Congrès de la Fédération CGT des Services publics : le discours de Baptiste Talbot, secrétaire général

Retrouvez en intégralité le discours introductif prononcé le 23 novembre 2015, lors du congrès de la Fédération des services publics CGT, par son secrétaire général Baptiste Talbot.

 

11ème congrès de la Fédération CGT des Services publics 

Poitiers, 23 novembre 2015  

Rapport introductif au débat général 

Baptiste Talbot 

 

 

« La lutte des classes, ça s’apprend ». 

Mes cher-e-s camarades, 

Cette belle formule a été choisie par Henri Krasucki pour intituler un article paru dans la Vie ouvrière en 1969. 

Elle me semble constituer une bonne entame pour ce rapport introductif à nos travaux. 

« La lutte des classes, ça s’apprend », donc. 

Beaucoup de choses sont ainsi dites en quelques mots, des mots qui nous parlent encore près d’un demi-siècle plus tard. 

Une belle formule qui vient utilement résumer ce pour quoi nous sommes la CGT. 

Si le sentiment d’être exploité, celui d’appartenance au camp des opprimés peuvent se manifester de manière assez immédiate, il en va tout autrement quand il s’agit d’agir efficacement et pour cela de s’organiser. 

C’est le rôle fondamental de notre organisation : à partir d’une analyse de classe de la société capitaliste, permettre aux travailleurs de s’organiser pour combattre l’exploitation, défendre leurs intérêts immédiats et agir pour transformer la société. 

Notre syndicalisme CGT aurait tout à gagner à ce que ces éléments soient remis au centre de nos réflexions et pratiques syndicales. 

Ces fondamentaux étant rappelés, je peux vous souhaiter de bons travaux et saluer chaleureusement, en notre nom à tous, celles et ceux qui ont contribué à l’organisation de ce congrès : nos camarades du syndicat des Territoriaux de Poitiers, de la CSD et de l’UD de la Vienne, de la CFR Poitou-Charentes, l’équipe technique de la Fédération et les camarades de la direction fédérale. Ils méritent nos applaudissements. 

 

Au nom du congrès, je salue l’ensemble de nos invités, représentants de la direction confédérale et d’organisations de la CGT, nos camarades de la CGT Martinique, de la CGT Mayotte, de la CGT Réunion, nos invités internationaux, ceux d’autres organisations syndicales, nos partenaires. 

Il est de coutume de souligner qu’un congrès d’une organisation de la CGT s’ouvre dans un contexte lourd d’enjeux complexes et contradictoires. C’est effectivement toujours le cas mais je crois pouvoir dire que c’est davantage le cas aujourd’hui. Ecrivant ces mots avant la tragédie du 13 novembre, je n’imaginais pas à quel point ils feraient écho à la douloureuse actualité que nous vivons. 

La situation internationale s’est fortement dégradée depuis notre dernier congrès. Fruits du grand désordre capitaliste, les tensions s’aiguisent et les conflits se développent. Les principales victimes en sont les populations, frappées dans leur chair, soumises à l’oppression, poussées à l’exode. Comme elle l’a fait tout au long de son histoire, la CGT est aux côtés de ceux qui souffrent, de ceux qui luttent. 

Nous sommes aux côtés des Palestiniens et des Kurdes qui combattent pour leur indépendance. Nous sommes aux côtés des militants syndicaux qui partout dans le monde luttent pour la justice sociale, et qui pour certains mènent le combat syndical au prix de leur liberté voire de leur vie. Nous sommes aux côtés des travailleurs et des peuples d’Europe qui se battent contre les politiques d’austérité, pour la démocratie et les droits sociaux, notamment en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Grande-Bretagne, en Belgique. Nous sommes aux côtés des réfugiés qui fuient la guerre, l’oppression, la misère. Pour la CGT, la seule frontière qui compte, c’est la frontière de classe, celle qui nous sépare de nos exploiteurs. 

Nous sommes heureux de compter parmi nous au congrès une délégation internationale composée de plusieurs camarades de nos organisations sœurs : nos camarades tunisiens de l’UGTT, portugais du STAL, belges de la CGSP ; nos camarades de l’Internationale des Services publics et de la Fédération Syndicale Européenne des Services publics. Nous saluons leur présence, qui marque le caractère internationaliste de notre syndicalisme. 

La barbarie capitaliste enfante la violence, elle engendre l’obscurantisme, le fanatisme religieux comme horizon politique. Après les attentats de janvier, ce sont des centaines d’entre nous, morts ou blessés, qui sont tombés sous les balles de fanatiques le 13 novembre. Avec toute la CGT, la Fédération est aux côtés des victimes et de leurs proches. Parmi les tués se trouvent notre camarade Patricia San Martin, secrétaire générale du syndicat des Territoriaux de Sevran, et sa fille Elsa. 

Patricia luttait pour un monde plus juste, pour un monde de paix, de fraternité, de justice, un monde débarrassé de l’oppression, de la haine de l’autre et de la xénophobie. Dans cette épreuve, sachons refuser les amalgames, les récupérations, les entreprises de division. Portons haut et fort, comme le faisait Patricia, les valeurs de rassemblement, de liberté, d’égalité, de fraternité, de démocratie et de justice sociale, les valeurs qui sont celles de notre République et du Conseil national de la Résistance. 

