Cet article provient du site du syndicat FO.
Décidément en ce début d’été, les fonctionnaires sont dans le collimateur du chef de l’État et du gouvernement. Le 17 juillet lors d’une Conférence des territoires réunie au Sénat, l’exécutif annonçant aux collectivités qu’elles devront –entre autres- consentir à réduire leurs dépenses de treize milliards d’euros en cinq ans, a proposé des mesures visant directement les agents territoriaux et plus largement le statut général de la fonction publique. Les fonctionnaires FO confirment qu’ils mettront « tout en œuvre pour faire échouer ses attaques sans précédent ».
La Conférence des territoires organisée au Sénat s’est tenue sur une journée. Mais celle-ci fut longue et dense. Et pour cause. Le Président de la République et le Premier ministre ont empilé annonces et propositions à destination des collectivités locales et de leurs personnels. Christian Grolier pour les fonctionnaires FO (UIAFP-FO) a assisté à cette conférence placée à l’évidence par l’exécutif sous le signe d’une mise au régime sec de l’échelon territorial.
Le chef de l’État, M. Emmanuel Macron, a ainsi annoncé aux collectivités une réduction de treize milliards d’euros en cinq ans de leurs dépenses publiques. Initialement, ces collectivités étaient priées de réaliser une économie de dix milliards. Elles devront donc faire un effort supplémentaire de trois milliards.
Ces treize milliards constitueront leur part dans l’effort général d’économies sur les dépenses publiques (État, collectivités territoriales, sécurité sociale) qui devra être réalisé ces cinq prochaines années. L’objectif, assène régulièrement l’exécutif depuis le mois de mai, est de ramener le déficit public sous le seuil des 3% de PIB comme requis dans le cadre des engagements européens.
Se voulant rassurant, le chef de l’État indique que l’effort des collectivités ne se réalisera pas sur le mode de la force. L’exécutif propose un « Pacte financier » ou encore un « Pacte girondin » aux collectivités. Concrètement elles devront adhérer d’elles-mêmes aux efforts demandés.
Pour celles qui mettront en pratique ce consentement à l’effort, cet effort se réalisera en toute liberté. Les collectivités pourront par exemple réaliser des fusions. Des communes pourront fusionner entre elles de même que des départements. Les régions quant à elles pourraient bénéficier de nouvelles compétences transmises par l’État. Cela « pourra s’accompagner d’un transfert du pouvoir d’adaptation des normes juridiques aux réalités locales » précise le Président de la République. Il pourrait donc y avoir des règles différenciées selon les territoires ?
Dans ce vent de liberté affichée, l’État annonce encore qu’il compte faire sauter un « verrou » en autorisant les collectivités à lancer des expérimentations locales qui ne nécessiteront pas –comme la loi l’impose actuellement- de généraliser ces expérimentations sur tout le territoire au bout de deux ans.
L’assentiment contraint
Soufflant le chaud et le froid, le chef de l’État et son Premier ministre accompagnent leurs suggestions d’annonces pour le moins brutales. Si les collectivités ne traduisent pas concrètement leur assentiment à la réalisation d’économies de dépenses, le couperet tombera. Une diminution des dotations fera office de lame affutée.
L’exécutif annonce aussi d’autres mesures radicales pour les collectivités territoriales notamment au plan des finances locales. Alors qu’une conférence sur les territoires devrait se tenir tous les six mois, l’exécutif souhaite la mise en place d’une commission de travail afin de lancer « une refonte de la fiscalité locale ». Le chef de l’État souhaite notamment que la taxe d’habitation dont les recettes bénéficient au bloc communal (23 milliards en 2016) disparaisse… Selon un calendrier encore très flou.
La semaine dernière en effet il était encore question d’un plan (sur trois ans) menant à une exonération de la taxe d’habitation pour 80% des foyers fiscaux assujettis. Resterait 20% de foyers concernés par la taxe d’habitation. Ce ne serait donc « pas un bon impôt » a indiqué M. Macron lors de la Conférence des territoires en évoquant sa possible compensation par « une part de CSG ou de CRDS ».
