF se situe dans la continuité des revendications patronales exprimées depuis le début de la Révolution industrielle. Pour éviter une concurrence débridée sur la main d’oeuvre susceptible de déstabiliser la vie des entreprises et de concourir à une amélioration de la condition salariale, les organisations patronales françaises ont toujours préféré limiter au maximum la concurrence sur les salaires et les rémunérations. L’objectif de cette stratégie a toujours été d’éviter une surenchère féroce entre entreprises sur ce domaine. 

La création du Comité des Forges puis de l’UIMM il y a plus de cent ans fut d’ailleurs la première réponse institutionnelle à cette problématique. Elle visait à mieux coordonner les positions des entreprises face aux revendications salariales. Pour assurer un maximum d’efficacité à cette réponse patronale, la tradition a beaucoup misé sur le syndicalisme de branche, qui permettait de circonvenir les mouvements par entreprise. 

La tradition qui suivit de négociations salariales au niveau des branches, ancrées dans les pratiques françaises jusque dans les années 90, a bien exprimé cette stratégie patronale proche d’une logique des corporations. 

La barémisation des indemnités de licenciement, avatar du corporatisme

La barémisation des indemnités de licenciement se situe bien dans la suite de la tradition corporatiste dont le patronat français ne peut se détacher. Le licenciement constitue l’un des derniers espaces où la relation contractuelle se noue au niveau de l’entreprise, dans une logique de négociation directe entre le salarié et son employeur. Il est en quelque sorte un espace de liberté où chaque entreprise doit se “débrouiller”, en cas de licenciement, pour transiger avec le salarié de telle sorte qu’il ne recourt pas aux prudhommes.  

Barémiser l’indemnité de licenciement permet de supprimer cette liberté contractuelle et d’imposer un tarif unique, commun à toutes les entreprises, là où la liberté existe.  

L’objectif est simple: il consiste à aider les chefs d’entreprise démunis face à des “manoeuvres” des salariés licenciés. Pour défendre cette mesure, beaucoup rappellent les “abus des salariés” et l’incertitude de la justice prudhommale.  

Il n’en reste pas moins que les chefs d’entreprise qui investissent dans les ressources humaines, notamment pour fixer des indemnités qui rendent les prudhommes inutiles en seront pour leur grade. Une fois de plus, la solidarité envers les moins vertueux ou les moins efficaces prend le pouvoir et la réglementation procède à un nivellement des pratiques patronales par le bas. 

Au fond, le patronat français aime la concurrence quand elle lui profite, et il la désteste quand elle le menace. Il aime la liberté quand elle lui permet de gagner, il lui préfère la réglementation quand il risque de perdre. Le réflexe est compréhensible, et même cohérent en termes d’intérêt. En revanche, ne jamais oublie rque la règlementation appelle la règlementation.  

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