Alors que le gouvernement a décrété l’état d’urgence pour des raisons de sécurité, la CGT a réaffirmé son attachement aux libertés individuelles et collectives et déclaré qu’ «Au-delà de ces heures d’émotion et de recueillement, d’autres mesures, tant au niveau national qu’international, seront à mettre en œuvre rapidement pour retrouver ces valeurs de la République et conquérir une paix durable partout dans le monde. ». 

Le Comité confédéral national réuni le 17 novembre a souligné que l’état d’urgence ne pouvait constituer un obstacle aux mobilisations sociales et à l’affirmation des revendications. Le CCN a aussi souligné le rôle une nouvelle fois exemplaire et irremplaçable de services publics dans cette crise. Il a enfin exigé que la France cesse le commerce des armes avec les pétromonarchies qui entretiennent des liens avec les groupes jihadistes. 

Les semaines précédant l’horreur du 13 novembre ont été agitées par un débat politico-médiatique sur la violence dans les conflits sociaux. Il est nécessaire de rappeler quelle en est la véritable nature. 

La violence sociale, c’est d’abord la violence patronale. C’est la pauvreté engendrée par les politiques d’austérité. Ce sont les millions de chômeurs victimes de la course effrénée au profit. Ce sont les dizaines de milliers de drames engendrés par les plans de suppressions d’emploi, des familles déchirées, des salariés mettant fin à leur jour. La violence nous pouvons en parler car c’est nous qui la subissons. 

A ceux qui s’offusquent de quelques chemises déchirées, nous disons que nous sommes pleinement solidaires des salariés d’Air France, et que nous nous battrons pour les cinq inculpés du 5 octobre. Cette bataille contre la répression antisyndicale est la nôtre parce que ce sont nos droits d’expression qui sont en cause. Nous serons mobilisés le 2 décembre pour soutenir nos camarades, défendre nos libertés syndicales et porter nos revendications ! 

A ceux qui se sont empressés de tirer à boulets rouges sur des salariés en lutte en agitant le spectre de le violence, nous devons rafraîchir la mémoire. Nous devons rappeler à Valls que son modèle politique, George Clémenceau, fit à plusieurs reprises tirer sur des grévistes et porte la responsabilité de la mort de plusieurs d’entre eux. Nous devons rappeler à Sarkozy les morts du métro Charonne, tous syndiqués à la CGT, massacrés par les policiers aux ordres de Papon et De Gaulle. Nous devons rappeler à Hollande les mineurs grévistes de 1948 mitraillés sur ordre du ministre socialiste de l’Intérieur de l’époque. Nous pourrions leur rappeler bien d’autres faits tant est longue la liste de nos martyrs. 

 

S’il est un constat que nous pouvons partager avec le camp d’en face, c’est qu’effectivement la situation se tend. N’en pouvant plus de subir, un nombre croissant de salariés se radicalise, cherche à modifier le rapport de force face au pouvoir en place. Cette radicalisation est compréhensible et elle constitue une bonne nouvelle, à la condition que nous œuvrions à lui donner son nécessaire caractère de masse. 

Le rôle de l’organisation syndicale CGT, c’est d’organiser ceux qui luttent, de travailler à élever le niveau de conscience, de rassembler pour construire des actions de masse. Oui, la lutte paye, si elle est déterminée, massive, construite démocratiquement. 

C’est ce à quoi nous continuons de nous employer. La tâche est rude, elle le sera encore à l’avenir. Nous sommes de toute évidence entrés dans une phase cruciale. Face à nous, les forces de l’argent, avec leurs supplétifs politiques et médiatiques, veulent en découdre, liquider les conquêtes issues des luttes politiques et syndicales, de la mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance. 

Cette offensive antisociale a franchi un cap. La démocratie, dans ses différentes dimensions, est violemment remise en cause par le capital. Ce dernier est décidé à mettre ainsi en pièces les outils de résistance à son entreprise de destruction de nos conquêtes. Ce qui est en cause, c’est notre capacité d’agir et décider, capacité acquise au long de l’histoire par les peuples, sur le terrain politique et sur celui de la lutte sociale et du syndicalisme. 

Voilà le sens des multiples attaques contre la démocratie sociale, contre les moyens d’intervention des élus du personnel dans les entreprises et administrations. Voilà le sens véritable de la réforme territoriale, de la mise à mal de la démocratie de proximité. 

Au long de l’histoire de la République, notre démocratie s’est approfondie quand elle s’est mise à la portée des citoyens. Parmi d’autres étapes décisives, l’Acte I de la décentralisation a permis un fort développement de la démocratie de proximité. La Fonction publique territoriale, avec ses garanties statutaires, en est un pilier indispensable. 

Le capital s’en prend à cette conquête populaire qu’est la démocratie au profit d’organes de gouvernance technocratique échappant à tout réel contrôle citoyen. Les nouvelles métropoles en sont l’exemple le plus caricatural. Quand on affaiblit le tissu communal, on affaiblit la démocratie. Quand on s’attaque au Statut de la Fonction publique comme le fait Macron, on s’attaque à la démocratie. Quand on étrangle financièrement les services publics de proximité, on étrangle la démocratie. Quand on veut amputer les moyens du CNFPT pour la formation professionnelle et donc la qualité du service public territorial, on ampute la démocratie. Quand on s’en prend aux départements créés par la Révolution de 1789, on s’en prend à la démocratie. 

