Grève contre la réforme des retraites : de la guerre de mouvement à la guerre de tranchées

La grève contre la réforme des retraites entre dans une nouvelle phase : celle de la stagnation, après une confrontation lourde entre les protestataires et le gouvernement. Désormais condamnés à s’amenuiser par une attrition prévisible, les cortèges qui battent le pavé rassemblent les irréductibles dans un face-à-face qui rappelle que le compromis souhaité par Emmanuel Macron n’a pas vu le jour.

 

Comme on pouvait s’y attendre, les cortèges de manifestants ce jeudi 16 janvier ont rassemblé moins de mondes que les cortèges précédents. La lutte piétine, et les rages s’affadissent. Progressivement, les rues ne devraient plus être secouées que par les plus actifs, les plus déterminés, les plus irréductibles. Mais cet essoufflement n’efface pas le malaise qui règne dans le pays : le gouvernement n’a guère convaincu, et les plaies sont ouvertes et sanguinolentes. 

 

La grève s’essouffle mais continue

Le spectacle des cortèges dans les rues a probablement conforté le gouvernement dans le sentiment (trompeur, de notre point de vue) selon lequel le plus dur est fait. Certes, le compromis rapide appelé de ses voeux à la Saint-Sylvestre par Emmanuel Macron n’a pas eu lieu, et un compromis n’aura probablement pas lieu. Les syndicats contestataires sont toujours vent debout contre cette réforme, et les états-majors parisiens des syndicats réformistes (UNSA et CFDT) peinent à dissimuler la grogne sur le terrain, en tout cas dans les professions concernées par la suppression des régimes spéciaux. Il n’en reste pas moins que la virulence laisse la place à une sorte de détermination jusqu’au-boutiste, plutôt pacifique pour l’instant (à Paris, il n’y a pas eu de gaz lacrymogènes dans les rues). 

Dans la pratique, la grève est loin d’être terminée. Plusieurs signaux indiquent qu’elle s’essouffle d’abord parce que les grévistes viennent à manquer d’argent, beaucoup plus que par la concession d’Édouard Philippe lâchée samedi. Mais il existe encore de nombreux foyers de contestation, et le SNES se félicitait aujourd’hui de la réceptivité des enseignants à la contestation. Le gouvernement aurait donc bien tort de croire que cette victoire tactique arrachée pied à pied soit synonyme d’un permis à tout faire. 

 

Le recul dans le désordre annoncé par Emmanuel Macron

Emmanuel Macron semble assez conscient de ce faible espace politique qui lui reste, puisque, à l’occasion des voeux à la presse, il a commis une remarque relevée par Le Parisien

« si vous avez des droits liés au premier enfant, à des tâches pénibles, vous aurez des âges pivots ». Vantant « un système plus transparent, plus intelligent », avec « des règles qui sont les mêmes pour tout le monde », insistant sur la « distinction entre des professions et des fonctions », le président de la République formule ce drôle d’aveu : « Il y aura peut-être 66 millions d’âges pivots. » 

On comprend que la logique gouvernementale consiste désormais à éteindre l’incendie compartiment par compartiment, en lâchant des concessions à la demande et sur mesure. Le système qui devait être universel devient peu à peu un patchwork au moins aussi complexe à saisir que son prédécesseur. Les Échos ont répertorié ce matin les différentes caisses autonomes qui survivront à la réforme, particulièrement dans les professions libérales : médecins, avocats, experts-comptables. Mais aussi pilotes de ligne. Le mythe d’un seul régime universel part en fumée, et il faudra de nombreuses années pour faire oublier ces créations historiques, souvent solidifiées par d’épaisses couches de réserves financières. 

 

Un dialogue social qui part en quenouilles

De cette série feuilletonnée sur les retraites, à supposer qu’elle soit terminée (ce qui est loin d’être évident car le débat parlementaire sera long et réservera des surprises), on gardera le sentiment d’un rendez-vous raté du pouvoir exécutif avec les organisations syndicales. Beaucoup cherchent à se rassurer en prêtant au gouvernement l’idée que les syndicats ne sont plus représentatifs et que dialoguer avec eux ne sert plus à rien. Il n’en reste pas moins que, même dans cet état d’esprit, Édouard Philippe s’est livré à des vexations contre-productives qui ont envenimé le débat et largement pénalisé le pays tout entier. 

Ces vexations étaient d’autant plus inutiles qu’Emmanuel Macron semble avoir promis la part belle aux organisations syndicales dans la gouvernance du futur système. Alors pourquoi se fâcher avec eux ? On retrouve ici la manie très ancien monde de préférer le passage en force à la négociation, quitte à devoir lâcher bien plus de concessions pour ramener l’ordre que dans une solution négociée. 

C’est l’absurdité française qui triomphe. Rien ne dit, insistons sur ce point, que les dégâts s’arrêteront là. Le débat parlementaire n’a pas commencé, et la fonction publique n’a pas encore bouclé ses positions. Dans la guerre de tranchées qui commence, nul ne sait les événements qui peuvent encore émailler le parcours du texte. 

 

La fusion des Gilets Jaunes et des syndicats contestataires a eu lieu

Dans les signaux faibles qu’on retiendra, le plus important d’entre eux tient probablement au rapprochement qui a eu lieu entre les différentes composantes de la contestation. À Paris, aujourd’hui, le cortège mélangeait joyeusement Gilets Jaunes et syndicalistes. Cette « convergence des luttes » que beaucoup redoutaient et qui ne venait pas s’est finalement produite. L’événement est pacifique et somme toute d’apparence anodin. Il ne révèle pas moins l’importance des mouvements d’opinion qui se produisent en sous-main : peu à peu, le gouvernement coalise contre lui des mouvements d’opposition virulente. 

Le même jour, Bruno Le Maire annonçait une (logique) baisse de rémunération du livret A. Et Édouard Philippe annonçait hier le calendrier des réformes pour les six prochains mois… Celui-ci comporte notamment des mesures à caractère écologique. On attend de voir si ce calendrier plutôt marqué à gauche apaisera les tensions. 

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