Déconfinement : les syndicats placent leurs pions

Avec le déconfinement, les syndicats de salariés rappellent leurs positions respectives. C’est le cas de la CFE-CGC et de FO qui ont publié des déclarations rappelant leurs convictions et propositions.

L’emploi, premier objectif de la CFE-CGC :

Enjeux liés au déconfinement, problématique exacerbée de l’emploi, nécessaire encadrement du télétravail, mobilisation des militants CFE-CGC sur le terrain : François Hommeril, président confédéral, dresse un premier bilan de la crise.  

Au terme de cette première semaine de déconfinement, quel est votre sentiment général ? 

Au-delà de la symbolique de la date du 11 mai qui avait été annoncée par le président de la République, il faut examiner le déconfinement sous l’angle de l’activité. Les deux mois écoulés ont mis en perspective une extraordinaire diversité des situations. Beaucoup d’activités ne se sont jamais arrêtées, d’autres avaient déjà repris bien avant le 11 mai. C’est le cas de l’usine dans laquelle je suis salarié (ndlr : l’usine chimique Alteo du site de La Bâthie, en Savoie) et où je suis revenu à mon bureau depuis deux mois. Après avoir été arrêté mi-mars, cette PME est repartie depuis le 6 avril. Les mesures barrières sont passées dans les normes et les habitudes : on veille surtout, aujourd’hui, à ce que l’attention de chacun ne faiblisse pas sur les précautions sanitaires. 

Il y a une autre catégorie de personnes pour lesquelles le déconfinement ne change pas grand-chose sur le plan professionnel : ce sont les salariés du tertiaire que leurs employeurs maintiennent en travail à domicile. On ne sort donc pas d’une grande semaine de rupture, ce qui colle d’ailleurs à la volonté du gouvernement que tout ne redevienne pas, d’un coup, « comme avant ». 

Examiner le déconfinement sous l’angle de l’activité, c’est aborder le sujet crucial de l’emploi. Qu’en est-il ?Il est très clair, pour moi, qu’un risque va en déplacer un autre. Le risque sanitaire qui a instantanément et légitimement envahi les esprits en mars va peu à peu se dissiper pour laisser place à un risque économique. Il sera variable selon les secteurs mais global au niveau du pays. Ce risque va monter en puissance avec une rapidité et une violence d’une très grande ampleur. Garder son emploi, en trouver ou en retrouver un va devenir la préoccupation numéro 1. Le gouvernement a pris une décision majeure en finançant le recours massif au chômage partiel. On va désormais vers l’extinction de ces dispositifs. La réalité économique reprend ses droits. L’activité repart mais pas partout. Dans certains secteurs, il manque des commandes, du chiffre d’affaires. Dans l’aéronautique, par exemple, les entreprises commencent à travailler sur des restructurations qui auraient forcément un impact social. Et on pourrait multiplier les exemples. 

Quelles conséquences peut-on anticiper sur les recrutements ? 

Nous savons tous que dans les entreprises confrontées à des difficultés économiques voire financières, la première ligne qui saute est celle des recrutements prévus dans l’année. Il va donc se produire un choc de recrutement : nous étions dans une phase dynamique avant la crise ; nous allons maintenant tomber de Charybde en Scylla. Au passage, s’agissant des grandes sociétés, les premières victimes vont être les cadres et, parmi eux, les jeunes diplômés qui arrivent sur le marché du travail. 

Avec la crise, beaucoup d’employeurs se sont convertis au télétravail, un dispositif dont chacun pressent qu’il va prendre de l’ampleur à l’avenir. Quelle est votre position sur ce sujet ? 

Cette question est bien entendu liée au risque sanitaire, mais aussi aux transports. Pour de nombreuses sociétés, vu leur localisation géographique, la question du transport du salarié pour se rendre à son travail est un sujet majeur. La seule réponse qui a été donnée aujourd’hui est ce qu’on appelle abusivement le télétravail, qui n’est en réalité que la continuation de l’activité à domicile, c’est-à-dire la forme la plus dégradée du télétravail au sens large. Je remarque au passage qu’il y a une certaine « arnaque » quand on entend dire qu’on vient de découvrir que le télétravail n’est pas si mal… Les premières négociations sur le télétravail au niveau européen datent de la fin des années 90. En France, un accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet a été signé en 2005 entre partenaires sociaux. Il y a eu des accords dans beaucoup de branches professionnelles et d’entreprises. Par ailleurs, on n’a pas attendu le Covid-19 pour savoir qu’il est difficile pour la moitié des Franciliens d’effectuer deux heures de transports en commun chaque jour pour se rendre au travail.  