 

Cette offensive trouve sa forme ultime dans la montée de l’extrême droite. Officiellement hostile au Front national, le patronat est prêt à tous les accommodements, à toutes les collaborations, telles qu’il les a pratiquées sous l’Occupation. Il ne s’agit pas là seulement d’une attitude opportuniste visant à prendre en compte le rapport de force politique. En juillet dernier, l’ancien dirigeant du Medef Charles Beigbeder a déclaré à propos de l’échéance présidentielle de 2017 : « Je n’hésiterais pas une seconde et n’aurais aucun état d’âme à soutenir le FN ». 

Il aurait effectivement toute les raisons de la faire puisque tant le programme du FN que sa stratégie politique et ses pratiques sont parfaitement compatibles avec les intérêts du patronat et des possédants : remise en cause de la réduction du temps de travail, du Code du Travail, de l’impôt sur la fortune ; instauration d’une règle d’or visant à interdire tout déficit budgétaire ; baisse des dépenses publiques ; instauration d’une « grande réforme des syndicats » visant à ce qu’ils soient « plus à même d’entrer dans des logiques de concertation constructives et moins tentés de recourir à un rapport de forces (grève, manifestation) pour pallier leur manque de légitimité »… On pourrait continuer la liste encore longtemps. 

Le patronat n’a donc rien à craindre du Front national. C’est d’autant plus vrai que la stratégie du bouc émissaire qui désigne l’étranger comme le responsable de tous les maux a le grand avantage de détourner les regards des véritables responsables de la situation actuelle, à savoir les détenteurs du capital, les spéculateurs, le grand patronat, les rentiers. Il faut ajouter au tableau qu’une grande partie des dirigeants du FN, au premier rang desquels la famille millionnaire des Le Pen, appartient socialement à la bourgeoisie. L’extrême droite se prétend anti-système. Elle en est pourtant le fidèle chien de garde. Ses dirigeants n’ont pas pour objectif d’abattre le système mais bien d’en prendre les commandes. 

Ce qu’est réellement l’extrême droite, agents et usagers des villes gérées par le FN et la Ligue du Sud le savent. Dans la vie quotidienne, la gestion d’extrême droite, c’est plus d’austérité, moins de moyens pour le service public, plus de précarité, des recrutements partisans, des attaques contre les 35 heures, contre les syndicats et en particulier la CGT. Au nom du congrès, je veux redire à nos camarades des villes gérées par l’extrême droite que nous sommes à leurs côtés pour mener le combat syndical. 

Je veux aussi dire au secrétaire général des territoriaux CGT d’Hénin-Beaumont que ses récentes déclarations dans la presse relèvent du champ idéologique de l’extrême droite. Nous tirerons collectivement toutes les conséquences de ses propos inacceptables. Nous le réaffirmons solennellement : il n’y pas de place dans la CGT pour les thèses de l’extrême droite et ceux qui les colportent ! Comme l’a écrit Ferdinand Lassalle à Karl Marx en 1852, Il est des situations où une organisation « se renforce en s’épurant » 

 

Alors que le FN semble en situation de l’emporter dans plusieurs conseils régionaux, nous devons faire connaître à nos collègues territoriaux appelés aux urnes les déclarations de Marine Le Pen selon laquelle « il faut limiter la fonction publique territoriale parce qu’il ne m’apparaît pas qu’elle serve à la population ». Nous devons leur dire qu’en 2013 la même Marine Le Pen s’est opposée à la suppression du jour de carence dans la Fonction publique, que Marion Maréchal Le Pen reprend le principe sarkozyste du non remplacement de fonctionnaires partant en retraite dans son programme pour les régionales. Nous devons mener le débat pour démontrer l’imposture sociale frontiste. 

Il nous faut aussi assumer sans complexe la part de l’étranger dans la construction de notre pays et de son modèle social, l’apport quotidien des travailleurs immigrés pour l’économie et la protection sociale. Beaucoup d’entre nous portent des noms venus d’ailleurs, c’est une richesse. Nous en sommes fiers et nous le revendiquons face aux partisans de la division des travailleurs, du repli nationaliste, d’une France renfermée et moisie ! 

La résistance à la montée de l’extrême droite passe aussi par la réponse aux attentes sociales sur l’emploi, les salaires, les services publics, les conditions de travail, la retraite et la protection sociale. Autant de sujets sur lesquels Hollande et sa majorité s’efforcent depuis plus de trois ans de continuer l’entreprise de démantèlement menée par les majorités de droite précédentes. 

La Fonction publique est dans le collimateur. La valeur du point d’indice est gelée depuis plus de cinq ans, situation inédite dans l’histoire. Le gouvernement socialiste est à lui seul responsable de plus de trois ans de gel. 

Cela dit, nous avons maintenant l’assurance que des négociations sur la revalorisation de la valeur du point auront lieu en février 2016. 

Courant septembre, la ministre Lebranchu affirmait pourtant que s’il n’y avait pas d’accord majoritaire sur le protocole Parcours professionnels Carrières Rémunérations, le désormais fameux PPCR, il n’y aurait pas de négociations salariales en 2016. Cet énième revirement gouvernemental nous rappelle les vertus de la démocratie et du rapport de force. Parce que nous avons produit un réel effort de communication et de consultation sur le protocole PPCR, nous avons assis notre position sur l’opinion de nos syndicats et des agents qu’ils organisent. Parce que les mesures PPCR étaient insuffisantes pour certaines, très incertaines pour d’autres et régressives pour plusieurs, le protocole n’a pas été approuvé par des syndicats représentant une majorité des agents de la Fonction publique, et ce en dépit du chantage signature contre négociations salariales. 

