Les négociations entre le patronat et les syndicats concernant le pacte de responsabilité ont abouti ou sont proches d’aboutir sur des accords dans plusieurs branches d’activités importantes. La faiblesse globale des concessions patronales renvoie aux contraintes structurelles qui pèsent sur le dialogue social en France.
Un dialogue social entre gens volontaires et responsables
Dix branches importantes en ont fini avec leurs négociations pour le pacte de responsabilité : les discussions ont pris fin et un texte est signé ou proposé à la signature des syndicats. Il s’agit de la chimie, de la métallurgie, des carrières et construction, du textile, des transports urbains, de la propreté, de la banque, de l’assurance, des bureaux d’études techniques et cabinets d’ingénieurs conseils et enfin du bâtiment.
Certains de ces accords ont déjà été validés car ils ont été signés par des syndicats de salariés qui représentaient plus de 30 % des suffrages des salariés de la branche. C’est le cas par exemple des cinq premiers textes. Dans les autres cas, le recueil des signatures des syndicats de salariés est encore en cours. Les responsables patronaux semblent toutefois confiants sur l’issue des différents processus.
Dans tous les cas, des objectifs apparemment ambitieux en termes d’emplois ont été fixés : 47000 emplois entre 2005 et 2007 dans la chimie, 38000 dans l’assurance, 80000 par an dans le bâtiment. Des efforts particuliers, souvent chiffrés, sont prévus en matière d’embauche de jeunes salariés et de salariés : 46000 contrats d’alternance dans la métallurgie entre 2015 et 2017, atteindre 10 % de seniors parmi les nouveaux embauchés dans la banque. Pour les salariés déjà en poste, l’accent sera mis sur la formation professionnelle et l’égalité hommes/femmes.
Dans l’esprit des partenaires sociaux, ces engagements pris dans des branches numériquement importantes sont censés guider les négociations qui se tiennent dans l’ensemble des professions.
Le constat récurrent d’engagements peu coûteux
Un détour par les récriminations des syndicats d’ors-et-déjà ou probablement non-signataires des accords s’avère toutefois instructif. Que la CGT ou la CGT-FO s’opposent systématiquement aux accords n’étonnera certes personne puisqu’au niveau interprofessionnel, ces deux centrales ont refusé le principe du pacte de responsabilité.
En revanche, il est plus surprenant que, régulièrement, la CFTC ou la CFE-CGC fassent le choix du refus ou menacent de le faire, comme ici dans la chimie ou dans la banque. Puisqu’il est difficile de considérer ces deux syndicats comme étant franchement radicaux ou contestataires, leur attitude mérite quelques éclaircissements. Lorsque l’on s’intéresse aux justifications fournies par les syndicats non-signataires dans les différentes branches, force est de constater qu’elles se ressemblent beaucoup.
Il est régulièrement souligné que les engagements chiffrés en termes d’emplois ne font en réalité que formaliser les rythmes normaux d’embauche dans les branches. Dans ce contexte, les promesses non-chiffrées (formation, égalité professionnelle notamment) sont rétrogradées au statut de simples pétitions de principe. Au total, le déséquilibre est très souvent pointé entre les engagements peu coûteux des employeurs et les sommes qu’ils vont recevoir de l’Etat.
L’organisation structurelle des irresponsabilités
La tournure prise par les négociations sur le pacte de responsabilité illustre parfaitement la manière dont se structure le dialogue social en France. L’Etat réaffirme sans cesse l’autonomie des partenaires sociaux tout en maniant la carotte (subventions diverses) et le bâton (taxes diverses et menace de prise en charge des dossiers) afin d’orienter les discussions dans des directions prévues par avance.
Irrités, les employeurs font preuve de mauvaise volonté et tâchent de reprendre d’une main ce qu’ils doivent donner de l’autre. Certains syndicats de salariés s’offrent le luxe de la contestation systématique et bruyante, escomptant une attitude plus conciliante, et silencieuse, des partenaires fiables du patronat et de l’Etat, coalisés autour de la CFDT.
Dans cette configuration, les petits arrangements entre amis, effectués sans que personne n’en soit à l’origine ni n’en assume les conséquences, tiennent lieu de choix politiques. Contrepartie : ils se traduisent la plupart du temps par des ajustements à la marge des régimes sociaux en place. Ces ajustements ne seront pas suffisants pour régler certains des problèmes actuellement inscrits à l’agenda social, en particulier ceux liés à l’emploi et au chômage, au dialogue social et aux retraites complémentaires. Face à ces défis, les responsables de l’Etat auraient sans doute tout intérêt à mettre fin d’eux-mêmes à l’hypocrisie en assumant pleinement leurs responsabilités dans la prise de décision.