Coronavirus : la fiction d’un État-Providence insubmersible ne tiendra pas longtemps

Emmanuel Macron a vanté hier soir les mérites de l’État-Providence à la française comme meilleur rempart contre le coronavirus. Les semaines à venir devraient montrer combien cette doctrine très ancrée dans l’esprit des élites repose sur du sable et ne tient pas la distance…

 

L’État-Providence serait, Emmanuel Macron l’a dit lors de sa trop longue intervention télévisée de jeudi soir, une chance, une invention géniale, un rempart imbattable face au coronavirus. Cette façon de se rassurer sur le modèle étatiste de protection sociale montre une fois de plus comment les élites qui dominent le pays ont une vision obsolète et bien imprudente de la société. 

L’État-Providence, cette vision obsolète de la protection sociale

Comme il est d’usage dans la technostructure française, Emmanuel Macron a procédé à une « reductio ad socialem securitatem », à une « réduction à la sécurité sociale » de la notion de protection sociale. Comme si entre le sécurité sociale et la protection sociale, il y avait synonymie parfaite. Autrement dit, tout système de protection sociale est un système d’État-Providence où l’État joue le rôle d’assureur social. 

Cette synonymie montre comment les élites françaises n’ont pas vu le monde extérieur, celui dont elles vantent tant les mérites et à l’ouverture duquel elles appellent incessamment, changer. Car il existe partout dans le monde des dizaines de système de sécurité sociale au moins aussi efficaces, souvent plus efficaces, que la sécurité sociale française, et qui relèvent du secteur privé. 

C’est notamment le cas en Allemagne où les réformes adoptées dans les années 90, qui mettent en concurrence les caisses primaires d’assurance-maladie, produisent d’excellents résultats en rendant la santé moins chère et en améliorant l’espérance de vie en bonne santé

Mais, pour le savoir, il faut sortir de la posture facile des donneurs de leçon franco-centrés qui font un éloge purement déclamatoire de l’ouverture au monde. Il faut savoir regarder celui-ci avec modestie et avec un souci de retirer le meilleur de l’expérience des autres. 

L’État-Providence, ce colosse aux pieds d’argile

Mais ce qui gêne le plus dans cet éloge de l’État-Providence, c’est l’oblitération délibérée, et malicieuse, de son coût et de la fragilité à venir de son financement. Car la santé n’est pas « gratuite », comme l’a prétendu Emmanuel Macron. Elle coûte, en France, environ 9% du PIB, et ces sommes proviennent de l’impôt et des contributions obligatoires qui pèsent sur les salariés et les entreprises. 

Comme le nom d’État-Providence l’indique, ce dispositif est étatisé, même s’il s’agit d’une forme particulière d’étatisation, structurée entre des caisses qui financent et des hôpitaux majoritairement publics qui dépensent. Tout ceci repose sur des prélèvements obligatoires d’un montant plus élevé (et certainement pas « gratuits ») que dans beaucoup d’autres pays. 

Or l’effondrement boursier que la guerre du pétrole a déclenché en même temps que la pandémie du coronavirus, et dont les effets seront durcis par celle-ci, posera rapidement un vrai problème de financement de notre système de santé. Rapidement, le Président de la République et l’ensemble de la société française devront arbitrer entre le financement de la « santé gratuite » au prix d’une pression fiscale étouffante, et la survie de notre activité économique par l’allègement des prélèvements destinés à financer l’État-Providence. 

Protéger ou préserver l’activité, il faudra choisir

Pour formuler le débat de façon plus synthétique, la profonde dépression économique qui s’annonce ne permettra pas d’augmenter la pression fiscale massivement pour préserver le pacte social. Il faudra choisir : sommes-nous prêts à éreinter les plus vaillants d’entre nous à coups d’impôts, de taxes, de prélèvements en tous sens, pour préserver le même niveau de protection qu’avant la Grande Crise qui commence ? Ou bien voulons-nous rester un pays qui se développe et acceptons-nous de limiter le coût de la solidarité pour laisser respirer ceux qui travaillent encore, en demandant aux plus démunis de consentir à un effort difficile ? 

Le Président a beau dire qu’il financera la solidarité coûte-que-coûte, ce ne sont que des mots. Avant cette crise, les prélèvements obligatoires étaient déjà très élevés en France. La traversée de cette crise sans ajuster le niveau de protection à la baisse transformera ce pays en un enfer fiscal à fuir par tous les moyens. 

La grande faute à Macron : ne pas avoir réduit les dépenses publiques

Ce dilemme ne mettra que quelques mois à éclore et à saturer le débat public français, le temps de préparer, en budget 2021, une augmentation massive d’impôts pour limiter l’explosion des déficits et de la dette. Alors que tous nos partenaires européens ont profité de l’après-crise 2008 pour réduire (parfois imparfaitement) leurs dépenses publiques, la France a eu la paresse de mettre au pas ses fonctionnaires en leur imposant une réduction de leur extravagant train de vie. Nous n’avons pas manqué de gauchistes écervelés pour défendre, justifier, légitimer par toutes voies et moyens, cet immobilisme complaisant. 

Le résultat sera terrible. Toutes ces années perdues pèseront lourd dans la balance à venir de l’appel aux marchés pour nous financer et nous comprendrons mieux la fable de La Fontaine : nous avons chanté durant la décennie hollando-macronienne. Nous pouvons danser maintenant. 

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