Bien loin des tracasseries nationales liées à la restructuration conventionnelle du bâtiment, le milieu patronal savoyard du BTP passe actuellement l’essentiel de son temps à s’entre-déchirer. Depuis plusieurs semaines, René Chevalier, le président indéboulonnable de l’organisation patronale locale du BTP longtemps affiliée à la fédération française du bâtiment (FFB) est en guerre ouverte contre ladite FFB et celui qu’elle s’est choisie comme son nouveau représentant local, Patrick Richiero.
Le mandat de trop
Tout a commencé en juin dernier : René Chevalier, président de la fédération 73 du BTP, a été réélu président. A première vue, rien de très grave. Sauf que pour la FFB, ce nouveau mandat est apparu comme étant une provocation. Il faut dire que M. Chevalier préside cette fédération depuis… 20 ans. Du point de vue des instances nationales, M. Chevalier doit rendre son tablier. D’ailleurs, la FFB estime que la réélection du président est contraire aux statuts de l’organisations, qui prévoient qu’un président ne peut l’être que durant trois mandats.
Dans ces conditions, mi-novembre 2017, la FFB a demandé à René Chevalier de démissionner de son mandat. Devant son refus d’agir ainsi, à la fin du mois de novembre, elle a exclu la fédération savoyarde de son organisation et a mis en place une nouvelle structure départementale, confiée à Patrick Richiero.
Un notable patronal
Comme il fallait s’y attendre, René Chevalier n’a pas tout à fait apprécié la manoeuvre des dirigeants nationaux de la FFB. Il s’est maintenu à la tête d’une organisation professionnelle désormais dissidente et a rapidement fait savoir qu’il entendait porter l’affaire devant les tribunaux.
Or, hélas pour Jacques Chanut, le président national de la FFB, M. Chevalier est une figure importante du patronat savoyard, connue non seulement dans le BTP mais bien au-delà. Ancien président du Medef Savoie, ancien président de la CCI locale – dont il compte toujours parmi les élus – ancien membre du CESER, il est aujourd’hui encore président de la médecine du travail départementale. Autant dire que M. Chevalier a bien des soutiens parmi les élites et le patronat du département et de la région.
Surtout, comme M. Chevalier se plaît à le rappeler depuis le début de cette malheureuse affaire, l’organisation qu’il préside rassemble l’essentiel des entrepreneurs du BTP de Savoie, soit 180 entreprises qui représentent 8000 salariés.
Un autre notable patronal
Si l’on s’en tient à ce critère de la représentativité, force est de reconnaître que les arguments de René Chevalier sont plus solides que ceux de la FFB. Dans l’état actuel des choses, la nouvelle antenne locale qu’elle vient de mettre en place ne compterait qu’une vingtaine d’adhérents. Moqueur, M. Chevalier assure même au Dauphiné Libéré que ce chiffre est en réalité inférieur : “ils sont huit aujourd’hui”.
Quoi qu’il en soit de cette bataille de chiffres, il convient de préciser qu’en matière de renouvellement des personnels, la FFB n’a tout de même pas fait le choix de frapper trop fort. M. Richiero n’est en effet pas du tout un inconnu dans le département. Président de la CPME de Savoie, il est en outre vice-président de la CCI au nom de l’industrie. Autrement dit, ne trouvant guère de soutien du côté du Medef 73, la FFB a préféré se tourner vers la CPME afin de mener sa barque.
Enfonçant bien le couteau dans la plaie, M. Richiero a commenté en ces termes son élection auprès du Moniteur : “Nous nous engageons à appliquer une gouvernance claire et transparente pour notre syndicat avec un renouvellement régulier de nos instances dirigeantes et le respect de la périodicité des mandats. C’est ainsi, qu’à notre avis, doit vivre une fédération”.
1-0 pour la FFB
Puisque seule la justice pouvait départager les différentes parties prenants, M. Chevalier a porté plainte devant le TGI de Paris contre l’exclusion de son organisation du réseau de la FFB et contre la création d’une nouvelle structure. Hélas pour lui, dans un jugement rendu public au début du mois de février, le TGI de Paris a donné entièrement raison à la FFB.
René Chevalier ne s’avoue pas battu pour autant et vient de décider de contre-attaquer, par le moyen de la procédure “à jour fixe”, permettant un débat sur le fond de l’affaire. L’audience est prévue pour le 10 avril prochain.