Dans un arrêt du 12 septembre, la cour de cassation a estimé que les injures d’une salariée proférée dans un groupe privé et fermé sur Facebook n’avaient pas de caractère public. Par conséquent, elles avaient un caractère privé et ne permettait pas le licenciement.
Alors qu’il est commun de parler de sa vie professionnelle avec ses amis ou sa famille, il arrive parfois que certains salariés fassent part de leur ressentiment sur les réseaux sociaux. Jusqu’à présent, les jugements avaient tous confirmé la faute grave et le licenciement.
Mais le cas d’une employée jugée le 12 septembre dernier risque bien de faire jurisprudence. La cour de cassation a estimé que le licenciement prononcé était abusif.
Licenciement abusif
La situation concerne une salariée qui avait été licenciée pour faute grave alors qu’elle avait rejoint un groupe Facebook nommé « Exterminatrice des directrices chieuses ». Dans ce groupe, elle y tenait des propos injurieux envers sa supérieure hiérarchique qui a fait constater les faits par un huissier.
Pour le salarié, il s’agissait clairement d’une intrusion dans sa vie privée alors que l’employeur affirmait que les propos avaient un caractère public du fait qu’ils aient été diffusés sur Facebook. Le licenciement était à ses yeux justifié.
C’est sur ce point que tout cette joue. En fait, le groupe était catégorisé comme privé et ne comptait que 14 membres. S’appuyant sur l’arrêt du 3 décembre 2015, la cour de Paris donne raison à la salariée au motif que la conversation arborait bien un caractère privé.
Les propos litigieux avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site Facebook et qu’ils n’avaient été accessibles qu’à des personnes agréées par cette personne.
Cour de cassation
La cour de cassation estime donc que le fait de tenir des propos injurieux sur Facebook n’est pas un motif automatique de licenciement. Pour cela, il faut appréhender le caractère public ou non des propos.
Facebook : audience privée ou publique ?
Le jugement rendu n’est cependant pas des plus étonnant. En 2017 déjà, la cour de cassation avait estimé qu’une publication sur son mur personnel était considérée comme privée du fait que l’utilisateur doive choisir qui peut accéder au message. L’employeur ne pouvait accéder aux informations du compte de l’un de ses salariés sans passer par le téléphone portable de l’un de ses collègues.
Néanmoins, nous relations aussi le cas d’une salariée licenciée pour des propos injurieux à l’encontre de sa direction. Si les messages avaient été postés dans une conversation privée avec son ami, ils avaient perdu tout caractère privé à cause d’une simple erreur. La salariée s’était absentée de son poste sans prendre la peine de verrouiller son poste et les messages étaient alors visibles par quiconque passait devant.
Actuellement, il n’existe donc pas encore de ligne directrice claire quant aux publications sur Facebook et sur la recevabilité, surtout quand il est question d’insultes et de propos injurieux. Chaque événement doit être étudié au cas par cas pour déterminer si la plainte est recevable ou non.
Pour autant, de plus en plus de règles et de jurisprudence font leur apparition. En 2010, un homme avait été condamné à 3 mois de prison ferme et 1 200€ d’amende après avoir posté sur son mur des insultes à l’encontre de gendarmes qui venaient de le contrôler. Son profil était public et tout le monde sans restriction pouvait y avoir accès. Même les gendarmes.
A l’inverse, une salariée qui avait réalisé un défi sur son lieu de travail puis posté la vidéo sur Facebook (on la voyait être affublé d’une perruque, attachée à une chaise, se faisant arroser d’eau par ses collègues) avait été licenciée. Les juges ont estimé qu’elle portait atteinte à l’image de l’entreprise quand bien-même la vidéo avait un caractère privé.
Par ailleurs, la cour d’appel de Limoges avait retenu des commentaires et des discussions tenues par une mère de famille pour affirmer que cette dernière menait une vie au « caractère inconstant, inconséquent et désinvolte, [traduisant] son immaturité et son instabilité », dans une affaire pour déterminer à qui incombait la garde des enfants.
Au final, si l’injure publique n’est pas retenue (avec une amende de 12 000€ qui peut être prononcée), les propos injurieux publiés sur Facebook revêtent la plupart du temps un caractère « d’injure non-publique» pour une amende de 38€ si elle n’était pas précédée de provocation.