Fraude sociale des étrangers : le feuilleton continue

Au début de l’été, nous faisions état du débat public suscité par la publication du rapport provisoire du sénateur centriste du Pas-de-Calais, Jean-Marie Vanlerenberghe, relatif aux « conséquences de la fraude documentaire sur la fraude aux prestations sociales ».

 

Hier, alors que ce même sénateur a revu à la baisse ses propres estimations de la fraude sociale des étrangers, la polémique à ce sujet est repartie de plus belle. 

Entre « 200 millions » et « 14 milliards » de fraude

Aux dernières nouvelles, datant de juin dernier, les participants au débat public sur la fraude sociale des étrangers ne s’accordaient pas tout à fait sur l’ampleur du phénomène. D’un côté, Charles Prats, ancien magistrat qui a notamment été chargé de la coordination de la lutte contre la fraude aux finances publiques au ministère des Finances (2008-2012), répétait, depuis plusieurs mois, que le montant des prestations sociales qui seraient versées, chaque année, à des personnes nées à l’étranger et disposant d’un numéro de sécurité sociale obtenu de manière frauduleuse – qui seraient versées, autrement dit, de manière indue – atteindrait près de 14 milliards d’euros. 

De l’autre, dans son rapport provisoire, le sénateur Vanlerenberghe se voulait beaucoup moins alarmiste. D’après lui, entre 3 et 3,5 % des numéros de Sécurité sociale accordés à des assurés nés à l’étranger l’auraient été de manière indue, générant des dépenses dont il estimait le montant « entre 245 et 987 millions d’euros » – voire 1,17 milliard d’euros – par an. Soit une somme bien inférieure à celle évoquée par M. Prats – ce dernier lui répondant d’ailleurs par le moyen d’une interview au Figaro, en s’interrogeant sur la cohérence de ces chiffres avec celui du « nombre de numéros de sécu sociale (NIR) actifs attribués à des personnes nées à l’étranger : 56,4% des 21.017.718 NIR du stock […], soit 11,85 millions ». 

En bref : à l’issue de cette passe d’armes, on n’en savait guère plus quant à l’ampleur de la fraude des étrangers aux prestations sociales. 

Une nouvelle estimation sénatoriale

Afin, peut-être, de permettre à chacun d’y voir plus clair dans cette situation de flou total, M. Vanlerenberghe a fait publier, hier, un communiqué de presse avançant une nouvelle estimation de l’ampleur de cette fraude. D’après le sénateur, en réalité, cette dernière atteindrait un niveau inférieur aux estimations qu’il avait données en juin dernier. 

Le sénateur a « diligenté de nouveaux travaux » qui lui ont permis d’obtenir de nouveaux chiffres, plus actuels. Ainsi, se fondant sur « un échantillon de 2 000 dossiers représentatif des quelque 17,2 millions de personnes vivantes nées à l’étranger disposant d’un numéro de sécurité sociale », il a trouvé que « 47 » dossiers présentaient une « anomalie critique », « susceptible de remettre en cause la validité de l’inscription voire de nature à laisser suspecter une fraude ». Après relance de ces 47 dossiers, « 14 […] n’ont pas pu être régularisés à ce jour », correspondant à « un total de prestations de 13 546 euros en 2018 ». 

Partant de là, le rapporteur général, fournit une estimation générale de la fraude sociale des étrangers. »En rapportant cette somme [13 546 euros, ndlr] à l’ensemble des dossiers de personnes vivantes immatriculées nées à l’étranger (avec toutes les précautions d’usage), on aboutit à un préjudice financier de 117 millions d’euros associés aux « fausses » immatriculations. Et en appliquant le même taux d’anomalie aux dossiers « indéterminés », ce montant passe à 138,6 millions d’euros ». Ainsi donc, en réalité, les étrangers illégitimement inscrits à la Sécurité sociale généreraient moins de 150 millions d’euros de dépenses annuelles. Somme toute : l’épaisseur du trait ! 

Charles Prats à la manoeuvre

Ayant pris connaissance, comme d’autres, de ces nouveaux chiffres, Charles Prats n’a pas tardé à réagir. Sur son compte Twitter, il s’est d’une part pris à la « rigueur » et aux « données dûment vérifiées » du rapporteur Vanlerenberghe. « On ne peut que constater la «rigueur» et les «données dûment vérifiées» du rapport Vanlerenberghe sur la fraude sociale qui – entre autres – oublie 1,5 million de NIR dans sa base de calcul. Et oui ! Ce ne sont pas 17,2 mais 18,7 millions comme l’a indiqué l’INSEE » a-t-il en effet écrit. 

D’autre part, sûr de ses propres estimations, il a demandé audit rapporteur d’accepter un « débat contradictoire » dans l’arène médiatique : « À un moment donné il faut mettre les choses sur la table. Je propose donc un débat contradictoire en face à face télé ou radio en direct au sénateur Vanlerenberghe puisqu’il me met nommément en cause dans son rapport sur la fraude sociale. Et on verra. Chiche ? » On attend évidemment avec impatience la réponse sénatoriale à cette invitation. 

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