Grâce au plein-emploi, la Sécu serait en excédent de 20 milliards €

La Commission des Comptes de la Sécurité Sociale a publié hier son rapport annuel. Il annonce notamment que le déficit de la sécurité sociale pour 2018 se situerait entre 300 et 900 millions €, situation jamais atteinte depuis 1999. Cette réduction du déficit tient pour partie à une hausse de la masse salariale, pour une autre partie à une hausse de la CSG. Un retour au plein emploi dégagerait un excédent de 20 milliards €.

 

Les raisons de ce quasi-retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale seront longuement discutées. La Cour des Comptes elle-même en illustre bien les multiples explications. La moindre n’est pas la hausse des recettes due au transfert des cotisations salariales maladie sur la contribution sociale généralisée. À elle seule, cette opération apporte 17 milliards nets au système de sécurité sociale. Si l’on se souvient que le déficit de 2017 s’éleve à près de 2 milliards, on mesure l’intérêt de ce transfert. Il permet de mettre les comptes à un quasi-équilibre. 

Une autre explication tient au mouvement naturel de la masse salariale. Celle-ci a augmenté plus que prévu grâce à un retour fugace à la croissance. On le sait: toute remontée de la masse salariale et toute baisse du taux de chômage permet de relever mécaniquement les recettes de la sécurité sociale et d’améliorer les déficits sociaux.  

Hausse des cotisations, serrage de vis sur les dépenses

À grands traits, on n’oubliera donc surtout pas que, même avec une proportion grandissante de recettes fiscales, en particulier grâce à la montée en puissance de la contribution sociale généralisée, la cotisation salariale reste la reine de la sécurité sociale. Elle représente encore 218 milliards € en 2018, alors que les recettes fiscales devraient plafonner à 165 milliards. Il faudra encore un peu de temps pour replacer ses chiffres dans une comparaison internationale fiable. Mais la FRance devrait rester la leader européenne de la cotisation, et la lanterne rouge de la fiscalisation. 

Autrement dit, le poids de la protection sociale continue à porter, plus qu’ailleurs, sur le travail plutôt que sur l’ensemble des bénéficiaires du système. En plus qu’ailleurs, ce sont les employeurs qui fournissent le plus gros effort. Ils apportent 166 milliards à la sécurité sociale, quand les salariés n’apporteront plus, en 2018, que 38 milliards au financement des prestations qui leur profitent directement. Ces sommes sont essentiellement destinées au régime de retraite. 

En contrepartie de cet important effort, il faut rappeler que le secret du gouvernement pour réduire le déficit consiste d’abord à réduire les prestations offertes, surtout dans le domaine maladie. Globalement, on paie toujours plus pour des droits ou des garanties sans cesse réduites. Dans la pratique, il ne s’agit de rien d’autre que d’une dévaluation, d’une dégradation des prestations collectives. Il n’y a là aucun motif de gloire: un système qui réduit ses remboursements ou ses services tout en augmentant ses prix est un système qui dysfonctionne. Il est curieux de retrouver un peu partout des concerts de louange face à une situation qui n’est rien d’autre qu’une pénurie organisée.  

20 milliards € d’excédents en cas de retour au plein emploi

Le gouvernement a donc réduit d’environ 1,5 milliard € le déficit de la sécurité sociale en un an, sans réduction significative du nombre de chômeurs. Ceux-ci créent pourtant un “trou” majeur dans le financement du système. Il serait donc intéressant de savoir à quoi ressemblerait la situation de la sécurité sociale sans le chômage de masse que nous connaissons.  

En prenant l’hypothèse d’un retour durable à l’emploi de 1,5 millions de chômeurs, la France retomberait à un taux de chômage proche du plein emploi, c’est-à-dire à environ 5% de la population active. Cet événement si inattendu que personne ne songe à l’évoquer, produirait un effet tout à fait saisissant sur les recettes de la sécurité sociale. Il augmenterait mécaniquement les cotisations d’environ 10%. Autrement dit, les recettes de la sécurité sociale bondiraient de 20 milliards d’un seul coup.  

Ce chiffre est présenté hors baisse des dépenses qu’une disparition du chômage de masse produirait probablement. On peut penser en effet que le chômage est producteur de pathologies multiples, notamment psychiques, qui ont un coût pour la solidarité.  

Sans aller jusqu’à ce point de détail, on notera donc qu’un retour au plein emploi (même “relatif”) changerait considérablement le visage de la protection sociale en dégageant de fortes marges pour son fonctionnement. Des marges bien plus élevées que celles permises par les “mesurettes” pratiquées depuis une quinzaine d’années.  

Cette perspective de 20 milliards € d’excédents devrait faire réfléchir mûrement sur l’utilité de mener des politiques de l’emploi dynamiques. Le choix français, répété et conforté depuis une trentaine d’années, de réglementer toujours plus l’accès au marché de l’emploi comporte un puissant coût social pour la collectivité. Il se traduit par une hausse globale des prélèvements et une dégradation lente des prestations sociales. Une ouverture sur un assouplissement des règles permettrait d’inverser rapidement cette logique.  

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