Crise du syndicalisme : le mauvais départ de la CFTC en matière de représentativité

Le 52ème congrès confédéral de la CFTC, qui s’est tenu à Vichy du mercredi 18 novembre au vendredi 20 novembre, a permis le renouvellement de l’équipe dirigeante de l’organisation. Alors que sa principale tâche sera d’assurer la représentativité de la CFTC, sa composition laisse penser qu’il lui reste bien du travail à accomplir afin d’atteindre cet objectif. 

Un président (trop) bien entouré

Philippe Louis, président de la CFTC depuis 2011, a été réélu sans difficuté à son poste à l’occasion du 52ème congrès. L’issue du vote des militants ne laissait guère la place au doute puisqu’il était le seul candidat à se présenter. Cheminot et Alsacien d’origine, Philippe Louis a fait son entrée au bureau confédéral en 2002, en tant que trésorier. Après avoir occupé ce poste jusqu’en 2008, il avait failli être éjecté du bureau lors du congrès de Strasbourg. Tacticien habile, il avait réussi à sauver sa peau et même, quelques mois plus tard, à prendre la place de Jean-Louis Deroussen en tant secrétaire général confédéral. Avec la présidence en ligne de mire à l’horizon 2011. Les conditions de sa réélection indiquent que, depuis 2011, il tient bien l’appareil. 

Cette autorité lui sera sans aucun doute d’un grand secours afin de maîtriser son nouveau bureau confédéral. Bernard Sagez, nouveau secrétaire général, va tenter de montrer qu’il est capable de succéder à Philippe Louis. Si Pascale Coton, ancienne secrétaire générale désormais vice-présidente, devrait avoir du mal à participer pleinement aux luttes de pouvoir, on ne peut pas en dire autant des deux Joseph : Joseph Crespo, l’ancien ennemi juré de Philippe Louis et Joseph Thouvenel, remuant vice-président arrivé en tête du vote des congressistes pour l’élection du nouveau conseil confédéral. Patrick Ertz, à la tête de la puissante fédération CSFV, devrait enfin essayer de profiter de sa vice-présidence pour donner une meilleure visibilité à sa fédération. 

Le féminisme à l’assaut de la CFTC

L’entourage proche de Philippe Louis est à l’image des responsables nationaux de la CFTC : pas franchement féminin. Certaines congressistes n’ont pas vraiment apprécié le peu de place qui est fait aux femmes dans les structures du syndicat chrétien. Comme cela a été rapporté ailleurs dans la presse (ici ou ici), à l’annonce des résultats de l’élection pour le conseil confédéral, près de 200 congressistes femmes ont quitté la salle et envahi le hall du palais des congrès de Vichy afin d’y crier : “Parité ! Parité !” et d’y entonner la Marseillaise. Elles sont ensuite revenues dans la salle et ont envahi l’estrade où se trouvait Philippe Louis. Ce dernier a dû faire preuve de diplomatie afin de calmer les troupes et d’obtenir que les choses reprennent un cours plus normal. 

Dans le détail, l’insurrection du groupe des 200 était due au fait qu’alors que le nouveau conseil confédéral ne compte que 10 femmes sur 50 membres et que le nouveau bureau confédéral n’en compte pour sa part que 3 pour 14 membres. Des proportions qui n’ont rien à voir avec celle des femmes parmi les adhérents de la CFTC et qui, surtout, ne manquent pas d’étonner dans la mesure où les listes de candidatures pour le conseil confédéral respectaient bien la règle de la parité. Il faut croire que, parmi les congressistes, la cause féministe ne séduit guère… Un dirigeant de la CFTC relativise, certes, le trouble interne : “Un peu de vie et de revendication dans un congrès syndical, c’est signe de vitalité”. Un peu donc, mais point trop n’en faut tout de même ! 

La difficile bataille de la représentativité

Durant son prochain mandat, Philippe Louis et son équipe devront notamment préparer et mener la bataille des élections professionnelles de 2017, afin que la CFTC y réalise un score supérieur à 8 % – seuil de la représentativité nationale interprofessionnelle. “Nous devons mettre l’accent sur les TPE, où nous avons fait un mauvais résultat en 2013”, estime un dirigeant du mouvement. Si ce dernier est confiant pour 2017, il explique toutefois que la nouvelle équipe tentera d’obtenir un changement de la loi relative à la représentativité des organisations syndicales. La CFTC estime en effet anormal que sa mesure prenne en compte les résultats des élections qui ont lieu dans des entreprises comme la SNCF ou la RATP, dans la mesure ou les ANI ne s’appliquent pas à elles. 

L’attitude relativement confiante de la direction confédérale ne saurait toutefois masquer les obstacles qui se dressent sur son chemin. Les plus importants d’entre eux sont d’ailleurs à chercher du côté de la direction de la CFTC elle-même. Comment peut-elle viser la représentativité alors même qu’elle ne réussit à intégrer les femmes que dans une proportion très limitée ? Mener le combat de la représentativité suppose de s’ouvrir à toutes les composantes du monde du travail. A sa décharge, Philippe Louis a, du moins, réussi à rassembler les principales composantes professionnelles de son organisation. De ce côté-là, tout n’est pourtant pas non plus parfait. En recourant à de fortes personnalités, le président de la CFTC court le risque que les ambitions des uns et autres finissent par paralyser l’action du collectif et par faire perdre de vue l’échéance de 2017. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
avocats Kerialis
Lire plus

L’Autorité de la concurrence recommande la création d’un nouvel office d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation

L’Autorité de la concurrence a publié le 16 avril 2025 son cinquième avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour la période 2025-2027. Cet avis concerne directement les professions regroupées dans la convention collective nationale des avocats au Conseil d’État et à la...
organismes de formation
Lire plus

Soutien à l’emploi : la Dares note une baisse des dispositifs de solidarité

La Dares, direction statistique du ministère du Travail, a publié son dernier rapport sur les dépenses publiques en faveur de l’emploi et du marché du travail. Un chiffre domine : 190,1 milliards d’euros consacrés à ces politiques en 2023. Une enveloppe importante, équivalente à 6,7 % du PIB. Mais si le budget semble stable à première vue, l’analyse...

La Cipav nomme un administrateur provisoire jusqu’à fin 2025

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, nomme Laurent Caussat administrateur provisoire de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (Cipav) jusqu’au 31 décembre 2025. Cette nomination fait suite à la décision du tribunal judiciaire de Paris, en date du 9 janvier 2025, qui a annulé les élections du conseil d’administration de la Cipav organisées entre le 9 et le 24 mai 2024. En l’absence de conseil...

Diot-Siaci enregistre une croissance de 14 % en 2024

Le Groupe Diot-Siaci atteint un chiffre d’affaires brut de 1,03 milliard d’euros en 2024, en hausse de 14 % par rapport à 2023. Hors acquisitions récentes, la progression repose sur une croissance organique soutenue. L’activité réalisée hors de France progresse de 24 % et représente désormais près de...

Abeille Assurances publie des résultats 2024 en nette progression

Abeille Assurances réalise en 2024 un chiffre d’affaires consolidé de 6,9 milliards d’euros, en progression de 4,2 % par rapport à 2023. Le résultat net atteint 79 millions d’euros, contre 53 millions un an plus tôt, soit une hausse de 49 %. Les fonds propres s’élèvent à 2,2 milliards d’euros, tandis que les ratios de solvabilité atteignent 137 % pour l’activité IARD & Santé et 216 % pour Abeille Vie​. ...