Déserts médicaux : pourquoi la solution de Bayrou ne convainc pas totalement les médecins

C’est aujourd’hui que commence la grève illimitée des médecins et internes en médecine pour contester la proposition de loi Garot visant à lutter contre les déserts médicaux. Pour mémoire, cette proposition entend limiter la liberté d’installation des médecins de ville. Alors même que les premiers débats à l’Assemblée nationale ne sont pas bouclés (ils se termineront les 6 et 7 mai), le gouvernement tente de trouver une sortie par le haut avec une proposition moins brutale et néanmoins clivante. Mais les éléments avancés par le Premier ministre François Bayrou ne sont pas encore au goût des médecins.

Les annonces faites par François Bayrou le 25 avril dernier visaient probablement à apaiser les médecins. Plutôt que la fin de la liberté d’installation des médecins libéraux, le Premier ministre propose un pacte de lutte contre les déserts médicaux. Ce pacte se traduirait par la mise en place d’une solidarité territoriale. Concrètement, si la mesure était appliquée, chaque médecin serait obligé de consacrer 2 jours par mois à des consultations dans les zones les plus désertifiées. Cette obligation serait accompagnée de conditions d’accueil adaptées dans les localités concernées et de simplifications organisationnelles et administratives.

Si l’intervention du gouvernement fait réagir, plutôt positivement, les représentants des médecins libéraux, elle n’empêche pas la grève de démarrer.

Les médecins fermement opposés à la régulation de leur installation pour remédier aux déserts médicaux

La grève qui démarre aujourd’hui, 28 avril 2025, est maintenue malgré les déclarations du Premier ministre. Les médecins libéraux veulent ainsi montrer aux députés (et aux sénateurs qui voteront la proposition de loi Garot dans un second temps) leur détermination à ne pas accepter la limitation de leur liberté d’installation. La manifestation du mardi 29 avril devrait être largement suivie par les professionnels (de MG France à SOS Médecins France en passant par la CSMF et le SML).

Toutefois les syndicats ne sont pas tous aussi virulents que les représentants des jeunes médecins, comme le signalent Les Echos. Il faut dire que la restriction à la liberté d’installation ne concerne que les médecins fraîchement diplômés. Les professionnels déjà en activité ne sont pas impactés par la mesure. Dès lors, manifester leur soutien est nécessaire, mais de là à suspendre indéfiniment leur activité au risque de mettre en danger certains de leurs patients, il y a un pas difficile à franchir.

La grève des jeunes médecins et des internes pourrait toutefois être suffisamment suivie pour peser dans les débats à l’Assemblée nationale.

Un projet gouvernemental encore trop coercitif pour la plupart des médecins

Face à la fronde des médecins, François Bayrou propose une solution alternative à la fin de la liberté d’installation. Selon lui, c’est la solidarité qui permettra de réduire les déserts médicaux. Comme nous l’indiquons en préambule, le Premier ministre veut que chaque médecin soit obligé d’exercer en zone rouge (très désertifiée) 2 jours par mois. La solidarité sera donc un principe obligatoire. Les médecins n’échapperaient pas à cette obligation dans cette configuration si elle devait être appliquée en l’état.

Partant de là, la proposition gouvernementale demeure imparfaite aux yeux des professionnels de santé concernés. Ceux-ci se disent évidemment solidaires. En revanche cette solidarité devrait être basée sur le volontariat et non obligatoire. Cette idée d’obligation semble être une ligne rouge à ne pas dépasser pour les représentants des médecins.

En outre, l’autre point d’achoppement de la mesure vient de la manière dont cette solidarité sera organisée. Les médecins auront-ils un lieu dédié et le matériel adéquat pour exercer pendant leurs 2 jours d’exercice dans les déserts médicaux ? Leurs patients habituels seront-ils pris en charge par d’autres professionnels entre-temps ? Quelles sont les garanties pour que les 2 jours n’entrainent pas de surcoût pour les médecins ?

Parmi les réactions, on note celle de l’association Médecins pour demain qui demande à baser le dispositif sur le volontariat. Elle réclame aussi des incitations (notamment fiscales) pour donner envie aux médecins d’aller exercer 2 jours par mois dans les déserts médicaux. Mais de façon plus globale, ce sont les conditions de travail des médecins qui méritent d’être améliorées pour l’association. C’est seulement dans un cadre serein que les professionnels de santé seront en mesure de s’engager vraiment.

Pour un vrai dialogue sur l’implication des médecins dans la lutte contre les déserts médicaux

La position des médecins face aux propositions des parlementaires et aux annonces du gouvernement fait étrangement écho à celle des organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam). Effectivement, les professionnels sont, depuis un certain temps, dans le viseur des décideurs politiques. Ils sont régulièrement mis en cause pour leur manque d’engagement dans la lutte contre les déserts médicaux et finissent aujourd’hui par être pris entre deux feux (la proposition de loi et les annonces du gouvernement). En parallèle, les Ocam sont également régulièrement pointés du doigt comme étant les premiers fautifs dans la hausse de leurs cotisations et les positions hostiles de certains parlementaires, comme du gouvernement (la taxe due par les Ocam en 2025 est toujours dans les tuyaux) reviennent chaque année comme un refrain désagréable.

Ce qui nous interpelle surtout dans la situation des médecins, c’est le fait qu’ils réclament un vrai dialogue avec le gouvernement, à l’image de ce que demandent les complémentaires santé depuis des années pour repenser la protection sociale complémentaire. Avec les annonces de François Bayrou les médecins saluent globalement un positionnement plus mesuré mais demandent à être entendus eux-aussi.

D’après les réactions émises par l’exécutif ces derniers jours, les craintes et revendications des médecins seraient prises en compte. Le gouvernement travaillerait à apporter des réponses concrètes pour rassurer les professionnels et emporter leur adhésion. Nous sommes donc encore loin d’une solution concertée de long terme.

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