 

 

Face à ce front unitaire, le gouvernement a choisi le passage en force en imposant l’application des mesures PPCR. Une fois de plus, Valls a prétendu faire acte d’autorité alors qu’il faisait un aveu de faiblesse en démontrant l’incapacité du gouvernement à gagner l’adhésion des agents à son projet. En menant la bataille idéologique sur le caractère central du point d’indice, nous avons contribué à cette mise en échec et contraint le gouvernement à programmer des négociations sur nos salaires. 

Celles-ci vont être d’une importance décisive. Disons-le sans détour : le niveau de l’augmentation de la valeur du point sera proportionnel aux nombres d’agents grévistes et mobilisés dans la rue avant la négociation. Notre Comité national fédéral réuni en octobre a décidé de la mise en débat auprès des agents d’une mobilisation massive en janvier. L’unité syndicale se construit pour préparer cette échéance. Notre congrès doit être l’occasion de débattre ensemble de cette perspective et des conditions de sa construction. L’enjeu est précis et daté : pour gagner une augmentation significative du point en février prochain, le chemin passe par la décision démocratique des personnels, par la lutte, par la grève. Oui, mes camarades, sur le point d’indice, nous pouvons, nous devons faire plier le gouvernement ! 

Depuis plusieurs mois, les luttes se développent dans notre champ professionnel. Elles ont été nombreuses depuis notre 10ème congrès, dans les collectivités, dans les entreprises de l’eau, dans le logement social. Elles connaissent une réelle accélération dans la dernière période. D’autres sont programmées, à l’image de la mobilisation sur les salaires de nos camarades du groupe Suez le 26 novembre et de la journée d’action de nos camarades sapeurs-pompiers professionnels et agents des SDIS le 3 décembre. Ces luttes sont le fruit de la radicalisation de la situation, de la tension accrue découlant des réformes régressives. Elles reflètent la combativité des agents et salariés de notre champ. Nous ne baissons pas la tête, nous sommes déterminés à résister et conquérir. 

La CGT a décidé de mener l’offensive sur la question des 32 heures sans perte de salaire. Alors que le discours dominant remet en cause les 35 heures, qui sont effectivement attaquées dans un nombre croissant de nos collectivités, la campagne de la CGT est plus que bienvenue. Conservons à l’esprit que la réduction du temps de travail, la conquête du droit à un temps libéré pour la vie personnelle, est un combat séculaire du mouvement ouvrier. La durée du temps de travail est un indicateur du degré de progrès d’une société. 

L’instauration des 32 heures serait aussi juste socialement que bénéfique économiquement. Elle permettrait plus de justice en donnant du travail aux privés d’emploi et en améliorant le quotidien des nombreux salariés en souffrance. Instaurer les 32 heures serait un bénéfice économique et social en relançant la consommation, en alimentant les régimes de retraite et les caisses de la Sécurité sociale. Les 32 heures, ce serait aussi davantage d’emplois publics et donc de moyens consacrés à la satisfaction des besoins croissants de la population. 

Porter le débat sur les 32 heures, c’est aussi remettre en avant la qualité de vie au travail, l’équilibre vie professionnelle/vie privée. C’est une porte d’entrée supplémentaire pour la campagne sur le droit à la déconnexion initiée par l’UGICT et relayée par notre UFICT. Enfin gagner les 32h sans perte de salaire nous permettrait de reprendre une partie de ce qui nous a été volé avec les politiques d’austérité salariale. Nous ne devons pas hésiter à être audacieux sur ce sujet. Pour gagner, nous devons donner envie de gagner. Quel meilleure moyen pour cela que de mettre en avant des propositions ambitieuses et qui correspondent tant aux attentes des privés d’emploi qu’à celles des salariés. 

Les enjeux revendicatifs de la période sont nombreux, notre projet de document d’orientation en est le reflet, et il n’est pas possible de tous les traiter dans ce rapport introductif. Je souhaite attirer particulièrement votre attention sur nos garanties statutaires qui seront sans doute un des thèmes de la campagne de 2017. 

Les ennemis du Statut ont dès son origine été à la manœuvre pour le remettre en cause. Dans le contexte présent, ils sont très virulents et vont l’être de manière croissante. A droite, le discours anti-fonctionnaires n’est pas une nouveauté mais il occupe une place accrue et sera un marqueur dans la campagne présidentielle. La nouveauté se situe côté PS où s’expriment des velléités d’atteintes aux garanties statutaires. Macron n’est qu’un porte-voix. 

Il y quelques semaines, les ennemis du Statut, dont Macron, se sont agités sur le thème de la rémunération dite au mérite. Cette agitation a trouvé sa source dans l’écho médiatique démesuré donné à un accord signé à la ville de Suresnes par les syndicats de la collectivité, dont la CGT. Je profite de cette occasion pour rappeler ce que la direction fédérale a déjà signifié au syndicat de Suresnes lors d’une rencontre début septembre. La Fédération est opposée au développement de l’individualisation et de la variabilité de nos rémunérations, parce que c’est un danger pour la cohésion des équipes, parce que c’est la porte ouverte à l’arbitraire, parce que c’est dangereux pour le service public. La médiatisation massive de cet accord démontre que les ennemis de la Fonction publique instrumentalisent la signature d’un syndicat CGT. Il est grand temps que nos camarades de Suresnes en prennent conscience. Dans le cas contraire, camarades de Suresnes, des conséquences devront en être tirées. 

