Jean-Denis Combrexelle : “il ne suffit pas d’ajouter des couches normatives supplémentaires pour relancer la négociation collective”

La mission d’information sur le paritarisme continue ses réunions, auditions et tables rondes. Lors de la réunion du 18 novembre 2015, la mission d’information a auditionné Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’Etat et ancien directeur général du travail, également auteur du fameux rapport Combrexelle sur la négociation collective, le travail et l’emploi. 

 

Un constat : des accords collectifs de faible qualité

M. Combrexelle commence son audition en rappelant que s’il est “de bon ton de dire que avec ses 3 000 pages, le code du travail sature le dialogue social et la négociation collective, et tue l’initiative, la réalité s’avère plus compliquée”. Il affirme que sur le plan juridique, le droit social français renvoie davantage à la négociation collective que le droit allemand : mais en pratique, c’est autrement différent. L’objectif du rapport qu’il a rendu était de partir de ce constat paradoxal pour proposer des avancées concrètes sur le plan de la négociation collective. 

Il ne remet pas en question le nombre d’accords qui peuvent être signés par la négociation, au contraire M. Combrexelle dévoile des statistiques plutôt favorables à ce niveau, mais il parle d’un problème sur le plan qualitatif :”J’ai présidé pendant treize ans la commission d’extension des accords, compétente pour valider les accords de branche, et j’ai pu constater qu’ils ne font souvent que paraphraser le code du travail, voire qu’ils sont parfois en retrait par rapport à lui, sur des sujets comme l’égalité entre les hommes et les femmes. Il ne suffit donc pas d’ajouter des couches normatives supplémentaires pour relancer la négociation collective”. 

Comme l’une des sources du problème, M. Combrexelle souligne le manque d’attractivité des syndicats de salariés : “leurs négociateurs appartiennent souvent à la tranche d’âge des seniors”. Il ne manque pas non plus de relater les difficultés du côté des entreprises et du monde patronal : “les directeurs des ressources humaines n’ont souvent pas de place au sein du comité exécutif des groupes, car le dialogue social n’est pas considéré comme un sujet central”. Il estime également que “dans la réflexion sur la stratégie, la négociation collective et le dialogue social ne sont pas déterminants” dans les entreprises. 

Jean-Denis Combrexelle n’oublie pas non plus de rappeler le rôle qu’ont à jouer l’administration et les pouvoirs publics. Il critique le fait de partir d’une loi renvoyant dans un premier temps au dialogue social et fixant malgré tout de nouvelles normes “qui sont autant de verrous, loin de l’intention initiale”. 

Il conclut sa première intervention en affirmant que supprimer des pages dans le Code du travail ne suffirait pas à améliorer la situation, c’est le système dans son ensemble qui devrait être modifié. 

 

Le refus catégorique de l’inversion de la hiérarchie des normes

M. Combrexelle rappelle le nécessaire travail de réécriture du Code du travail qui doit être fait car, dit-il, il s’agit d’un droit qui s’applique quotidiennement et qui doit être clair. La distinction entre droit impératif et négociation doit être plus nette selon lui. Il estime que cela doit être fait rapidement pour quatre volets précis : temps de travail, conditions de travail, emploi et salaires. L’objectif serait de donner la priorité aux accords d’entreprises visant ces 4 sujets. 

Sur la question de l’inversion de la hiérarchie des normes, il affirme que son rapport ne prévoit aucunement une telle opération : “Nous n’avons rien proposé de tel, ni même seulement un tel primat au profit de l’accord de branche”. Il aimerait que les accords d’entreprises puissent concerner davantage de sujets car selon lui “le code du travail ne saurait, comme tombé du ciel, régir toutes les situations dans le détail”. M. Combrexelle pense qu’il faut avant tout chercher à trouver le bon équilibre entre les trois niveaux de normes : loi, accord de branche, accord d’entreprise. 

 

La négociation collective face aux évolutions économiques

Pour finir, M. Combrexelle parle du rapport entre les accords collectifs et la négociation individuelle. Il relate ainsi la position des gouvernements successifs qui ont soutenu l’idée que les accords collectifs sont meilleurs que les contrats de travail, opposée à la position de la Cour de cassation qui considère parfois le contraire. Il affirme que le fait de faire primer “l’accord collectif sur le contrat de travail n’est en rien attentatoire aux droits du salarié”. 

A l’écoute de Jean-Denis Combrexelle, Mme Laure de La Raudière se demande si le Code du travail et la négociation collective favorisent réellement l’emploi : elle pense que les dispositions traitées se concentrent trop sur la protection du salarié. Elle aimerait savoir comment rendre le système plus agile face aux mutations économiques de notre temps. 

M. Combrexelle lui répond que les solutions alternatives à la négociation collective lui semblent dangereuses pour l’entreprise. Le temps de la négociation est également un sujet épineux et M. Combrexelle affirme qu’il devra être raccourci pour correspondre au temps de l’entreprise. 

 

Cet article est paru sur le site Décider et Entreprendre

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