Conflit en entreprise : gare au contenu de la transaction

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Une transaction rédigée en des termes généraux est valable et acquiert l’autorité de la chose jugée. Après sa signature, les parties ne peuvent plus agir en justice et ce, même s’il est question d’un droit éventuel. Il est toutefois toujours possible d’exclure certaines dispositions du champ d’application de la transaction. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt publié. Cass.soc.20.02.19, n°17-19.676. 

  • Qu’est ce qu’une transaction ?

L’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». 

L’objectif principal de cet acte est de règler un différend de manière amiable, et, in fine d’empêcher les parties d’agir en justice sur celui-ci. C’est pourquoi il a autorité de la chose jugée. 

Pour être valable, la transaction qui règle un différend portant sur la rupture du contrat de travail doit obligatoirement intervenir après cette rupture (1). Pour être certain de prouver cette condition, le licenciement doit être notifié par LRAR (2). La Cour de cassation l’a récemment rappelé dans un arrêt de 2018. Néanmoins si la transaction est considérée comme non valable, les parties pourront à nouveau agir en justice. 

Il n’est pas toujours aisé de savoir si un différend est réglé ou non dans la transaction. Cela est particulièrement vrai lorsqu’elle est rédigée en des termes généraux, et encore plus lorsqu’il s’agit d’un droit éventuel. C’est là tout l’enjeu de l’arrêt ici commenté… 

Ce que dit le Code civil. L’article 2048 prévoit que « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. » L’article 2049 précise quant à lui que les transactions ne règlent que les différends qu’elles visent. Cela prend la forme soit d’une manifestation de l’intention de régler le différend par des expressions spéciales ou générales, soit que par la reconnaissance cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. 

  • Faits, procédure

Suite à un licenciement économique, l’employeur et le salarié ont décidé de signer une transaction. 

Le salarié décide malgré tout de saisir le conseil des prud’hommes pour non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de reclassement et de priorité de réembauchage. Selon lui, la transaction ne pouvait pas régler ce litige car cela aurait conduit à renoncer par avance à un droit. 

L’article L.1233-45 du Code du travail prévoit que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’1 an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai. 

Pour le salarié, la transaction réglait uniquement un différend intervenu entre l’entreprise et les représentants du personnel sur l’indemnisation forfaitaire du préjudice subi par les salariés du fait de leur licenciement économique. 

Selon les juges du fond, la transaction prévoyait qu’elle « réglait irrévocablement tout litige lié à l’exécution et à la rupture du contrat de travail, en dehors de l’application des autres mesures du dispositif d’accompagnement social ».  

Il y était également indiqué que « les parties déclaraient renoncer ou intenter ou poursuivre tout instance ou action de quelque nature que ce soit dont la cause ou l’origine aurait trait au contrat de travail, à son exécution ou à sa rupture ». 

  • Un large périmètre transactionnel valable…

Sans surprise, pour la Cour de cassation, les termes très généraux de la transaction permettent bien d’inclure les litiges liés à la priorité de réembauchage. 

Depuis 2014 (3), la Cour de cassation reconnaît clairement que les clauses rédigées en des termes très généraux ne rendent pas invalide la transaction. Ce qui a pour conséquence d’empêcher le salarié d’agir en justice, y compris quand il est question, comme dans cette affaire, de renoncer par avance à un droit éventuel. 

  • … tout en autorisant l’exclusion de certaines contestations

La Cour de cassation contredit en revanche les juges du fond sur un point. Ces derniers avaient retenu que la transaction faisait également obstacle à la demande en justice par l’employeur du remboursement d’un trop-perçu de l’aide à la création d’entreprise. 

Or, la Cour de cassation rappelle que la transaction prévoyait expressément l’exclusion de son champ d’application les contestations liées aux mesures du dispositif d’accompagnement social du plan de sauvegarde de l’emploi. Concernant la demande de remboursement du trop-perçu de l’aide à la création d’entreprise, l’employeur pouvait donc agir en justice. 

Attention donc à la rédaction de la transaction que vous signez ! Il est préférable d’être précis sur les différends qu’elle règle. Si celle-ci est néanmoins rédigée en des termes généraux, il est vivement conseillé d’y inscrire les contestations sur lesquelles vous souhaitez vous réserver le droit d’agir en justice après la signature de la transaction.  

 

 

(1) Art. L.1231-4 C.trav. 

(2) Art. L.1232-6 C.trav. 

(3) Cass.soc. 05.11.14, n°13-18.994. 

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