 

 

 

 

 

La vie du Statut a été une longue succession de batailles au cours de laquelle il a démontré sa vitalité et sa pertinence. L’affaire de Suresnes démontre que ce combat demeure d’une brûlante actualité. La bataille gagnante sur l’abrogation du jour de carence nous éclaire sur la voie à emprunter. La CGT y a joué un rôle moteur mais cette lutte a été menée dans l’unité. Nous avons su en faire un combat des personnels en lançant une pétition qui a rencontré un large succès. Nous avons travaillé sur le plan idéologique en démontant les arguments des partisans du jour de carence et en faisant la démonstration de son caractère injuste. C’est dans les mêmes conditions qu’ont été menées les contre-offensives pour le 1% formation et la pérennité de notre établissement paritaire national qu’est le CNFPT. 

Pour être gagnée, la bataille pour le Statut devra être menée dans l’unité, sur la base de la convergence d’analyse et de revendications. Elle devra être menée avec les personnels. Elle devra interpeller l’opinion publique de manière offensive. Il nous faudra rappeler que le Statut est avant tout une garantie pour les usagers d’un service public égalitaire et impartial. Nous affirmerons que nous sommes fiers d’être fonctionnaires et agents publics au service de l’intérêt général. A travers le devenir du Statut, c’est bien celui de la Fonction publique et du service public qui est posé. Dans le secteur des activités postales et de télécommunication, la mise en extinction de l’emploi statutaire a été la condition de la mise à mal du service public. Le lien entre service public et garanties statutaires doit donc être au cœur de notre argumentation. 

La campagne revendicative de défense et de promotion du Statut nécessite d’être engagée de manière convergente avec celle pour le Code du Travail, aujourd’hui frontalement attaqué par le pouvoir socialiste aux ordres du Medef. Le Code du Travail et le Statut des fonctionnaires constituent un système de garanties collectives indissociables protégeant l’ensemble du monde du travail. Défendre ces conquêtes collectives est pour nous l’occasion de porter la revendication d’un Statut unifié de la Fonction publique, étape dans la construction du Nouveau Statut du Travail Salarié. Là encore, l’esprit de conquête et la volonté de promotion de notre projet syndical doivent nous animer. C’est dans ce même état d’esprit que nous continuons de promouvoir la reconquête de la maîtrise publique de l’eau et du logement social. 

Gagner sur les revendications, c’est d’abord convaincre que l’on peut gagner parce que nos propositions sont non seulement utiles mais aussi réalistes. Nous nous heurtons sur ce plan au discours dominant qui prétend qu’il n’y aurait pas d’alternative crédible parce qu’il n’y aurait pas de moyens financiers mobilisables. 

Ces arguments sont ceux des possédants et des réactionnaires de tous poils depuis la nuit des temps. C’est au nom des mêmes fables qu’a été combattue l’abolition de l’esclavage. Les mêmes idioties ont été opposées à nos anciens quand ils se sont battus pour interdire le travail des enfants, instaurer les congés payés, réduire la durée de la journée de travail. 

Aux soi-disant réalistes qui ne sont que les défenseurs égoïstes d’intérêts particuliers, nous opposons donc la réalité des faits. 

Première réalité : il n’y a jamais eu autant de richesses produites en France et dans le monde. 

Deuxième réalité : en proportion de la richesse produite, la France fait partie du club des pays champions du monde de l’aide publique aux entreprises. Chaque année, ce sont 230 milliards d’euros d’argent public qui, sous la forme d’aides et d’exonérations fiscales et sociales, alimentent les caisses des entreprises et les poches des actionnaires. Jamais assez gavés, grands patrons et spéculateurs continuent pourtant de brailler. 

Troisième réalité : ces mêmes braillards accros à l’aide publique sont responsables de 25 milliards de fraude sociale et d’une bonne partie des 80 milliards de fraude fiscale. 

Ce sont donc plusieurs centaines de milliards de fonds publics qui sont disponibles chaque année, largement de quoi par exemple augmenter le point d’indice quand on sait qu’1% supplémentaire nécessite moins de 2 milliards. 

Nous avons donc toutes les raisons d’être offensifs sur le terrain revendicatif, concernant la participation obligatoire des employeurs à la protection sociale complémentaire, la reconnaissance statutaire des COS et CASC, les moyens d’action de nos élus CHSCT, et tant d’autres urgences revendicatives. C’est en étant offensifs que nous occuperons les meilleures positions pour défendre les conquêtes aujourd’hui attaquées. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous placer en situation de relever les défis revendicatifs qui nous sont posés appelle de notre part un regard lucide et des décisions fermes concernant nos pratiques et nos outils syndicaux. 

Je vous pose deux questions, mes camarades. 

Voulons-nous un syndicalisme CGT au service des luttes ? 

Voulons-nous une Fédération au service des syndicats ? 

Si la réponse à ces deux questions est oui, nous devons nous dépasser pour être à la hauteur des nécessités de l’heure. 

Nous remettre en question, débattre de nos difficultés, prendre des décisions pour faire bouger les lignes, c’est la condition pour cesser de nous épuiser dans les conflits internes qui se multiplient. 

Dans notre champ professionnel, nous sommes aujourd’hui plus de 83 000 syndiqués CGT, soit 11 000 adhérents supplémentaires depuis le congrès d’Ajaccio en 2011. Ce résultat a été atteint alors que nous sommes dans l’œil du cyclone, que les coups tombent dru, que la période est excessivement difficile. 

