Comment le salarié licencié puis réintégré est-il indemnisé ?

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Par un arrêt en date du 16 octobre 2019, la Cour de cassation précise les règles d’indemnisation en cas de demande de réintégration d’un salarié victime d’un Accident du Travail ou Maladie Professionnelle (ATMP) licencié en violation des règles protectrices en la matière. Elle en profite pour dire que les sommes versées à ce titre le sont à l’occasion du travail et doivent par conséquent être soumises à cotisation sociale. Cass.soc. 16.10.19, n°17-31624 

Voilà un sujet sur lequel l’existence de différentes règles jurisprudentielles, pas toujours stabilisées, en rendent son appréhension parfois compliquée : celui relatif au cumul indemnisation/revenu de remplacement en cas de nullité d’un licenciement. L’arrêt ici commenté en est l’illustration. 

  • Rappel des faits

Dans l’affaire en question, un salarié est placé en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail. Un peu plus d’un an après, pendant cet arrêt, il est licencié pour cause réelle et sérieuse. Il décide de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la nullité du licenciement prononcé en violation des règles protectrices du salarié en arrêt de suite à un ATMP. A ce titre, il réclame sa réintégration ainsi que le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement, correspondant au montant des salaires dont il a été privé entre son éviction et sa réintégration. 

L’article L. 1226-9 du Code du travail prévoit que le salarié placé en arrêt de travail à la suite d’un ATMP ne peut faire l’objet d’un licenciement sauf si l’employeur justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. Le licenciement prononcé en violation de cette règle est nul(1). A noter que cette règle protectrice ne s’applique pas au salarié en arrêt de travail « classique », ne faisant pas suite à un ATMP. 

 

Il obtient en partie gain de cause devant les juges du fond : son licenciement est considéré comme nul. 

Néanmoins, la cour d’appel, qui condamne bien l’employeur a lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi entre le licenciement et la réintégration, fait droit à la demande de l’employeur. Celui-ci demandait qu’il soit déduit du montant total du les sommes perçues par le salarié pendant cette période, à savoir les revenus de remplacement. 

Par ailleurs, la cour d’appel, contrairement à ce que demandait le salarié, considère que cette somme n’est pas un salaire, a un caractère indemnitaire et n’est donc pas soumise à cotisations sociales.  

Le salarié décide de se pourvoir en cassation sur ces deux points. 

  • Rappel de la jurisprudence

Le salarié demandait donc à la Cour de cassation de dire que l’employeur ne pouvait déduire du montant de l’indemnisation les sommes perçues au titre des revenus de remplacements entre son licenciement et sa réintégration. 

Pourquoi une telle demande ? Pour bien comprendre, revenons brièvement sur la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation sur le sujet. Celle-ci considère de longue date que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration peut prétendre au versement d’une indemnité réparant le préjudice subi entre le licenciement et la réintégration. Mais, sur cette règle générale, elle en a dégagé deux autres : 

– Une première selon laquelle le salarié qui demande sa réintégration peut prétendre au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé(2);  

– Une seconde selon laquelle l’indemnisation est forfaitaire, c’est-à-dire qu’elle correspond aux montants des rémunérations dont le salarié a été privé, peu importe que celui-ci ait perçu sur cette période des revenus de remplacement ou autre salaire. Pour la Cour de cassation, cette indemnisation forfaitaire s’applique lorsqu’est en cause un licenciement prononcé en violation du statut protecteur ou bien d’un droit ou liberté garantis par la Constitution. Au cas par cas, la Cour de cassation est venue préciser quelle type de nullité bénéficie de cette indemnisation forfaitaire : licenciement du salarié gréviste, licenciement discriminatoire prononcé en violation de l’état de santé, ou encore licenciement discriminatoire prononcé en raison de la pratique syndicale.  

  • Violation de l’article L. 1226-9 du Code du travail : une indemnisation limitée au montant des rémunérations dont le salarié a été privé

Dans l’arrêt commenté, le salarié avait donc tenté de démontrer que son licenciement caractérisait une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. La cour d’appel avait sur ce point considéré que le licenciement, certes survenu en violation de l’article L. 1226-9 du Code du travail, ne l’avait pas été en raison de l’état de santé du salarié. 

La Cour de cassation balaie la tentative du salarié : elle retient en effet que « le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ».  

La Cour de cassation ne le dit pas expressément, mais on comprend ici que pour elle, le licenciement d’un salarié en arrêt de travail suite à un ATMP, en dehors des cas autorisés par le Code du travail, n’est pas considéré comme intervenu en violation d’un droit ou d’une liberté garantis par la Constitution. 

Le lien que le salarié a essayé de faire entre droit à la protection de la santé et l’article L. 1226-9 n’a malheureusement pas convaincu les juges. La décision aurait été différente si c’est l’état de santé qui avait motivé la rupture du contrat, ceci conformément à la jurisprudence selon laquelle un salarié licencié en raison de son état de santé peut bénéficier de la réparation forfaitaire lorsqu’il demande sa réintégration (3).  

  • Une indemnisation ayant la nature d’un salaire

Le pourvoi du salarié n’aura pas été intégralement vain puisqu’il obtient malgré tout raison sur la question de savoir quelle est la nature de l’indemnité versée en réparation du préjudice subi entre le licenciement et la réintégration. 

Sur ce point, rappelons que la cour d’appel avait considéré que ces sommes « présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires ». 

La Cour de cassation, au contraire, retient que « la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l’occasion du travail et entre dans l’assiette des cotisations sociales ». Alors oui, le salarié n’a effectivement pas travaillé sur la période, mais dans la mesure où la nullité efface tout, il aurait dû travailler et donc percevoir un salaire en contrepartie du travail, soumis à cotisation. Une solution assez logique donc ! 

 

(1) Art. L. 1226-13 C. trav. 

(2) Cass.soc. 03.07.03, n°01-44522 

(3) Cass.soc. 29.05.13, n°11-28734 

 

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