Une perte de 70 000 postes
De nombreux élus territoriaux ont fait part de leurs craintes concernant l’évolution des finances locales. Ils redoutent d’une part que le niveau des économies demandées (13 milliards d’euros) ne les amène à renoncer à certains investissements, voire à fermer des services aux usagers indiquait Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts de Seine) et Président du Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale.
Les élus craignent aussi que la suppression partielle ou totale de la taxe d’habitation ne soit pas compensée intégralement et qu’elle conduise parallèlement à la perte de l’autonomie fiscale des collectivités.
S’adressant à tous les échelons territoriaux, l’exécutif a avancé ses solutions -hors réformes structurelles (fusions, expérimentations…)- pour réduire les dépenses des collectivités. Les fonctionnaires sont au cœur de ce dispositif.
Ainsi 70 000 postes de fonctionnaires territoriaux devraient être supprimés en cinq ans. Comme le suggérait le récent audit de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques, le chef de l’État propose par ailleurs -et entre autres- de différencier la valeur du point d’indice (base de calcul des salaires pour les trois versants de la fonction publique) selon les branches de la fonction publique.
« La valeur du point d’indice est la colonne vertébrale du statut »
Pour M. Macron « il n’est pas normal, lorsqu’on cherche à augmenter par exemple le point de la fonction publique hospitalière, que toutes les fonctions publiques soient entrainées dans le même mouvement. Nous devons avoir une gestion différenciée des fonctions publiques parce que leur réalité est différente, parce que les contraintes de gestion qu’on fait ensuite peser de manière mécanique sur les collectivités locales sont peu soutenables ».
Pour les fonctionnaires FO, l’annonce des suppressions d’emplois ne passe pas. Christian Grolier pour l’UIAFP-FO souligne que la « libre administration des collectivités ne permet pas que l’on leur impose des suppressions d’emplois »…
Différencier le point selon les branches de la fonction publique ne recueille pas plus l’assentiment de FO : « La valeur du point d’indice est la colonne vertébrale du statut du fonctionnaire » rappelle Christian Grolier, indiquant que les « agents FO sont bien sûr totalement opposés » à cette différenciation du point. Par ailleurs relève-t-il « cette proposition est une aberration sachant que le gouvernement a annoncé le gel du point pour 2018 ! De plus cette différentiation est totalement inadaptée si l’on se réfère à la volonté des récents gouvernements de prôner une plus grande mobilité des personnels dans la fonction publique. Si, dans une des branches, le niveau du point d’indice est inférieur à celui en vigueur dans les autres, cela sera peu attractif pour les agents. »
Quid de l’égalité républicaine ?
Plus largement, pour les fonctionnaires FO, les annonces et propositions faites au cours de cette conférence portent en elles des implications dangereuses. Ainsi indique Christian Grolier, à travers l’objectif annoncé d’une baisse drastique des dépenses des collectivités et l’annonce de la suppression de la recette fiscale taxe d’habitation « on est conduit à penser que ce pacte est anti-démocratique. L’État voudrait-il déshabiller totalement les collectivités ? »
Par ailleurs, alors que le gouvernement prévoit une hausse du taux de la CSG et qu’une partie des recettes de cet impôt national pourrait revenir aux collectivités ne disposant plus des recettes de la taxe d’habitation, les fonctionnaires –auxquels s’appliquera aussi la hausse de la CSG- se demandent s’ils recevront eux une compensation à la hausse du taux de CSG… « Y aura t-il une augmentation du point d’indice ? Des régimes indemnitaires ? » interroge avec malice Christian Grolier.
Enfin souligne-t-il plus largement, les possibles mises en œuvre d’initiatives locales permettant de déroger aux règles nationales font craindre une dérive en matière républicaine. « Va-t-on rester le pays de l’égalité des droits ? » interroge encore le secrétaire général de l’UIAFP-FO.