Plus de 83 000 syndiqués CGT dans notre champ, c’est un formidable encouragement, la preuve éclatante de la combativité des territoriaux, un point d’appui pour changer la donne par la lutte. Cette progression est globale d’un point de vue territorial. Elle concerne toutes les catégories, dont celles de l’encadrement. Nous avons davantage de syndiqués tant chez les actifs que parmi les retraités. 

Ces plus de 83 000 adhérents sont le fruit du travail quotidien de nos syndicats, des militants qui les animent. Ils sont aussi le fruit des efforts fournis par nos coordinations départementales et régionales, notre UFICT et notre UFR, notre FNF, par les structures interprofessionnelles de la CGT, par la direction fédérale. Je tiens également à saluer le rôle de notre CFC pour faire respecter nos règles de vie, si nécessaires à notre développement. Cette force syndicale constitue un atout considérable. Elle nous confère aussi des responsabilités particulières. Mettre à profit cette force syndicale en assumant nos responsabilités nécessite d’examiner sans détour notre fonctionnement. 

Les résultats des élections professionnelles de 2014 sont à cet égard édifiants. Ils démontrent d’abord que la CGT demeure de loin la première organisation syndicale dans la Fonction publique territoriale. Malgré un climat délétère au niveau médiatique, par le travail réalisé sur le terrain, la CGT est arrivée largement en tête. 

 

La CGT connaît aussi un net recul en pourcentage. Celui-ci s’explique d’abord par l’abstention, en forte augmentation en particulier en catégorie C. Cette montée de l’abstention tient à différents facteurs, dont le développement du scrutin par correspondance qui pénalise particulièrement notre organisation. 

Notre recul tient aussi à des carences de l’organisation CGT. Après les élections, nous avons pointé le besoin de remettre l’accent sur le développement d’un syndicalisme de proximité, mené avec et pour les personnels. Il ne s’agit pas de bannir notre présence dans les instances et les espaces de dialogue et de concertation avec nos employeurs. Il s’agit de ne pas tomber dans le piège qui nous est tendu. Nos adversaires veulent nous transformer en un syndicat qui structure son activité autour des institutions dites de dialogue social. Il se peut même que quelques-uns des adhérents de la CGT portent cette conception. C’est leur droit mais ce point de vue doit être assumé pour pouvoir être soumis au débat. 

Ce fameux dialogue social, dont on nous rebat les oreilles, mérite que l’on en dise quelques mots. Pour la CGT, le dialogue social ne peut être une fin en soi et il n’a de sens que s’il produit un résultat améliorant le sort du monde du travail. Si souvent mis en avant, le dialogue social perd toute crédibilité si les salariés n’en retirent rien. Il en perd plus encore s’il débouche sur une aggravation de leur condition. 

Avec l’épisode PPCR, Valls et sa clique ont rappelé brutalement leur mépris de la démocratie sociale. Des organisations syndicales se sont crues bien inspirées de nous cracher dessus à cette occasion. Elles n’en sont pas sorties grandies. 

Nous l’affirmons : le dialogue social se résume trop souvent à un habillage visant à faire croire que les reculs sociaux ne sont pas imposés. La CGT laisse à d’autres le soin de défendre cette fable. Ce dont nous avons besoin, c’est de construire le rapport de force pour peser sur les choix opérés. C’est à cette condition que le mythe du dialogue social, qui se réduit dans les faits à un monologue patronal, laissera la place à la nécessaire démocratie sociale. 

La mise en mouvement des agents et salariés, leur mobilisation, leur organisation dans la CGT, demeurent donc les questions centrales. Si nous avons continué de progresser en syndicalisation, nous sommes encore loin d’avoir atteint le niveau dont a besoin le monde du travail pour renverser la table et se faire entendre. 

Là où nous sommes au quotidien dans les ateliers, les services administratifs, les écoles, collèges et lycées, dans les crèches, dans les équipements culturels et sportifs, partout où travaillent nos collègues, nous progressons et nous travaillons à construire des mobilisations de masse. 

Nous savons tous ici que cette pratique du contact quotidien avec les agents et salariés n’est pas partout au cœur de notre syndicalisme CGT. Les raisons en sont variées et il ne s’agit pas de faire de procès. Il s’agit là où c’est nécessaire de savoir remettre en cause nos pratiques, bousculer des habitudes. Il s’agit de nous remettre collectivement au clair sur le syndicalisme CGT dont nous avons besoin dans la période. 

Nous devons prendre en compte les évolutions de société, les changements technologiques, le développement des réseaux numériques de communication. Nous devons aussi conserver à notre syndicalisme son caractère de masse. Cela suppose qu’il soit construit avec les salariés et pour les salariés. Les technologies numériques sont un outil, dont nous devons continuer de nous emparer. Il nous faut aussi garder à l’esprit qu’elles ne sont qu’un outil parmi d’autres. 

Notre CGT constitue le premier réseau organisé dans le monde du travail, un réseau qui doit être développée. Cette présence est un puissant levier pour nourrir notre réflexion, construire les mobilisations, diffuser nos idées. La difficulté réside dans notre capacité à mettre en action ce réseau de manière cohérente et ainsi à influer sur le réel. Il nous faut constamment mettre l’agent, le salarié, au centre de notre démarche pour conférer à celle-ci un plein caractère démocratique. Rien ne remplace le contact direct avec les salariés et les agents, les tournées de service, les heures mensuelles d’information syndicale, les assemblées générales. 

