Droit à la déconnexion, une possibilité fondamentale pour les salariés

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

A quelques jours des fameux ponts de mai, et à quelques semaines des congés estivaux, les salariés se languissent d’un repos bien mérité ! Si le repos est important, la déconnexion du travail est quant à elle essentielle. L’occasion de faire le point : quelles sont les règles en matière de droit à la déconnexion ? 

  • La notion « d’hyper connectivité »

A l’heure actuelle, le travail s’invite facilement dans les temps de pause ou de repos, ces intrusions peuvent être plus ou moins invasives et stressantes pour le salarié, lui donnant parfois le sentiment de devoir répondre immédiatement. 

C’est ce que l’on appelle l’hyper connectivité, le salarié ressentant le besoin, voire l’obligation, souvent du fait de la pression qu’il subit au travail, de rester connecté en permanence pour ne pas risquer de rater une information. 

L’introduction progressive d’un droit à la déconnexion a pour objectif principal de lutter contre les burn-out, ou toutes autres formes de stress causées par cette sur-connexion quasi permanente. 

Selon une étude (1) de septembre 2016, 37 % des actifs utilisent presque tous les jours leurs outils numériques à des fins professionnelles en dehors de leur temps de travail, ce chiffre atteignant même 44 % pour les cadres. On note donc une tendance plus importantes chez les cadres, souvent au détriment de leur vie personnelle. 

A noter : La question du droit à la déconnexion est en lien direct avec la charge de travail du salarié. C’est pourquoi l’évaluation régulière de cette dernière est extrêmement importante, particulièrement pour les salariés en forfaits jours. 

  • Un droit créé par la jurisprudence

C’est la Cour de cassation qui a, la première, reconnu un droit à la déconnexion sans vraiment le nommer. 

Deux arrêts illustrent ce principe.  

– Le premier est l’arrêt dit « Zurich assurances »(2) de 2001, il y est précisé que le salarié n’a pas l’obligation d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y amener son matériel de travail. Cet arrêt tente donc de préserver la vie privée du salarié en lui permettant de tracer certaines limites. 

– Le second est un cas de 2004 (3), dans lequel un ambulancier a été licencié pour faute grave car il avait refusé de répondre sur son portable personnel en dehors de ses heures de travail. La Cour a jugé le licenciement abusif et a affirmé que le fait de ne pas répondre était dépourvu de caractère fautif. 

Depuis ces jurisprudences, il est devenu clair que le salarié a le droit de ne pas répondre aux différentes sollicitations reçues lors de ses congés, mais également lors de son temps de pause ou de son repos journalier, cependant jusqu’alors aucun texte législatif n’est venu ancrer ce droit

C’est dans la suite logique de ces décisions que le rapport Mettling (4), publié en septembre 2015, invite le ministère du travail à une réflexion sur le droit à la déconnexion, et à une consécration législative de ce principe. 

Ce rapport proposait également de compléter ce droit à la déconnexion par un devoir de déconnexion. Cette idée n’a pas été retenue dans la loi Travail, le législateur ayant eu peur du manque de clarté de ces deux notions. 

  • La loi Travail introduit ce droit à la déconnexion

Pour la première fois, cette loi introduit dans le Code du travail la notion de droit à la déconnexion.C’est un nouveau pas significatif vers sa reconnaissance, pour autant aucun article ne donne encore une définition claire de ce qu’est le droit à la déconnexion, ce qui aurait peut-être permis une meilleure compréhension de cette notion. 

Ainsi désormais les négociations annuelles sur la qualité de vie doivent-elles porter sur « Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion ». De plus, « A défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité social et économique. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. » (5) 

Depuis le 1er janvier 2018, suite aux ordonnances Macron, ces dispositions font partie des dispositions supplétives, c’est-à-dire qu’elles ne s’appliquent qu’à défaut d’accord sur la temporalité des négociations. Néanmoins le thème du droit à la déconnexion faisant partie de la liste des négociations annuelles obligatoires, toutes les entreprises qui y sont assujetties doivent le respecter.Si dans les petites entreprises il n’existe pas d’obligation de négocier, les employeurs sont tout de même contraints de respecter le droit à la déconnexion, car il reste redevable de leur obligation de sécurité. 

A défaut d’accord (en cas d’échec des négociations ou d’absence de représentants pour négocier), l’employeur doit rédiger une charte, après avis des représentants du personnel, qui doit définir les règles en matière de droit à la déconnexion et les actions mises en places. 

Le seul bémol aujourd’hui porte sur la sanction en cas d’absence de charte. En effet, si l’absence de négociation est punie pénalement, la sanction dans le cas de l’absence de charte mise en place par l’employeur n’est pas évoquée dans la loi. Cependant, il semble clair que dans une entreprise n’ayant aucun cadre collectif à ce sujet, le risque de contentieux est important ! 

L’existence d’un cadre collectif devrait en principe rendre impossible toute sanction d’un salarié qui aurait usé de son droit de déconnexion.  

  • Et en pratique pour le salarié ?

Ce droit doit être reconnu pour tous les salariés. 

Des mesures concrètes doivent être mises en place pour assurer son effectivité. Plusieurs types d’actions sont envisageables allant de la prévention (expliquer au salarié qu’il n’a pas à culpabiliser de ne pas répondre à un mail, par exemple) jusqu’à des interdictions, assorties de sanctions. Dans ce dernier cas, il est important de prévoir également des exceptions, certaines entreprises restant réticentes à la mise en place de sanctions de peur de créer de nouvelles dérives. 

Des actions de formations, des mesures techniques, mais aussi organisationnelles doivent se compléter pour assurer une déconnexion totale au salarié. 

Enfin, certains outils existent et peuvent être mis en place, comme des redirections automatiques de la boîte mail pendant les absences, pour éviter que le salarié ait accès à ses mails pendant cette période ou pour le soulager en faisant traiter son mail par un collègue. 

 


(1) Enquête « Pratiques numériques des actifs en France en 2016 », Rapport du cabinet Eléas. 

(2) Cass.soc.02/10/2001, n°99-42.72. 

(3) Cass.soc.17/02/2004, no 01-45.889. 

(4) Transformation numérique et vie au travail, par Bruno Mettling. 

(5) Art. L.2242-17 C.trav. 

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