Comment faire pour installer des garde-fous ? 

Il convient d’élaborer des garanties collectives. Les limites doivent être contractualisées. Au-delà, il y a bien sûr la question des moyens techniques, de l’environnement, du fait de disposer d’un endroit chez soi dans lequel personne ne vient interférer. Toutes ces questions sont essentielles. De manière plus diffuse, il peut y avoir aussi des productivités collectives modifiées par le télétravail : je pense aux échanges informels, aux discussions de couloir, à toutes ces interactions qu’on ne quantifie nulle part et qui forment une sorte d’« économie grise », de « productivité grise ». Le télétravail les fait disparaître. Peut-être que ce n’est pas grave. Il faut simplement le quantifier, savoir quelles en sont les conséquences pour ceux qui travaillent à domicile, sur leur façon de travailler, leur avancement, les risques psychosociaux (RPS) qu’ils peuvent prendre. Il y a des RPS en open space – nous les dénonçons assez – mais aussi dans le télétravail.Tout cela demande donc à être examiné et porté à la connaissance des salariés. Les garanties collectives se négocient et constituent un socle central mais les choix individuels doivent rester de la prérogative du salarié dès l’instant qu’ils ne sont pas dans le contrat d’origine. Pour faire un choix éclairé, il faut avoir toutes les informations sur les conséquences des modifications de son contrat travail. 

Dans quelle mesure la période actuelle génère-telle des risques en matière de libertés syndicales, de dialogue social, de droit du travail ? 

Il y a lieu d’être inquiet quand l’exception devient la règle. Nous vivons depuis deux mois sous un régime d’urgence sanitaire qui constitue un état d’exception. À cette occasion, dans le champ collectif du travail, ont été pris tout un tas d’ordonnances, de décrets, de dispositions d’exception sur lesquels certains commencent à dire qu’on pourrait peut-être les maintenir… Que, compte tenu des problèmes économiques exceptionnels qui vont se poser, elles pourraient devenir la règle, le temps que l’incertitude économique soit levée, etc. Pour le coup, cela serait définitivement inacceptable. La norme du travail a déjà été énormément abîmée par les réformes intervenues depuis cinq ou dix ans. Il est notamment de plus en plus difficile d’exercer son mandat syndical. Et je vois bien que certains s’accorderaient sur le fait que ces entorses pourraient devenir la règle. Que fait d’ailleurs la ministre du Travail elle-même quand elle vient dire dans tous les médias qu’on a découvert que le télétravail fonctionnait, sinon essayer de nous faire admettre que ce régime particulièrement dégradé et hors de tout contrôle des garanties collectives pourrait devenir la règle ? 

Quel regard portez-vous sur la mobilisation de la CFE-CGC et de ses structures à l’occasion de cette crise hors norme ?  

Je veux d’abord saluer le travail de l’ensemble des équipes confédérales – salariés et élus – qui se sont mobilisées depuis le premier jour et qui ont travaillé de manière remarquable et remarquée, notamment sur le décryptage des évolutions législatives et réglementaires depuis le début de la crise. Elles ont positionné notre organisation syndicale à un très haut niveau de qualité et d’exigence. En même temps et au même niveau, je veux rendre hommage au travail des militants et des militantes dans les sections syndicales. Tout ce qui nous remonte de leurs actions quotidiennes sur le terrain montre à quel point le choix de la CFE-CGC est le choix le plus exigeant et le plus utile pour les collectifs de travail. Les situations sont très complexes et plus elles le sont, plus il faut, pour bien les gérer, des militants qui savent ce qu’est l’exercice de la responsabilité. Ce qui est le cas de nos équipes en entreprise. 

 

FO rappelle ses revendications d’ordre général :

La Commission exécutive confédérale, réunie ce 19 mai 2020, rappelle ses analyses et revendications générales affirmées dans sa déclaration du 20 avril dernier. 

La Commission exécutive soutient l’action confédérale engagée, à tous les niveaux, en défense des intérêts matériels et moraux des salariés. 

Cette action a été et demeure essentielle face aux défaillances des politiques et moyens mis en œuvre pour protéger la santé des salariés et de la population. 