Le Comité confédéral national a décidé d’engager la CGT dans une large consultation des salariés, afin d’être à l’écoute, de partager avec eux ses propositions pour sortir de cette crise, et de débattre de la nécessaire mobilisation pour y parvenir. Nous allons nous emparer de cette consultation. 

Personne d’autre que les militants de la CGT ne dira aux travailleurs ce que la CGT a à leur dire. Notre force première, c’est d’être parmi nos collègues au quotidien, de travailler avec eux, de réfléchir avec eux. Là où ce lien s’est étiolé voire perdu, il doit impérativement être reconstruit car il est la condition de notre caractère de masse et de classe. 

Le monde du travail, la CGT, notre Fédération, nos syndicats, ont besoin de davantage de fonctionnaires syndiqués. Ils n’ont pas besoin de davantage de fonctionnaires du syndicalisme. La bureaucratisation est une ornière, à laquelle nous n’échappons pas toujours et qui concerne tous les niveaux de l’organisation. Nous devons lutter sans relâche contre cette tendance, qui constitue un danger mortifère pour notre conception d’un syndicalisme d’adhérents. 

 

Mener cette lutte n’enlève rien au fait que nous avons évidemment besoin de camarades d’expérience. Pour autant, les enjeux de renouvellement, de rotation des tâches, de répartition des responsabilités, de cumul de mandats, sont d’une grande actualité dans nombre de nos organisations. Pour avancer dans le bon sens sur ces aspects, nous n’avons d’autre choix que d’en faire des sujets du plus grand nombre de nos syndiqués. 

Pour être auteurs, acteurs, décideurs, nos syndiqués doivent être mobilisés et ainsi faire vivre pleinement la démocratie dans la CGT et permettre à l’organisation de rayonner. Notre qualité de vie syndicale a beaucoup à gagner à cette mobilisation de nos adhérents. Celle-ci suppose d’alimenter la réflexion politique de nos camarades, de susciter leur intérêt, de les solliciter, de les écouter, de prendre en compte leur avis. Reconnaissons que nous avons de fortes marges de progression en la matière. 

C’est avec nos syndiqués que nous devons construire nos directions syndicales. Dans la CGT, et il n’est pas souhaitable que cela change, l’autorité d’une direction ne se décrète pas, elle ne s’impose pas, elle se construit sur la base de la confiance et du travail de conviction. 

En rapport avec ces questions, la bataille de la formation syndicale est identifiée par tous comme une bataille éminemment politique. Il s’agit d’armer nos militants pour qu’ils soient en capacité d’analyser, de transmettre et d’agir. Cela nous ramène à la formule d’Henri Krasucki, « La lutte des classes, ça s’apprend ». 

Des valeurs fondamentales, une conception du monde et de nos responsabilités, cela se construit collectivement et cela se transmet. Notre projet de document d’orientation, tenant compte des aspirations de nos syndicats et militants, fait de la formation syndicale un axe central du mandat. Sans dramatiser, nous avons quelques raisons de penser que nous sommes à une période charnière. La force de notre CGT et de son corps militant sera fonction des efforts que nous fournirons dans les années qui viennent en matière de formation syndicale. 

Les forts bouleversements produits par la réforme territoriale bousculent nombre de nos outils syndicaux. En fonction des réalités auxquelles ils sont confrontés, plusieurs de nos syndicats ont d’ores et déjà engagé des transformations. C’est le cas de plusieurs de nos syndicats dans les conseils régionaux qui fusionnent. Il serait illusoire et contre-productif de vouloir plaquer un modèle unique et un calendrier de transformation de nos outils s’appliquant de manière uniforme sur tout le territoire. Pour autant, il est nécessaire que nous engagions rapidement la réflexion, le débat voire l’expérimentation sur l’évolution de nos outils quand ils sont percutés par les évolutions institutionnelles. 

 

Et que l’on ne nous chante pas le couplet de la CGT qui accompagnerait les réformes. Les réformes néfastes, nous les avons toujours combattues, nous les combattrons encore et nous n’avons aucune leçon à recevoir ! Ce dont il s’agit, c’est avec nos adhérents de déterminer comment la CGT doit se structurer pour faire face aux enjeux revendicatifs, peser sur les choix, se mettre en situation de défendre et conquérir. Cela, assumons-le tranquillement, peut nécessiter une évolution du périmètre de nos structures et outils. 

Cette question se pose aussi au niveau fédéral. La qualité du travail interfédéral avec nos camarades de l’UGFF et de la Fédération Santé et Action sociale est un atout précieux. Avec certes des éléments contradictoires, la campagne CGT sur les enjeux PPCR l’a illustré de manière positive. Elle a aussi mis en lumière la nécessité d’approfondir le travail interfédéral sur le champ de la Fonction publique. Nous sommes un certain nombre à penser que cet approfondissement pose y compris des questions en termes d’évolutions structurelles de nos outils fédéraux. Notre congrès est l’occasion de pousser la réflexion à ce sujet. 

Quelques mots maintenant sur la direction fédérale. Comme celle de tout collectif militant dans la période, la vie de la commission exécutive fédérale élue à Ajaccio n’a pas été un long fleuve tranquille. Dans des conditions complexes, la direction a exercé ses missions au mieux de ses possibilités. Je veux rendre hommage aux camarades de la CE sortante à titre tant individuel que collectif. 

