Crise du syndicalisme : scission à la CFDT

Depuis deux ans, les relations entre la CFDT et son syndicat du commerce francilien ne faisait qu’empirer (voir ici et ici) : fermeture des locaux, des comptes bancaires puis du site internet du SCID, suspension du SCID, interdiction d’usage du logo “CFDT” et enfin procès mutliples. La rupture entre les deux parties vient d’être consommée : lundi, le SCID s’est désaffilié de la CFDT. 

Une opération “mise sous tutelle” tout à fait ratée

Challenges Soir relate le déroulement du congrès extraordinaire du SCID qui s’est tenu lundi 18 janvier 2016 à la Bourse du Travail de Paris. Alexandre Torgomian, le secrétaire général du syndicat, était bien décidé à rompre avec la CFDT. Il a donc soumis au vote des congressistes plusieurs modifications des statuts du SCID, visant à supprimer toute mention à la CFDT. Le résultat de la consultation ne laisse aucune part au doute : la désaffiliation de la confédération a été acceptée à 95,70 % des voix. Autrement dit : à l’unanimité. “Nous avons agi de manière tout à fait démocratique, nous avons redonné la parole à notre base”, nous explique M. Torgomian, qui poursuit : “Nous en avions assez de toutes ces affaires avec la CFDT, il fallait agir !” 

Il faut dire que la CFDT avait récemment décidé de passer à la vitesse supérieure dans ses attaques contre le SCID. En novembre, les dirigeants confédéraux avaient tenté d’empêcher, par voie de justice, la tenue d’un congrès du SCID. En vain. Le syndicat avait alors changé de nom : de “syndicat du commerce inter-départemental”, couvrant l’Île-de-France, il était devenu le syndicat du commerce indépendant et démocratique, s’adressant à toute la France. Afin de mettre fin à cette course à l’indépendance, la CFDT avait intenté une nouvelle action en justice, dans le but de mettre sous tutelle le SCID. Le TGI de Créteil, qui devait statuer… le 18 janvier, s’est finalement déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire au TGI de Paris. Trop tard donc. 

Une rébellion qui pourrait bien se diffuser

Bien qu’il ait pris de court la confédération, Alexandre Torgomian se doute bien qu’elle ne restera pas les bras croisés : “La CFDT pourrait saisir le tribunal pour annuler la désaffiliation.” Le départ du SCID signifie qu’à terme, la centrale de Laurent Berger risque fort de disparaître de certaines grandes entreprises et branches du commerce, comme par exemple celle des grands magasins. Finis les accords sur le travail du dimanche et de nuit ! Face à ces éventuels recours, M. Torgomian se veut toutefois confiant : “J’attends avec impatience qu’ils tentent de nous réintégrer de force, car il faudra qu’ils expliquent pourquoi ils veulent réintégrer de force un syndicat qu’ils dénonçaient comme rebelle il y a quelques semaines. Ce serait ridicule !” 

La CFDT s’engagerait-elle dans un tel bras de fer, dont elle ne sortirait pas forcément grandie, pour quelques entreprises et branches dans lesquelles, moyennant quelques efforts militants, elle pourrait malgré tout espérer maintenir sa présence ? En réalité, les confédéraux craignent également que le départ du SCID ne diminue durablement l’implantation cédétiste dans le commerce. Le responsable du SCID n’a jamais fait mystère de ses ambitions : “Notre changement de nom indiquait bien que nous nous adressons désormais à toute la France. Lors du congrès de lundi dernier, il y avait par exemple des délégués venus de St-Etienne. Nous comptons clairement nous développer dans toutes les villes du pays”. Le Berger ne tiendrait plus son troupeau ? 

Une autre manière de faire du syndicalisme ?

C’est justement avec cette conception hiérarchisée des organisations syndicales qu’Alexandre Torgomian entend rompre. “S’ils ne veulent pas disparaître, les syndicats doivent changer. Il faut faire du syndicalisme par le bas, avec les militants, la base. Le syndicalisme, c’est du militantisme qui doit être fait en entreprise ou au niveau local, au plus proche des salariés” assure-t-il, avant de tonner : “Les dirigeants confédéraux agissent en permanence comme si les syndicats leur appartenaient. Mais c’est faux, c’est l’inverse. Ils sont tout à fait coupés des réalités”. Le turbulent responsable du SCID en profite pour assurer que sa vision des choses est partagée par un certain nombre d’UL et d’UD de la CFDT, “qui n’osent évidemment pas l’assumer publiquement”.  

Etant donné sa défiance à l’égard des oligarques condéféraux, M. Torgomian et les militants du SCID ont choisi de ne plus être affiliés à une confédération. “Nous n’avons pas besoin de ça pour agir sur ce qui compte vraiment pour les salariés : le travail du dimanche et de nuit, le temps partiel imposé, les entorses au droit du travail, la réforme du code du travail, les mauvaises conditions de travail, etc.” Le SCID souhaiterait-il donc que se multiplient les initiatives du type Clic-P ? “Faire un Clic-M à Marseille, un Clic-L à Lyon… pourquoi pas ? Le travail intersyndical peut être une bonne solution, à condition de savoir s’entendre, de faire preuve d’intelligence commune”. La proposition est sur la table, reste à savoir si certains syndicats s’en saisiront.  

En attendant, les confédéraux de la CFDT vont devoir faire preuve d’habileté dans leur gestion future du dossier SCID. Tenter de réprimer sévèrement les rebelles constituerait un signal déplorable envoyé aux militants et aux salariés, mais ne rien faire pourrait être interprété comme un aveu de faiblesse et un encouragement à la désobéissance. Au sein des autres directions confédérales, nombreux sont sans doute ceux qui s’amusent des difficultés traversées par la CFDT. La perspective de la multiplication éventuelle des structures intersyndicales légères comme le Clic-P devrait pourtant les faire réfléchir. Pour les confédéraux, ce type d’actions syndicales est effectivement particulièrement incontrôlable.  

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