Le gouvernement a fait de la lutte contre les inégalités femmes/hommes en entreprise une cause nationale. Avec un tout nouvel arsenal de sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas les nouvelles obligations. Seulement, le Medef et la CPME craignent que, si les grands groupes n’auront aucun mal à mobiliser les ressources nécessaires pour se mettre en règle, les plus petites structures aient beaucoup plus de mal à se mettre en règle et soient systématiquement sanctionnées.
Suite à l’annonce du gouvernement de faire de l’égalité salariale entre femmes t hommes dans l’entreprise une cause nationale, avec tout un arsenal de sanctions contre les entreprises contrevenantes, le patronat n’a pas manqué de réagir.
Décider & Entreprendre a pu consulter en exclusivité une note envoyée conjointement par Geoffroy Roux de Bézieux, patron du Medef, et François Asselin, président de la CPME. Ils en appellent à Murielle Pénicaud, ministre du Travail, et lui expliquent que si l’égalité salariale est une cause importante, elle ne sera techniquement pas opérationnelle dans les PME début 2019 .
1 an de plus pour les plus petites entreprises
Dans sa lettre, les deux leaders des plus grandes instances patronales expliquent que « la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes est bien évidemment un combat que nous devons mener collectivement. » Toutefois, Geoffroy Roux de Bezieux et François Asselin s’accordent à dire qu’il « existe un principe de réalité à prendre en compte quant à la mise en oeuvre des [nouvelles] obligations prévues pour les entreprises de 50 à 250 salariés. »
Le gouvernement avait annoncé en mars son intention de créer un indicateur pour mesurer les écarts de rémunération à partir de 2019 et pousser les entreprises de plus de 50 salariés à les réduire, avec la menace de sanctions financières au bout de trois ans pour les plus récalcitrantes, qui pourront aller jusqu’à 1% de leur masse salariale.
L’exécutif prévoit également le quadruplement des contrôles de l’inspection du travail sur l’égalité salariale. Ils passeraient à 7.000 par an pour les entreprises de plus de 250 salariés, et à 30.000 pour celles de 50 à 249 salariés.
Pour mettre en place une politique de réduction de l’écart salarial entre femmes et hommes, le Medef et la CPME craignent que les plus petites entreprises ainsi que les PME peinent à mobiliser assez de ressources humaines. Et qu’elles soient donc systématiquement pénalisées, surtout en comparaison de groupes importants qui ne souffrent pas des mêmes problématiques.
Geoffroy Roux de Bézieux et François Asselin préfèrent que, dans un premier temps, « les entreprises entre 50 et 250 salariés bénéficient d’un dispositif allégé plus simple à mettre en oeuvre. » Ils souhaitent aussi que les obligations, auxquelles doivent se soumettre les PME, ne soient pas effectives le 1er janvier 2019 mais le 1er janvier 2020.
Rien ne serait plus préjudiciable pour la cause que nous voulons défendre que de donner le sentiment que le combat contre les inégalités entre les hommes et les femmes se fait au détriment de la réalité des entreprises.
Geoffroy Roux de Bezieux et François Asselin
Un permis à points
Le gouvernement annoncé par l’intermédiaire de Muriel Pénicaud, de quoi sera fait le dispositif qui vise à réduire les inégalités entre sexe en entreprise. Et l’on se dirige doucement vers un permis à points qui s’articuleraient autour de cinq axes principaux.
Comme le révèle l’AFP, cinq critères ont été retenus: l’écart de rémunération (avec des distinctions par âge et catégorie socioprofessionnelle), l’écart dans les augmentations annuelles, l’écart dans les promotions, les augmentations au retour de congé maternité et enfin la présence de femmes parmi les plus gros salaires de l’entreprise.
L’ensemble de ces critères donnerait un total de 100 points, et une entreprise obtenant moins de 75 serait pénalisée.
Mais ce seront les détails qu’il faudra scruter. Ainsi, sur le principal critère, celui de la rémunération, qui pèserait sur 40 points sur 100, le gouvernement tolérerait un écart de 5%, selon les syndicats.
« Cela ne nous satisfait pas », a réagi la négociatrice CGT Céline Verzeletti, qui veut parvenir à « une suppression totale ». A la CFTC, Pascale Coton « aimerait que ce seuil soit abaissé à 3% ».
Ce chiffre ne semble pas encore faire l’unanimité au sein du gouvernement puisque la secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a plaidé jeudi pour qu’il n’y ait « aucun écart ». « Même 2% d’écart est inacceptable », a-t-elle dit sur France Info.
Parmi les autres critères, une entreprise qui n’appliquerait pas les augmentations à une salariée de retour de congé maternité, comme le code du travail l’y oblige, perdrait ses 15 points.
Une entreprise garderait tous ses points si l’écart hommes-femmes était inférieur à 4% dans les augmentations annuelles et à 2% dans les promotions. Enfin, il lui faudrait avoir trois femmes dans les dix plus hauts salaires pour remplir le dernier critère.
La lettre signée par Geoffroy Roux de Bezieux et françois Asselin, datée du 20 novembre, a été envoyée à Murielle Pénicaud. Pour l’instant, la ministre du Travail n’y a pas répondu. A voir si elle le fera ou si, comme Edouard Philippe, elle « gardera le cap. »