L’article XIII des statuts fédéraux stipule que « La Commission Exécutive est l’organisme dirigeant de la Fédération ». Le bilan de la direction a fait l’objet de plusieurs échanges récents lors de réunions de la CE et du CNF. Ces échanges ont fait apparaître un constat partagé sur les difficultés de la CEF à être pleinement l’organe dirigeant de la Fédération. Une des questions soulevées est celle du rôle du bureau fédéral. Plusieurs camarades, dont je suis, estiment que le BF concentre trop de tâches, au détriment de la souveraineté de la CEF. La direction fédérale que nous allons désigner jeudi devra être maîtresse de ses choix d’organisation et de fonctionnement. C’est la condition pour lui permettre d’exercer son mandat au service des syndicats. 

C’est pour cette raison, alors qu’il est d’usage que la totalité du bureau fédéral soit élu pendant le congrès, que j’ai proposé que la nouvelle CEF se donne le temps de la réflexion et qu’elle n’élise le bureau fédéral qu’une fois qu’elle aura pu déterminer son mode d’organisation et de répartition des tâches. Comme je l’ai indiqué au CNF en octobre, cela suppose que le bureau soit élu début 2016. Dans cette hypothèse, les camarades membres de la CE sortante qui seront réélus pourront assurer le suivi des dossiers durant la période de réflexion de la nouvelle CEF. 

 

 

Nos statuts prévoient que le secrétaire général et le secrétaire à la politique financière sont élus par la CEF, qui fait ratifier son choix par le congrès. La CE vous fera donc des propositions jeudi. Pour dissiper tout faux suspense, et comme cela a déjà été annoncé lors de la dernière réunion du CNF, je vous indique que Christophe Couderc est prêt à poursuivre sa tâche sur le mandat de secrétaire à la politique financière et que je suis disponible pour celui de secrétaire général. 

Pour conclure, permettez-moi d’insister sur deux dimensions de notre syndicalisme CGT : son caractère interprofessionnel ; son ambition de transformation sociale. 

Tout au long de son histoire, notre Fédération a porté la dimension interprofessionnelle du syndicalisme CGT. En 1934, notre Fédération a même joué un rôle pionnier dans le processus de réunification entre la CGTU et la CGT. Sur tout le territoire, des syndiqués de la Fédération contribuent à l’activité interprofessionnelle. Avec ses syndicats, la Fédération tient sa place dans la CGT, participe à son fonctionnement et ses débats, elle en est actrice, elle prend et prendra ses responsabilités dans la CGT. Nos syndicats sont par ailleurs nombreux à bénéficier régulièrement de l’appui des structures interprofessionnelles, de la solidarité des forces CGT d’autres professions. Nos syndicats, nos syndiqués, participent à la convergence des luttes qui est une nécessité pour tous. C’est une très bonne chose, c’est la CGT. 

Pour autant, nous savons que ces réalités ne sont pas le lot commun de tous nos syndicats. La tendance au repli est une réalité dans notre profession, où une part de nos structures vit en autarcie. Cela doit nous alerter sérieusement et nous pousser à réagir. La tendance au repli doit être sévèrement contrecarrée parce qu’elle est une arme supplémentaire entre les mains de nos adversaires. Le repli, corporatiste ou territorial, c’est ni plus ni moins la mise en danger de la CGT. Combattons-le avec constance et conviction car il nous tire vers le bas, tant sur le plan idéologique que sur celui du rapport de force. 

Nous renfermer sur nos intérêts corporatistes, ce serait par ailleurs renoncer à l’ambition de transformation sociale portée par la CGT. Or, il y a urgence absolue à dégager l’horizon, à faire grandir l’idée qu’une alternative est possible. La campagne menée ces derniers mois contre le peuple grec a illustré la volonté forcenée du capital d’étouffer toute velléité de mener une politique de rupture avec le dogme de l’austérité. Installer l’idée qu’il n’y aurait pas d’alternative est une nécessité pour faire accepter renoncements politiques, régressions sociales et reculs démocratiques. Rouvrir le champ des possibles est par conséquent une nécessité qui n’est pas seulement politique, c’est une urgence citoyenne, un enjeu syndical. 

Le syndicalisme a sa spécificité, son champ d’intervention propre, il est irremplaçable et souverain sur le terrain de la revendication, mais il ne détient pas à lui seul les moyens de changer la donne. 

Notre syndicalisme se doit de prendre en compte la ligne de démarcation que constitue l’analyse des politiques d’austérité. L’austérité, il y a ceux qui l’imposent, il y a ceux qui s’en accommodent. Avec d’autres, nous faisons résolument partie du camp de ceux qui la combattent. 

Oui, mes camarades, comme en 1936 avec le Front populaire, comme en 1943 avec le Conseil national de la Résistance, nous n’avons rien à nous interdire dans la recherche de convergences quand cette recherche se fonde sur l’indépendance syndicale d’action et de décision. 

Oui, il y a besoin de rassembler les énergies, de faire grandir le camp du progrès. 

Oui, nous devons élargir le cercle de celles et ceux qui débattent, décident et agissent ensemble. 

Oui, nous voulons sortir de la spirale infernale de la régression sociale et démocratique. 

Nous voulons en finir avec la barbarie capitaliste, pour transformer la société. 

Oui, nous pouvons gagner. La CGT est grande lorsqu’elle est ambitieuse. 

Nous avons aujourd’hui toutes les raisons d’être audacieux et conquérants. 

Vive le 11ème congrès ! Vive la CGT ! Et vive la lutte ! 

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