La Commission exécutive l’exprime encore haut et fort, la santé au travail doit être considérée comme un droit fondamental : on ne peut risquer sa santé et sa vie au profit de l’économie ! 

C’est pourquoi, la Commission exécutive renouvelle son soutien à tous ses syndicats qui agissent et négocient pour s’assurer dans tous les cas que les conditions (moyens de protection, tests et dépistage, organisation du travail) sont réunies pour garantir la sécurité des salariés. 

Comme FO n’a eu de cesse de l’exprimer, l’urgence était et demeure celle de la mise en œuvre des moyens de production, de distribution et de prise en charge systématique des EPI (équipements individuels de protection), en réquisitionnant autant que de besoin ces moyens. 

FO réaffirme que la reprise de l’activité ne peut conduire à une précipitation économique au risque de mettre en cause la capacité à assurer les protections indispensables, dont la disponibilité et le port des protections requises, ainsi que le respect des distances physiques et gestes barrières. 

La CE constate que les conditions de la reprise de l’école amènent à s’interroger quant au sens et à l’efficacité pédagogique, et à son impact sur des enfants en bas âges et soutient l’action des syndicats FO des personnels de l’éducation nationale et des collectivités locales, comme elle n’a de cesse de soutenir les syndicats FO des personnels de la santé et de tous les secteurs mobilisés notamment pour l’approvisionnement de la population. 

Tout en soulignant le rôle essentiel de la protection sociale, en particulier de la Sécurité sociale face à la crise sanitaire, FO considère que les dispositions associées au dépistage ne peuvent mettre en cause la protection des données personnelles, a fortiori en matière de santé protégées par le secret médical et apporte son soutien aux salariés et à l’action des syndicats FO qui défendent la convention collective et les conditions de travail. 

Alors que l’état d’urgence sanitaire vient d’être prorogé, FO conteste le bien-fondé de ce régime d’exception qui conduit à justifier la possibilité de gouverner sans relâche par ordonnances et décrets, en s’affranchissant notamment des consultations obligatoires, à commencer par le respect de l’article L1 du Code du travail donnant la primauté à la négociation collective nationale et interprofessionnelle en matière sociale. FO dénonce ainsi la mise en cause des délais de consultation et des moyens des CSE. 

Aussi la Commission exécutive, sans mésestimer la gravité du risque épidémique, appelle à ce que soit mis fin à ce régime d’exception au regard de son impact sur les libertés fondamentales et individuelles, y compris les libertés syndicales, comme sur le droit du travail. 

Face à la montée du chômage et aux risques, demain, pour l’emploi, FO réaffirme sa détermination à combattre toute velléité de mise en cause des garanties du Code du travail et des conventions collectives et, en particulier, sur le temps de travail et les droits à congés et exige l’abandon des dispositions pouvant être prises sous le régime des ordonnances, permettant de déroger au temps de travail, au temps de repos et au travail dominical. 

La Commission exécutive réaffirme l’urgence à la suspension des procédures de licenciements, au renoncement à la réforme de l’assurance chômage, et appelle à un contrôle strict des procédures de suppressions d’emplois, afin d’empêcher les licenciements, notamment quand une entreprise a bénéficié ou bénéficie d’aides publiques en particulier. 

FO rappelle son exigence que toutes aides de l’État soient soumises à évaluation, conditions, contrôles et sanctions. 

Pour FO l’urgence est à l’arrêt de la distribution des dividendes, bonus et stocks options, et à une fiscalité sur les hauts revenus et la spéculation boursière improductive. 

Pour FO l’urgence est à un réinvestissement d’ensemble dans la Fonction publique et les services publics à l’encontre des contre réformes de ces dernières années. 

Pour FO, l’urgence est à l’augmentation générale des salaires et du Smic, dans le privé comme dans le public, et à la revalorisation des métiers pourtant essentiels mais trop souvent peu considérés. 

La Commission exécutive confirme son attachement à l’indépendance syndicale et à la pratique contractuelle. Elle dénonce la politique du gouvernement qui conduit à faire assumer les politiques publiques en matière économique et sociale aux organisations syndicales au travers de conférences dites sociales, chartes ou pactes sous tutelle de l’État ou de ses représentants et des régions. Elle poursuivra la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs en toute circonstance par la négociation collective interprofessionnelle, de branche et d’entreprise dans le respect de la hiérarchie des normes et du principe de faveur, et par l’action syndicale. 

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