Alors que les ordonnances portant réforme du Code du Travail sont en cours de ratification par le Parlement, certaines branches d’activité semblent très pressées de les appliquer scrupuleusement. Les industries chimiques font partie de ces élèves qui tiennent à se faire remarquer pour leur réactivité. Au risque, inévitablement, de mettre sérieusement en péril le dialogue social de la branche.
L’esprit des ordonnances
Il y a quelques semaines, nous évoquions les tensions qui commençaient à se faire jour dans la chimie à propos des prérogatives futures de la branche. Alors que les partenaires sociaux ne sont pas loin de mettre un terme au vaste chantier de la réécriture de la CCN, trois organisations syndicales de salariés : la CGT, FO et la CFE-CGC – représentant plus de 65 % des salariés – avaient demandé courant octobre à l’UIC, la chambre patronale, d’inclure une clause reconnaissant la primauté des accords de branche dans certains domaines sensibles.
Plus précisément, les représentants des salariés souhaitaient que les employeurs ne pussent pas déroger aux accords de branche relatifs aux primes d’ancienneté et de dimanche et jours fériés travaillés, au maintien de salaire en cas de maladie et au montant des indemnités de départ. Ils jugeaient également nécessaire d’acter le maintien des CHSCT dans les entreprises du secteur. Autrement dit : les trois organisations salariales espéraient une mise à l’écart de la branche de l’application des ordonnances.
Hélas pour elles, l’UIC ne partageait pas tout à fait leur souhait et, lors de la commission paritaire du 26 octobre dernier, elle refusait de discuter de ces revendications syndicales. La CGT, FO et la CFE-CGC ne cachaient pas leur profond agacement. Non seulement les relations sociales commençaient à se détériorer sérieusement mais, plus encore, il y avait peu d’espoir d’amélioration rapide, puisque l’UIC ne pouvait désormais plus compter que sur la CFDT pour discuter sereinement.
L’emballement hivernal
Dans la mesure où une nouvelle réunion paritaire de branche était prévue le 23 novembre dernier, la CGT, FO et la CFE-CGC étaient bien décidées à faire de nouveau valoir leurs requêtes. Concernant les primes diverses, l’UIC n’a pas changé d’avis et a refusé de les rendre impératives. Concernant ensuite le CHSCT, la chambre patronale n’a pas estimé opportun de créer une instance de représentation du personnel qui n’est pas prévue par la loi. En somme : l’UIC n’a pas changé de position par rapport à la fin du mois d’octobre.
Face à cette attitude patronale, les représentants des trois organisations salariales ont fait le choix de quitter la salle de réunion. Dans un communiqué interfédéral, ils se justifient ainsi : “il apparaît inutile de négocier une valeur de point alors que tous les éléments de rémunération qui y sont liés seront dérogeables en entreprise”. Plus explicite, la CGT s’insurge : “A quoi “ça sert” de négocier quelques dixièmes de pourcentage d’augmentation du salaire minimum si, dans le même temps, on laisse l’opportunité et la possibilité aux employeurs de baisser les salaires de 10, 20, voire 35 % ?”
A l’issue de ces belliqueux développements, le ton n’est pas vraiment redescendu. Les représentants salariaux ont convenu de décider, ensemble, d’actions destinées à “informer tous les salariés de la branche” des évolutions légales et conventionnelles résultant des ordonnances Travail, puis de “préparer ainsi la mobilisation nécessaire à la poursuite de l’action et au rapport de force”. A moins que les employeurs ne changent quelque peu de position avant la prochaine réunion paritaire, prévue le 13 décembre prochain, l’hiver promet d’être complexe pour le dialogue social des chimistes.