Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Lors de la première période d’état d’urgence sanitaire, plusieurs ordonnances et lois avaient été prises sur des sujets aussi variés que les congés payés, les contrats de travail à durée déterminée ou encore le prêt de main d’oeuvre. Pour la plupart, ces dispositions devaient prendre fin au 31 décembre 2020. Sur la base de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 l’y autorisant, le Gouvernement a décidé de prolonger ces mesures à travers l’ordonnance n°2020-1597 du 16 décembre 2020.
Congés payés, RTT, CDD, Intérim et prêt de main d’oeuvre : ce sont donc plusieurs sujets qui sont traités dans cette ordonnance. Voici à travers quelques lignes un décryptage de son premier volet, à savoir celui prolongeant les possibilités de déroger temporairement à certaines dispositions du Code du travail et des accords collectifs applicables relatives aux congés payés et aux RTT.
Rappel des dispositions dérogatoires prises en mars 2020
- En matière de congés payés, l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 avait prévu, pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19, qu’un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche, puisse autoriser l’employeur :
– à imposer aux salariés la prise de congés payés, ceci jusqu’au 31 décembre 2020, et dans la limite de 6 jours, après avoir respecté un délai de prévenance d’au moins 1 jour franc (contre 1 mois en principe). Cette disposition visait les congés acquis et les congés en cours d’acquisition ;
– à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés dans la limite de 6 jours. A noter que la loi autorise déjà l’employeur à modifier les dates de congés des salariés en cas de circonstances exceptionnelles sans avoir à respecter le délai de prévenance d’1 mois (article L.3141-16 du Code du travail) ;
– à imposer le fractionnement des CP sans l’accord du salarié ;
– à fixer les dates de congés sans tenir compte du droit aux congés simultané des conjoints ou pacsés salariés de la même entreprise.
En ce qui concerne les jours de RTT, l’ordonnance avait prévu la possibilité pour l’employeur de déroger de manière unilatérale aux dispositions conventionnelles applicables (d’entreprise ou de branche) lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie au regard des difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19.
L’ordonnance lui permettait ainsi :
– d’imposer la date de prise de jours RTT et des jours de repos conventionnels acquis prévus dans le cadre d’un aménagement du temps de travail au-delà de la semaine, qui relèvent en principe du choix du salarié, et d’en modifier les dates ;
– d’imposer et modifier les dates de prises de jours de repos acquis prévus par une convention de forfait annuel ;
– d’imposer la prise de jours de repos placés sur un CET.
Plusieurs conditions et limites étaient toutefois fixées : la nécessité pour l’employeur de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc, une possibilité limitée à 10 jours tous jours de repos (imposés ou modifiés) confondus et une période de prise des jours de repos imposée ou modifiée ne pouvant aller au-delà du 31 décembre 2020.
L’employeur qui use de ces facultés en informe le comité social et économique (CSE) sans délai et par tout moyen. L’avis du comité est rendu dans le délai d’un mois à compter de cette information. Il peut intervenir après que l’employeur a fait usage de cette faculté.
Une prolongation de ces dispositions prévue par l’ordonnance du 16 décembre 2020
- En ce qui concerne les congés payés
L’article 1er de l’ordonnance du 16 décembre 2020 vient modifier l’ordonnance du 25 mars 2020 en prolongeant jusqu’au 30 juin 2021 la période au cours de laquelle l’employeur peut, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins 1 jour franc, imposer ou modifier unilatéralement des jours de congés.
Cette prorogation vise l’ensemble des possibilités qui avaient été prévues par l’ordonnance de mars 2020 : période de congés payés imposée ou modifiée, possibilité d’imposer le fractionnement des CP, y compris aux salariés conjoints qui travaillent dans la même entreprise.
- Quels sont les congés concernés par la prolongation ?
Ce sont d’une part tous les CP 2019/2020 acquis au 31 mai 2020 et à prendre avant le 31 mai 2021. Et d’autre part, une partie des CP 2020/2021 qui seront en principe acquis au 31 mai 2021 et à prendre avant le 31 mai 2022 : ils pourront être imposés ou modifiés par anticipation pendant la période d’acquisition (c’est-à-dire avant le 31/05/21).
Il est important de souligner que cette possibilité reste limitée à 6 jours ouvrables. Elle reste aussi, et fort heureusement, conditionnée à la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche.
Une question se pose quant à la possibilité pour l’employeur qui aurait déjà conclu un accord collectif sur la base de la 1ère ordonnance de conclure un nouvel accord collectif sur le fondement de cette 2è ordonnance. Selon nous, cela n’est pas possible ! Mais le risque qu’un employeur interprète différemment n’est pas totalement exclu…
- En ce qui concerne les jours de RTT
L’ordonnance du 16 décembre 2020 vient également proroger jusqu’au 30 juin 2021 :
- la période de prise les jours de repos imposés ou modifiés acquis au titre d’un dispositif RTT ou d’un aménagement du temps de travail au-delà de la semaine, dans la limite de 10 jours ;
- la période de prise de jours de repos imposés ou modifiés prévus par une convention de forfait, dans la limite de 10 jours ;
- la période de prise de jours de repos imposés affectés sur un CET, dans la limite de 10 jours.
Ces possibilités restent soumises à un délai de prévenance par l’employeur d’au moins 1 jour franc.
Là aussi, la question se pose de savoir si l’employeur qui aurait déjà usé de cette possibilité pourra à nouveau y recourir sur le fondement de cette nouvelle ordonnance. Compte tenu de la rédaction de l’ordonnance, il nous semble que cette possibilité ne puisse être envisagée.
En effet, le texte ne faisant aucune mention à une quelconque période de référence, il semble qu’un employeur qui aurait déjà imposé ou modifié des dates de repos ne serait plus en mesure de le faire. Selon nous, la prolongation de la durée d’application ne devrait avoir vocation à s’appliquer qu’aux employeurs qui n’ont encore jamais usé de cette faculté ou ceux qui ne l’ont pas utilisé dans son intégralité.