Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés FO.
Avant que la pandémie du Coronavirus ne donne un coup de frein sévère à l’économie, certaines entreprises négociaient des plans sociaux. C’est le cas du groupe Galeries Lafayette, qui avait prévu de faire disparaître en avril sa marque Guérin Joaillerie au profit de Mauboussin. Signé par FO le 12 mars, après la première intervention du chef de l’État sur la pandémie, l’accord PSE améliore les mesures d’accompagnement des 138 licenciés économiques.
Ne prendre aucun risque, figer ce qui peut l’être. Le 12 mars, juste après la première intervention du président de la République sur la pandémie, le syndicat FO de Guérin Joaillerie, seule organisation dans la filiale en difficultés du groupe Galeries Lafayette, a fait le choix de signer l’accord portant sur les mesures du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). « La négociation, lancée en décembre, était à cinq jours de son terme. Face au risque d’un coup d’arrêt de l’économie, la délégation FO a précipité la signature de l’accord. En l’état, il améliore déjà beaucoup les mesures d’accompagnement des salariés, qui doivent être licenciés avec la fermeture de Guérin Joaillerie. Différer la signature, c’était prendre le risque que les mesures soient revues à la baisse », commente Arnaud Gamblin, délégué FO de la marque.
Il a vu juste. D’ores et déjà, il est probable que le calendrier, prévoyant l’envoi des premières lettres de licenciement dès mai, soit bouleversé. Ce ne sera pas le cas des mesures, figées par la signature. Dans le détail, le PSE concerne 138 des 238 salariés en CDI de Guérin Joaillerie : ceux des onze magasins et trois « corners » dont la fermeture est prévue en région parisienne, à Dijon et Nice, ainsi que ceux du siège social. Il exclut les 87 salariés qui ont accepté de changer d’enseigne. Quatorze « corners » (et 30 de leurs salariés) doivent passer chez Mauboussin, ainsi que six magasins (29 salariés). Trois autres magasins représentant 28 salariés (ceux de La Défense, Parly 2, Vélizy 2) devaient aussi être cédés le 29 avril au groupe Family, sous l’enseigne Borromée. Treize salariés ont choisi de démissionner.
Des négociations difficiles
La signature du 12 mars clôt trois mois de négociations « difficiles », selon Arnaud Gamblin qui s’est retrouvé face à une direction pressée d’avancer. En décembre, cinq mois à peine après avoir racheté Mauboussin et ses 75 boutiques (pour un montant non communiqué), le groupe Galeries Lafayette a fait part de sa volonté d’arrêter l’activité de Guérin Joaillerie. Annoncée officiellement… par mail le 24 décembre aux salariés, la décision restera en mémoire, pour son extrême brutalité.
« Dans la réorganisation de son pôle horlogerie-bijouterie, le groupe Galeries Lafayette sacrifie la marque concurrente de Mauboussin. Guérin Joaillerie était peut-être mal en point, mais de plus en plus connu par la clientèle, pour l’originalité des créations et la qualité des produits », commente le militant FO. Il déplore que les salariés soient sacrifiés « au nom de l’intérêt financier ». Et dénonce une stratégie erratique, avec « des millions fort mal dépensés » dans le repositionnement de l’enseigne emblématique des centres commerciaux, qui a fêté en mai 2019 ses 50 ans, en une marque premium. « Dès le rachat en 2012 par les Galeries Lafayette, l’entreprise a vu péricliter son chiffre d’affaires ».
Une direction pressée
Dans un courrier adressé en janvier aux salariés, la direction du groupe reconnaît son erreur. « La nouvelle stratégie de marque premium (…) n’a malheureusement pas donné les résultats attendus », reconnaît-elle, évoquant des « pertes récurrentes, avec des apports jusqu’à 25 millions d’euros en 2017 (…) pour combler les déficits ». Selon ce courrier, « plus de la moitié » des magasins Guérin Joaillerie « ont un résultat d’exploitation négatif ».
De quoi expliquer l’empressement du groupe à lancer, dès le 17 décembre, la procédure d’information-consultation sur le licenciement collectif. Et son choix d’ignorer la demande légitime de FO d’un autre calendrier. « Les périodes de Noël et des soldes sont celles où nous réalisons 25% du chiffre d’affaires de l’année. Autrement dit, impossible de dégager du temps pour le PSE. Nous avons perdu trois semaines », regrette Arnaud Gamblin.
Décidément pressée, la direction du groupe a aussi voulu ouvrir dès la mi-janvier un point d’information-conseil sur les possibilités de reclassements internes. Habituellement, un tel dispositif se met en place, une fois le PSE validé par les services de l’État. Le comité social et économique (CSE) a donné son accord. Reste qu’au final, l’initiative n’a pas eu de succès.
Au 6 mars, sur les 245 offres de reclassements internes, 12 « étaient en cours » et une seule, « signée ». A cela, une bonne explication : « ces offres concernent des emplois payés 20 à 30% de moins », souligne Arnaud Gamblin. Mais le militant FO a su tirer profit du recueil des choix des salariés, via ce point d’information, pour négocier les mesures du plan social les plus utiles. Telle cette allocation différentielle de reclassement (interne ou externe) qui permettra aux ex-Guérin, acceptant un emploi moins rémunéré, de percevoir jusqu’à 500 euros brut mensuels, pendant les 8 premiers mois de leur nouveau contrat.
Faiblesse des propositions initiales
Obtenir de telles mesures était loin d’être gagné. Même le cabinet d’experts accompagnant FO a été surpris de la première « offre » des Galeries Lafayette. « Il nous a confié qu’il n’avait jamais vu une aussi faible proposition initiale de la part d’un employeur », rappelle Arnaud Gamblin, qui concède avoir obtenu au final « une écoute attentive de la direction ».
Parmi les principales mesures, FO a obtenu pour les salariés reclassés en interne une formation d’adaptation (jusqu’à 300 heures) ou qualifiante (jusqu’à 12.000 euros hors taxe pour les moins de 45 ans, 15.000 euros hors taxe pour les plus de 45 ans). Les salariés, repositionnés sur un temps partiel, seront accompagnés pendant 11 à 13 mois pour trouver un complément. Quant aux salariés licenciés, ils bénéficieront d’un congé de reclassement de 11 à 13 mois (selon qu’ils ont moins ou plus de 45 ans) égal à 80% du salaire mensuel brut moyen des 12 derniers mois, et d’une formation diplômante (aux mêmes conditions que pour les salariés reclassés en interne).
Le militant FO n’a qu’un regret : le montant de l’indemnité supra-légale, qui est fonction de l’ancienneté (un mois de salaire pour les moins de 5 ans d’ancienneté, deux mois jusqu’à 9 ans d’ancienneté…). « Avoir obtenu une indemnité supra-légale pour tous est déjà une victoire, précise-t-il. La direction ne voulait rien donner aux salariés ayant moins de dix ans d’ancienneté, au motif qu’ils n’avaient pas connu de restructuration ».