Le mois d’août 2018 constituait une étape importante dans le processus de restructuration des branches d’activité. En effet, même si le gouvernement avait annoncé, au début de l’été, qu’il n’entendait pas procéder de manière unilatérale à des fusions de branches dès cette échéance, il n’en demeure pas moins qu’il en a désormais la possibilité juridique. Cette configuration nouvelle invite à faire le point sur ce dossier paritaro-étatique.
Des décisions peu nombreuses
Comme nous le détaillons aujourd’hui même dans nos colonnes, seules 18 fusions de branches ont été publiées au Journal Officiel. En l’occurrence, il s’agit essentiellement de conventions collectives locales ou, dans le cas de conventions nationales, de petites conventions collectives. D’ailleurs, Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT en charge, entre autres, du dossier des restructurations conventionnelles, affirme que les réunions qui doivent se tenir au ministère du Travail jusqu’à la fin de l’année afin de statuer sur de nouvelles fusions de branches concerneront avant tout, là encore, un nombre limité de conventions locales ou de petites CCN. Autrement dit : les pouvoirs publics semblent avoir abandonné l’objectif affiché en 2016 par le gouvernement socialiste, au moment du vote de la loi El Khomry, d’un passage de près de 750 conventions collectives à 200 CCN à l’horizon 2019.
Ne pas brusquer les esprits paritaires
L’attitude de retrait des pouvoirs publics – qui tranche avec le volontarisme affiché dans le cas des autres réformes sociales – résulte avant toute chose d’une volonté de ne pas brusquer inutilement les partenaires sociaux. Il est vrai qu’ils font preuve, d’eux-mêmes, d’une réelle capacité à concevoir des rapprochements de branches et à les mettre en oeuvre, comme nous le montrons dans notre tableau des nombreuses fusions de branches en cours de négociation. “De ce que nous pouvons percevoir, lorsque des discussions sérieuses de restructurations sont menées dans des branches, l’Etat prend acte et se montre prêt à accorder un certain délai aux négociateurs. Il faut dire que tout ceci prend du temps : entre l’accord préalable entre chambres patronales, les discussions avec les syndicats de salariés, le lien avec les institutions paritaires de formation ou de protection sociale…” précise M. Portier.
L’enjeu de la formation professionnelle
Ce tout dernier point est même fondamental. En juin dernier, lorsque le gouvernement avait considéré qu’il était en réalité plus urgent de réorganiser les institutions de la formation professionnelle que de fusionner des branches, il s’était justifié en considérant que l’enjeu qui devait primer dans le cadre de la restructuration institutionnelle de la formation professionnelle était celui des compétences des salariés et non celui du périmètre des futurs OPCO. Nous émettions alors des doutes : la réduction du nombre des OPCA-OPCO allait difficilement pouvoir éviter des débats relatifs au périmètre de ces institutions – c’est-à-dire, in fine, au périmètre des branches auxquelles elles sont adossées. De fait, notre interlocuteur nous confirme que les pouvoirs publics devraient bel et bien s’appuyer sur le résultat de la refondation institutionnelle de la formation professionnelle dans le cadre du dossier des fusions de branches.
Quel objectif final ?
Cette inversion des priorités et de la méthode s’articule bien avec le délai que le gouvernement est prêt à accorder aux branches qui négocient leur restructuration conventionnelle. Au total, il apparaît de plus en plus évident que l’objectif de 200 branches ne sera vraiment atteint qu’en 2020. Le dossier des fusions de branches ne sera toutefois pas encore clos. Cet objectif n’est en effet qu’une “étape”, selon le terme du représentant cédétiste, qui croit savoir que les pouvoirs publics entendent aboutir à un nombre de branches “un peu inférieur” à 200, sans pouvoir dire précisément combien. Interrogée afin, entre autres, d’obtenir plus d’informations à ce sujet, la DGT ne nous a toujours pas répondu.